Marcher

Marcher est un verbe issu du francique markôn qui signifie marquer, imprimer un pas. La racine germanique est issu de l’indo-européen commun mark dont dérive le latin margo  qui a donné marge, marginal en français. Anciennement, marcher était également utilisé au sens de se mouvoir, puis au sens de parcourir une zone. De cette idée de déplacement, on passe plus tard à celle du fonctionnement. Quand cela marche, c’est que cela fonctionne, d’abord pour un mécanisme et ensuite dans un sens plus large d’une affaire qui se réalise. Mais c’est seulement dans les années 2000 que l’expression ça marche prend valeur d’acquiescement.

La marche est générée par le basculement en avant du corps en position debout, ce qui provoque un mouvement de chute, rattrapé par la projection d’une jambe vers l’avant. Plus en détail, la marche repose sur un mécanisme à double balancier composé des jambes et des bras. Le bassin est en effet soumis naturellement à une rotation lorsqu’une jambe est projetée en avant car ce mouvement se fait en appui sur la jambe opposée. C’est pour contrecarrer cette rotation que les bras effectuent un mouvement inverse à celui des jambes. Ainsi, le bassin conserve le même axe, ce qui permet de marcher droit. Puis, pour rattraper le mouvement de chute tant que dure la marche, la jambe arrière est à son tour projetée en avant en utilisant son énergie potentielle, ce qui permet d’économiser l’effort, pendant que les bras effectuent le mouvement inverse, également en utilisant leur énergie potentielle. La marche est arrêtée par un redressement du corps

Marcher pour fouler

La bouillie de tourbe est répandue sur le pré … Quand elle est ressuyée et raffermie, des hommes la marchent, d’abord avec des planchettes attachées sous les pieds, puis pieds nus. 

Haton de La Goupillière in Exploitation mines,1905,

Marcher sa route

Si je ne t’avais pas connu je serais peut-être encore en train de traîner sur les routes, «marcher la route» comme ils disent, nos gens.

Blaise Cendrars in L’Homme foudroyé

Je constate que malgré ses courses vagabondes Jérôme Tharaud a courageusement marché sa vie.

Jean Cocteau in Poésie critique : Monologues

Rien n’est charmant, à mon sens, comme cette façon de voyager. – A pied ! – On s’appartient, on est libre, on est joyeux ; on est tout entier et sans partage aux incidents de la route, à la ferme où l’on déjeune, à l’arbre où l’on s’abrite, à l’église où l’on se recueille. On part, on s’arrête, on repart ; rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie ; la rêverie voile la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. On ne voyage pas, on erre. à chaque pas qu’on fait, il vous vient une idée.

Victor Hugo in Le Rhin, lettres à un ami

Pour se retrouver, bien sûr, au sens où, en marchant, vous laissez au bord des chemins les masques sociaux, les rôles imposés, parce qu’ils n’ont plus leur utilité.

Frédéric Gros

Marcher en philosophe

La marche est un début de chute, l’amorce d’une chute, qui est d’abord provoquée, puis aussitôt empêchée, puis recommencée et réempêchée… indéfiniment.

Pol Droit 

La marche ouvre à la profondeur de la simplicité

La marche nous permet d’aller au-delà d’une conception purement mathématique ou géométrique de l’espace et du temps. L’expérience de la marche permet aussi d’illustrer un certain nombre de paradoxes philosophiques, comme par exemple : l’éternité d’un instant, l’union de l’âme et du corps dans la patience, l’effort et le courage, une solitude peuplée de présences, le vide créateur, etc.

Frédéric Gros

Marcher comme un chat

Imaginez que vous êtes en train de traverser un lac gelé. Vous ne connaissez pas l’état de solidité de la glace et chaque pas peut s’avérer dangereux pour vous. Si vous posez le pied en y transférant tout votre poids, vous allez rompre la glace et être englouti. Ce qu’il faut faire, c’est avancer avec précaution et légèreté. Déroulez votre pied et asseyez-vous dessus. Étendez la jambe libre et répétez ce processus jusqu’à la complète traversée du lac…

Cheng Man Ching

Marcher pour méditer

Nous devons marcher de manière à n’imprimer que la paix et la sérénité sur la Terre. Marchez comme si vous embrassiez la Terre avec vos pieds.

Thich Nhat Hanh

La marche est la grande aventure, la première méditation, une pratique de la cordialité et de l’âme primordiale pour l’humanité. 
La marche est l’équilibre exact entre l’esprit et l’humilité.

Gary Snyder in La Pratique sauvage

經行 kinhin

Dans certaines Écritures, il est mentionné que le Bouddha marchait lentement, l’esprit recueilli, dans les bois après s’être assis. Ce qu’on cultive dans l’assise, on l’applique dans la marche, par le mouvement. La méditation assise se continue mais sous une autre forme. Parfois, on parle du zazen en marche. On peut également l’appliquer à des pratiques plus complexes comme la cuisine, le balayage ou le nettoyage. Quoi qu’on fasse, on le fait avec l’esprit du zazen. « Juste » (shikan) est un mot essentiel, comme dans shikantaza, « juste s’asseoir », kinhin n’est que « juste marcher ». Unifié dans l’action, on marche juste pour le fait de marcher, sans se préoccuper d’un objet en particulier. La marche inclut beaucoup d’éléments comme la sensation des pieds sur le sol ou l’orientation dans l’espace – la conscience posturale. On ne peut toujours rester assis. C’est un sas entre la tranquillité de l’assise, et le mouvement habituel qui permet de faire émerger la méditation dans la vie quotidienne. Kinhin est entre la marche et la station debout. On marche lentement, très lentement, au rythme de la respiration, de l’inspiration et de l’expiration. On écoute la respiration et on se meut à son rythme en respirant naturellement. 

Marcher pour guérir

Les hommes, la plupart d’âge moyen, le visage buriné, le regard fixé à quelques mètres devant eux, parfois vers l’horizon, avançaient en tenant leur dromadaire par le licol, cheminant à pas réguliers, larges et rapides, avec une ardeur que rien ne semblait devoir fléchir. Absorbés en eux-mêmes, résolus comme leurs bêtes surchargées de ballots énormes, j’appris par un passant qui parlait leur langue qu’ils venaient du sud, un voyage de 700 km, d’une seule traite, à part les bivouacs nocturnes. Ils offraient le spectacle de grands voyageurs poussiéreux, mais non celui de gens fatigués. 

Édouard G. Stiegler in Régénération par la marche afghane – La respiration au service de la santé

吸吸呼 xī xī hū

Le 郭林气功 Guō Lín qìgōng a été créée par Mme Guo Lin (1909-1984) dans les années 50, il s’agit d’un qi gong spécifique pour les personnes atteintes de cancer. Il est proposé en complément des traitements conventionnels et ne se substitue pas à eux.

Le Guō Lín qìgōng est constitué de huit techniques : la préparation et la clôture, la marche naturelle, les marches rapides, les marches avec pointé du pied au sol, monter-descendre /ouverture-fermeture, le bâton à la main, le bâton sous les pieds, mobilité des doigts et frappes de mains et de cinq façons de conduire l’énergie : la respiration, les marches, l’intention, le massage et le son. Les marches sont couramment appelées 吸吸呼 xī xī hū, cela correspond au rythme de la respiration comme le vent ; 吸 xī inspirer et 呼 hū expirer.

Cette pratique se fait en plein air et quotidiennement. Chaque personne est un cas particulier et les préconisations des marches et autres exercices sont adaptés en fonction de son état. En Chine, il est courant que les malades pratiquent 4 à 5 heures par jour. Confiance, détermination, persévérance sont les 3 clés permettant à la personne d’être acteur dans son chemin vers la guérison.

Cette méthode est très répandue en Chine. Elle commence à l’être à l’étranger et en France dans certains hôpitaux comme celui de la Pitié Salpêtrière avec son unité de MTC intégrée sous la responsabilité du Professeur Baumelou.


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