Tenségrité

La tenségrité caractérise la faculté d’une structure à se stabiliser par le jeu des forces de tension et de compression qui s’y répartissent et s’y équilibrent. Les structures établies par la tenségrité sont donc stabilisées, non par la résistance de chacun de leurs constituants, mais par la répartition et l’équilibre des contraintes mécaniques dans la totalité de la structure.

Ainsi, un système mécanique comportant un ensemble discontinu de composants comprimés au sein d’un continuum de composants tendus, peut se trouver dans un état d’auto-équilibre stable. Ce qui signifie, par exemple, qu’en reliant des barres par des câbles, sans relier directement les barres entre elles, on arrive à constituer un système rigide.

L’autocontrainte des systèmes tensègres (par l’équilibre des tensions et des compression) leur garanti une stabilité affranchit de l’environnement et de la gravité. Mais cet équilibre fait aussi des système tensègres des ensembles entiers, indivisibles, holistiques au fonctionnement synergique, en dispersant les contraintes appliquées à l’ensemble de la structure et de ces éléments. Chaque élément ne supporte qu’une partie des contraintes, la structure est plus efficiente, elle s’allège tout en étant plus robuste. Ces structures sont donc en équilibre dynamique pour chaque degré de contrainte (mémoire de forme). Elles modifient leurs caractéristiques (forme, rigidité…) au fil des contraintes

Les dômes géodésiques sont des structures en tenségrité où les efforts de traction se réarrangent en minimisant la longueur entre deux points de la structure. On peut citer à cet égard les dômes géodésiques de la Biosphère de Montréal (Fuller, 1967) ou de La Géode à Paris (Fainsilber, 1985).

La tenségrité en biologie

Les recherches sur la tenségrité se tournent aussi vers les sciences naturelles, comme la biologie. Ainsi, les cytosquelettes des cellules animales seraient de telles structures : les microtubules sont au centre d’un réseau de contraintes compressives exercées par des filaments.

Cellules

Le cytosquelette constitue une charpente cellulaire dynamique. Il est composé de microtubules et de filaments qui forme un large réseau filamentaire tri-dimensionné, dans la cellule. A l’image des poupées russes, ce réseau est constitué de sous réseaux similaires imbriqués les uns dans les autres (cytosquelette, complexe LINC, lamina nucléaire). L’ensemble de ces réseaux fibrillaires assurent un lien physique continu de la membrane plasmique jusqu’au centre de la cellule, jusqu’au génome.

Le cytosquelette est bien loin d’être la charpente cellulaire inerte que l’on a décrit par le passé. Il forme dans la cellule une structure fibrillaire réticulaire tridimensionnelle complexe,omniprésente,qui évolue sans cesse au fil des contraintes mécaniques. D’ailleurs les caractéristiques physiques de la cellule (motilité, durotaxie, adaptation morphologique, sens du toucher…) se fondent largement sur les qualités mécaniques et dynamiques du cytosquelette.Il permet à la cellule d’allier cohérence structurelle et polymorphisme,d’interagir physiquement avec son milieu. Grace à lui la cellule peut assurer ses processus physiologiques tout en s’adaptant à son environnement physique.Base de la mécanotransduction, il transmet et module le signal mécanique jusqu’au génome, qui pourra ou non s’activer. Avec la modèle tensègre, le cytosquelette est enfin pris en compte dans le comportement mécanique de la cellule.

Dans ce modèle la cellule et son cytosquelette sont assimilés à une architecture tensègre barres/câbles déjà très proche structurellement. Cellule et système tensègre présentent une autocontrainte dont dépend leurs caractéristiques physiques. Ces systèmes adoptent de nouvelles caractéristiques mécanique en se déformant.

Tissus

Un tissu en biologie est le niveau d’organisation intermédiaire entre la cellule et l’organe. Un tissu est un ensemble de cellules semblables et de même origine, regroupées en amas, réseau ou faisceau. Un tissu forme un ensemble fonctionnel, c’est-à-dire que ses cellules concourent à une même fonction. Les tissus biologiques se régénèrent régulièrement et sont assemblés entre eux pour former des organes.

