Les trois niveaux de visualisation dans l’enseignement de l’iaidō

J’ai récemment assisté à un séminaire de formation de deux praticiens hautement qualifiés et très respectés de kenjutsu. En dépit du tribut due au décalage horaire, ils étaient tous deux très généreux avec leur instruction et j’en ai retenu quelques petites choses à cogiter. L’instructeur principal du séminaire était Kishimoto Chihiro, Iaido Hachidan (ceinture noire, 8e degré) et ancien  président du Zen Nippon Kendo Renmei Iaido Committee. Il a été rejoint et secondé par Kato Shozo, Vice-President for Education à la AUSKF , Kendo Hachidan ainsi que Iaido Nanadan (ceinture noire, 7e degré). Pour une introduction rapide à chaque instructeur, visionner les vidéos courtes ci-dessous:

Le séminaire lui-même a été divisé en deux grandes parties. La première consistait pour Kishimoto Sensei à partager une partie de sa philosophie en matière de formation ainsi qu’à explorer les connexions entre l’iaido et le kendo. La deuxième partie concernait les Seitei Waza: démonstration, instructions et corrections. Kishimoto Sensei donnait beaucoup d’idées intéressantes, dont l’une a attiré mon attention en particulier et que je voudrais partager avec vous aujourd’hui. Il a décrit les trois niveaux de visualisation que l’on peut réaliser au cours d’un étude de l’iaido.

L’exploration des trois niveaux de visualisation

La visualisation est extrêmement important dans la pratique l’iaido. Après tout, l’art consiste à établir et à couper dans les airs (ou au pire contre un tatami roulé). Contrairement au kendo il n’y a pas de farouche opposant qui crie et saute sur vous. Il appartient à l’imagination du praticien de créer un adversaire sur lequel exécuter la technique. Cela peut sembler facile, mais tout en s’efforçant d’acquérir une compétence technique en iaido, commencer à visualiser peut être une tâche intimidante. Kishimoto Sensei a exprimé la progression de la visualisation de la manière suivante * :

  • visualisation niveau 1:  un adversaire faible, facilement défait;
  • visualisation niveau 2: un adversaire bien assorti, de compétence égale;
  • visualisation niveau 3: un adversaire plus fort, dont la technique est supérieure.

Tous les praticiens commencent au niveau 1 lorsqu’ils commencent l’étude. Où plutôt devrais-je dire qu’une fois que l’iaidoka apprend comment ne pas tomber et se blesser, il commence alors au niveau 1. A ce niveau l ‘adversaire existe à peine dans l’esprit du praticien et il effectue seulement des manœuvres simples. L’antagoniste imaginaire ne parviendra pas à devancer même les plus négligés et les plus lents des tirages. Il ou elle succombera à une attaque maladroite  et sera complètement bloqué pendant toutes les tentatives de contre-attaque. Au niveau 1, l’adversaire n’attaque que lorsque notre blocage est prêt et il se déplace facilement à portée de tous les frappes affleurant la terre .

Une fois que les bases des iaido waza sont exécutés de façon correcte (ce qui peut prendre un certain temps) le praticien est libre de penser plus clairement à son adversaire et aux mouvements de son corps. C’est à cette époque que  cette «réalité» commence à faire effet. Le praticien peut commencer à comprendre pourquoi son instructeur a fait tant de corrections subtiles. Des mouvements excessifs peuvent  dévoiler l’intention (un peu comme dans la vidéo ci-dessus avec Kishimoto Sensei). Une mauvaise posture peut conduire à des coupes faibles qui ne traversent pas les vêtements sans parler de l’os.  Un mouvement incorrect du pied  peut laisser l’adversaire hors de portée. Au niveau 2, le praticien peut insuffler des notions qu’ils comprennent maintenant chez l’adversaire, et ainsi il peut faire des ajustements personnels avec l’intention d’instruire. A ce niveau, un iaidoka saura quand des erreurs et des défauts auraient abouti à l’échec du duel. De nombreuses années sont consacrées à explorer le niveau 2, en essayant d’exécuter les waza avec une précision rigoureuse et avec compréhension. Le but ultime est d’arriver au niveau 3, dans lequel l’iaidoka peut créer un adversaire imaginaire de force supérieure. Au niveau 3, le praticien doit trouver l’ultime sérénité  et le zanshin (« l’esprit qui demeure »). Un esprit de combat total est requis même en présence d’un adversaire puissant. L’ennemi est plus rapide, plus habile et plus patient. Seule une performance parfaite aboutira à la victoire, et la mort de l’ennemi sera palpable.

Niveaux de visualisation appliquée par ailleurs

L’explication de Kishimoto Sensei  des niveaux de visualisation coince avec moi parce que j’avais entendu des idées semblables auparavant. Une question que Bill Hayes du Shobayashi Ryu Karate aime à se poser est: « quel est le pire aspect du kata ? ». La réponse qu’il donne est simple: «nous sommes toujours victorieux. » Même le débutant le moins dégrossi survivra à sa pratique d’un kata, pourra recevoir n’importe quel coup de poing et sera capable de bloquer toutes les attaques. Bien sûr, Hayes Sensei poursuit en expliquant que la valeur réelle de la formation d’un kata, c’est quand vous pouvez sentir l’esprit de votre adversaire imaginaire et que vous pouvez exécuter la technique avec la même intensité et vous concentrez comme si vous étiez dans une lutte à mort. Je suis toujours excité et intrigué quand des concepts de haut niveau apparaissent à plusieurs endroits. Je trouve encourageant que peu importe le parcours martial particulier où nous nous trouvons vous ou moi, il y a des enseignants de hauts niveaux qui découvrent  et partagent autant qu’ils le peuvent. Au final, à partir de mon expérience et de mon enseignement, essayez de ne pas être obsédé ou de classer vos capacités de visualisation. Le simple fait de vous taper dans le dos, ou bien de vous juger sévèrement, vous distraira de la tâche à accomplir et ralentira votre progression. Par ailleurs, si vous estimez avoir un niveau 3, quelle motivation aurez vous pour continuer à vous améliorer? C’est un de ces petits paradoxes martiaux:  l’apprendre, puis l’oublier, le contempler, puis l’oublier, etc.

Le bien fondé des termes utilisés et l’analyse sont  celles de l’auteur. Toutes les erreurs d’interprétation sont les siennes et non celle de Kishimoto Sensei.


Traduction de l’article « The Three Visualization Levels of Iaido Training » paru sur le blog des arts martiaux Ikigai Way le 8/02/2013

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