Ciel antérieur et ciel postérieur

Un texte de Robert Hawawini

S’il n’y a pas de temps, si le temps cesse donc : c’est la vacuité du ciel antérieur ( 先天 xiān tiān) qui précède les dualités du yīn-yáng, de la forme et du temps. La vacuité n’est pas l’un au-delà du deux. Elle est au-delà de la dualité de l’un et du deux car l’un n’existe pas sans l’autre. Cet au-delà n’exclut pas la conscience. Un Univers sans conscience est inimaginable. Elle est toujours présente, immobile, incréée, simplement conscience d’elle-même, sans objet d’identification. Puisqu’elle existe en dehors du temps, elle ne subit aucune transformation. Elle reste identique à elle-même, sans commencement ni fin. On la dit non duelle. Elle est le 元神 yuán shén , l’esprit originel, du ciel antérieur, lumière non-duelle, sans ombre ni endroit, au-delà des lumières duelles du soleil et du mental ou psychisme – le mot est secondaire -. Aussi, 元神 yuán shén ; lumière originelle, intérieure, non duelle, incréée ; vacuité ; ciel antérieur ; immobilité de l’esprit ou conscience immobile ; cessation du temps et dissolution de toute forme spatiale sont analogiques. Les religieux l’appellent Dieu, pourquoi pas ? Les expressions changent avec les cultures, les continents et les siècles, mais la réalité qu’elles évoquent est toujours la même.

Passons à avant la conception. Si le futur fœtus est en attente d’une conception, le temps se déroule et forcément avec lui, même s’il n’est pas matériel, l’espace est constitué. Par conséquent, l’intervalle précédent la conception appartient encore au ciel postérieur ( 后天 hòu tiàn).

Arrivons à maintenant. Avant et après sont des constructions mentales. Elles essayent de rendre compte d’états psychiques refoulés et oubliés pour se convaincre que le temps existe intrinsèquement. Or, nous n’existons que dans le présent qui témoigne de la cessation du temps. Il n’y a qu’ici et maintenant, dans le présent de notre incarnation, comme on dit : « dans cette vie-ci, ce corps-ci » que tous les potentiels du ciel antérieur sont actuels. Le génie du corps n’est-il pas de contenir tout l’Univers, toutes ces énergies donc … et tout le reste, la vacuité par exemple ? Au cours même de la vie, le ciel antérieur du 元神 yuán shén est donc toujours présent. Nous ne disons pas qu’il est dans le corps ou en dehors du corps, n’oublions pas qu’il est non duel. Il communique avec le feu empereur logé dans le cœur et atteint sa plénitude quand notre conscience est immobile. Elle équivaut à la cessation du temps. Elle « simplement observe » tout ce qui se passe à l’extérieur et à l’intérieur de son enveloppe. Et ce qui s’y passe n’est que du mouvement, c’est-à-dire de la forme et du temps en lien avec le feu ministre de la porte du destin (命门 mìng mén) appartenant aux reins. Il est clairement dans le corps et témoigne du ciel postérieur. Dans le monde incarné, cette conscience immobile est le témoin ou le représentant du ciel antérieur du 元神 yuán shén. Attention à cette précision : la conscience immobile n’est pas le 元神 yuán shén, elle est uniquement son représentant dans le monde incarné. Elle fait le pont entre sa présence au ciel postérieur et son lien avec le ciel antérieur. C’est dire que le génie du corps humain l’autorise à thésauriser tous les potentiels de l’Univers, en forme, en temps et leur dissolution. Toutefois, plafonnés par notre condition matérielle, nous avons perdu cette notion.

Pour finir, disons que le monde est éclairé par trois lumières. La lumière du soleil est physique, la lumière mentale, métaphorique. Ces deux lumières sont interdépendantes et acquises. Apparentes, elles ont une forme et varient avec le temps. Nées, elles sont destinées à mourir. Puisqu’elles se déploient dans la dualité de l’ombre et de la lumière, c’est-à-dire du reflet, elles appartiennent au ciel postérieur. Elles se manifestent dans l’esprit viscéral ou organique, le 脏神 zàng shén par l’intermédiaire du qi. Son feu appartient au ministre de la porte du destin (命门 mìng mén ). La 3ème lumière est innée. Elle n’est ni intérieure ni extérieure, sinon, elle appartiendrait à la dualité. Elle n’a ni forme ni temps, ni ombre ni reflet. C’est la vacuité immobile du ciel antérieur, la plus grande force créatrice de l’Univers. Elle correspond à la conscience ou l’esprit originel (元神 yuán shén ). Son feu appartient à l’empereur.