Si elle se base toujours sur une intégration cellulaire, la transduction d’un signal mécanique en réponse biologique a aussi été observé au niveau tissulaire.Le tissu conjonctif est l’élément clé pour appréhender la mécanotransduction à l’échelle du tissu. En effet le conjonctif forme une trame structurée à la base de l’organisation tissulaire. Les cellules s’y ancrent, et nous connaissons toute l’importance des interactions de la cellule avec son substrat dans la vie cellulaire. Enfin la fonction même des tissus semble dépendante des caractéristiques mécaniques des matrices qu’ils renferment.

Le tissu conjonctif est constitué d’un immense réseau fibrillaire tri-dimensionné, baignant dans un gel aqueux, sur lequel se fixent les cellules. Sous diverses formes (os, tissu adipeux, sang…) il constitue la majeure partie de l’organisme, qu’il structure. Pourtant, il est classiquement décrit comme un vulgaire tissu de comblement.

Le chirurgien Guimberteau fait partie de ces instigateurs, à l’initiative d’une vision nouvelle, du tissu conjonctif. Guimberteau remet en question le concept d’un corps fait de couches de tissus lamellisés. Ce modèle ne tient pas compte des capacités de mouvement du corps et est en contradiction avec la réalité d’une continuité histologique permanente. L’auteur est à l’initiative d’une vision nouvelle du tissu conjonctif. Guimberteau décrit un réseau fibrillaire conjonctif qui assure une véritable continuité histologique de la superficie vers la profondeur, et du macroscopique au microscopique. Omniprésente dans l’organisme, cette trame est formée d’un ensemble de microvacuoles qui se répète suivant les échelles de grandeurs, sur un mode fractal. Chaque vacuole, fortement hydratée, de forme icosaédrique, est constituée d’un cadre fibrillaire (qui résiste à la tension) contenant un protéoglycane (qui résiste à la pression).

Guimberteau redonne toute sa noblesse au tissu conjonctif. Pour l’auteur le corps n’est pas fait de multiples tissus mais d’un tissu, le tissu conjonctif. Ubiquitaire, il évolue en fonction des cellules spécialisées qu’il accueille. Cette trame fibrillaire forme une armature polyédrique d’arrangement spatial optimum qui structure le corps. L’ensemble des microvacuoles du tissu conjonctif forme un système d’absorption dynamique. Il permet la grande mobilité de notre corps tout en maintenant son intégrité. En effet la précontrainte lui garantit une mémoire de forme, par retour à son état d’équilibre. L’organisation multi-micro-vacuolaire avec sa transmission combinée des contraintes, distribuées à l’ensemble de la structure, permet une grande liberté de mouvements, tout en protégeant les structures fragiles. La forte connexion des réseaux fibrillaires cellulaire et conjonctif semble formé une structure fibrillaire, organisatrice, globalisante, fractale, continu de la superficie à la profondeur, du macroscopique au microscopique, de l’extra à l’intracellulaire.

Pour le chirurgien S. Levin, connu pour ses travaux sur la biotensegrité, le modèle tensègre est plus approprié pour décrire l’architecture du corps. Interpellé par l’analogie structurelle entre le corps humain et une structure tensègre, Levin développe son modèle biomécanique tensègre. Les os sont les éléments discontinus en compression. Les fascias sont les éléments continus en tension. Les muscles modulent la tension dans le système. Une analogie avec la roue à rayons, lui permet d’illustrer, d’expliciter la transmission des contraintes, au travers des articulations, par le système myo-fascial et non plus uniquement par pilier osseux.Le rachis, quant à lui, est assimilé à un mât formé de deux mâts tensègres synergiques (Fulleret spirale) imbriqués l’un dans l’autre.

Articulations

Pour Tom Flemons, les articulations des structures vivantes ne sont pas prises en compte dans l’élaboration du modèle tensègre. Tout comme Guimberteau, Flemons pensent que les structures vivantes sont caractérisées par un jumelage contradictoire de stabilité et de mobilité. Elles possèdent plusieurs degrés de liberté. Or la définition de la tenségrité ne mentionne pas d’articulation. Levin, dans son empressement, à abolir les bras de leviers articulaires, n’évoque pas ce problème. Certes les structures tensègres ne sont jamais complètement rigides, elles peuvent se déformer, fléchir pour résister aux contraintes. Elles n’en sont pas pour autant articulées. Flemons prend en compte ses difficultés. Il développe donc une articulation tensègre,qui permet d’obtenir une réelle mobilité et de maintenir à un niveau physiologique, en la fragmentant, la tension au sein de la structure.


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Tiandi

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading