Cœur

心 xīn

Le cœur est l’empereur. fils du ciel, miroir du shén, Centre du thorax: ces termes recouvrent une même position médiatrice entre tiān, le ciel archétypal, et le corps. Le rôle du cœur est de faire en sorte que tout ce qui est d’ordre universel soit coloré par notre nature singulière :

Avant d’aller distribuer les Insignes en circulant sur terre à la manière d’un Soleil […], l’Empereur devait, pour mériter le titre de Fils du Ciel et d’Homme Unique, s’élever, tout droit et confondu avec l’axe du Monde, sur la Voie (Wang Tao) par laquelle, à des instants sacrés, le Ciel et la Terre entrent en communion.

– Marcel Granet, La Pensée chinoise

Coeur – esprit – intime – intelligence – pensée – mental – conscience morale – sentiment – affect – humeur – intention – attention : le cœur est le médiateur entre les esprits célestes, les puissances naturelles et toutes les instances de l’organisme. Souverain de l’être, pivot de la vie, il est le garant de l’unité et de l’existence d’une personne.

Le cœur est positionné au milieu de la poitrine. Il ne s’agit pas d’un centre anatomique, comme la rate. Il est centre comme la poutre faîtière d’une maison est centrale, étant la plus haut placée. Il est le centre comme le lieu ultime où tout converge et d’où tout émane, quand on est dans le sans forme : perceptions, émotions, pensées, mental, spiritualité … Il est ce qui polarise les différents composants des facultés sensitives et cognitives; il est le centre de la vie personnelle comme le 太 tài jí est le centre et l’origine du cosmos.

La vie d’un homme est son cœur. Par lui il réalise sa destinée et se met en accord avec ce qui guide le processus et les mutations par lesquels tout vivant apparaît et se manifeste. Par son cœur, l’homme est responsable de la vie.

Quand l’homme, par sa pratique et sa conduite, met son cœur en harmonie avec le cœur de l’univers, il jouit de la plus parfaite santé possible, dans un équilibre souple, ce qui lui procure contentement et aisance. Sinon, c’est le début des troubles et des maux. La vertu associée au cœur est le sens des convenances, des rites car en tant que souverain il doit montrer dans son attitude appropriée la clarté de son discernement.

心虛 xīn xū

Le cœur est vide (虛 xū) quand il est capable de tout recevoir, accepter, considérer, parce qu’il n’est pas fixé, arrêté sur une idée, un être, un désir. Ne rien exclure de ce qui existe permet de ne pas s’émouvoir exagérément et de réagir juste. Le vide du cœur, c’est vider son cœur, un peu plus chaque jour, des désirs qui le remplissent et voilent sa claire conscience, sa lucidité et son inspiration dans les esprits. Quand le cœur est capable de prendre tout ce qui se présente et de l’accepter tel que c’est, la connaissance devient sagesse, une sagesse qui est l’art de nourrir la vie.

心術 xīn shù

C’est cultiver en soi ce qui mène au vide du cœur, à la disponibilité totale et l’agir efficace, qui se confondent avec l’agir non agissant des sages. L’art (術 shù) du cœur cultive la sérénité qui permet de libérer le cœur des passions, de lui faire prendre conscience de sa nature originelle et donc de se conduire et réagir de façon appropriée.

無為 wú wéi

Le calme et la quiétude que l’art du cœur recherche ne sont pas la négation des mouvements et émotions qui font la vie; c’est leur justesse, la tempérance qui éloigne des emportements et débordements; c’est le perpétuel rétablissement d’un équilibre fait de souffles et de sang, de chair et d’os, de sentiments et de pensée…

心竅 xīn qiào

À la tête, les orifices (竅 qiào) supérieurs – qui sont les organes des sens, les passages de la perception et de la connaissance, la manifestation des états intérieurs – sont globalement en dépendance du cœur.

Dans la poitrine, les orifices du cœur ne sont pas des ouvertures physiques, mais plutôt l’ouverture du cœur, la clarté de l’intelligence, la présence d’esprit. Quand ils sont voilés ou obstrués, notamment par des glaires, c’est l’obscurcissement de la conscience, le déséquilibre mental, la perte de la raison.

A l’aide du seul pinceau, on peut évoquer le cœur même du Grand Vide

Wang Wei

Le cœur est le grand maître  des cinq organes et des six viscères, le lieu de résidence de la vitalité. Si cet organe est solide et ferme, alors les souffles pervers ne peuvent pas s’introduire. S’ils s’y introduisent, alors le cœur est atteint et si le cœur est atteint, alors les esprits s’en vont et si les esprits s’en vont, c’est la mort.

chapitre 71 du traité du pivot spirituel, 靈, líng shū jīng
主宰活动
Le cœur régit les activités vitales
心藏神
Il stocke le shen
心主神明
Il régit les activités mentales
心主血脉
Il régit le sang et les vaisseaux
心主行血
Il régit les mouvements du sang
心主言
Il régit la parole
心开窍于
Il s’ouvre sur la langue
心主汗
Il contrôle la transpiration
心恶暑
Il déteste la canicule
心其华在
Il se manifeste au visage
  • Comme souverain, le cœur est maître cinq organes pleins et des six organes creux, des émotions et des organes des sens, le logis des esprits, le lieu de la conscience et de la connaissance, de la sensibilité et de la spiritualité.
  • Comme l’un des cinq organes pleins, exprimant le mouvement propre au feu, il commande le sang et ses circulations, la langue qui permet la parole, l’allégresse, la sueur …

Comme le soleil, le cœur réchauffe, entretient la douce chaleur de la vie par la circulation du sang; mais il éclaire et procure la lumière qui émane de la présence des esprits. On pourrait dire que le feu qui opère, qui agit dans la visibilité du sang et la perception de la chaleur est le feu ministre (相火 xiāng huǒ), alors que le feu qui éclaire, qui est rayonnement des esprits, est le feu souverain (君火 jūn huǒ).

Le cœur, c’est la production du sang et sa circulation, c’est le battement régulier qui témoigne de la vie; mais c’est aussi la vie affective, émotionnelle, intellectuelle, mentale, spirituelle ; c’est tout ce qui se fait en moi et par quoi j’ai le sentiment d’exister. Mon cœur, c’est donc moi, l’unité mystérieuse et composite de celui qui vit. Le cœur est le centre de mon être : il recueille, interprète, garde ou rejette informations, connaissances, sensations, perceptions, qui viennent de la périphérie par l’intermédiaire des organes des sens (les orifices de la face), ou qui montent de la mémoire … Les émotions sont ressenties par le cœur et sont ou non équilibrées selon l’état du cœur. Il est le centre d’émission des réactions qui commandent les mouvements des souffles.

Les pathologies du cœur se voient surtout dans la conscience et le fonctionnement du mental, dans les déséquilibres émotionnels. Toutes les émotions atteignent le cœur, en particulier l’allégresse, la pensée obsessive et l’oppression.

Ses pathologies se perçoivent également dans des lieux et fonctions liés au cœur.

  • Le visage, bien irrigué par de multiples circulations sanguines et exprimant toutes les émotions, est associé au cœur, même si on le divise aussi en sections associées chacune à un organe.
  • De même, les pouls permettent de voir la vitalité de tous les organes ; ils ont cependant tous un lien avec le cœur, maître de l’impulsion donnée aux circulations sanguines, réagissant à toutes les émotions.
  • La sueur coule sous l’effet de la chaleur, s’échappe par manque de souffles pour la retenir ou sous le coup d’une émotion ; elle est le liquide corporel associé au cœur, en équilibre avec le sang.
  • La langue signale aussi le désordre du cœur dans sa couleur et son aspect, mais aussi dans l’élocution et dans la tonalité du discours.
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