Cerveau

腦 nǎo

Le cerveau, mer de la moelle, garde les essences pures qui se sont élevées jusqu’à la boîte crânienne et les laissent travailler par les souffles, sous l’inspiration des esprits, afin de rendre pleinement opérationnels les organes supérieurs des sens. Rien de ce qui fait la richesse du cerveau ne doit s’échapper et se perdre, par des morves ou des larmes indues, par exemple.

Vous ne trouverez pas de chapitre dans un traité médical chinois qui soient dévolu uniquement au cerveau. De fait, le cerveau n’est classé que parmi les six organes extraordinaires lieux de stockage des essences yin, au même titre que la moelle, les os, les vaisseaux, la vésicule biliaire et l’utérus, et il ne joue qu’un rôle modeste dans les représentations physiologiques et pathologiques qui caractérisent la médecine traditionnelle chinoise. Malgré cette marginalisation du cerveau, il serait fallacieux d’affirmer que
cet organe fut totalement ignoré par les médecins, et cela dès l’antiquité.

La mer de la moelle et le palais de lumière

頭者 tóu zhě jīngmíng zhī fǔ
La tête est la résidence de la lucidité
頭傾視深 tóu qīng shì shēn
Si la tête se renverse et que le regard se noie
將奪矣 jīngshén jiāng duó yǐ
Alors l’esprit essentiel va défaillir

Le cerveau est situé dans la tête, ronde à l’image du ciel, et contient 精明 jīng míng, l’illumination, l’essence la plus précieuse de l’homme.

髓之海 suǐ zhī hǎi

Le cerveau est la mer de la moelle. Cette dernière est de la même catégorie que le cerveau ; aussi va-t-elle en haut jusqu’au cerveau, et en bas jusqu’au coccyx, l’ensemble constituant la voie de la moelle.

Introduction à la médecine de Li Jian, 1575

Largement concurrencées par la description autrement plus détaillée du rôle majeur du cœur et, dans une moindre mesure, des reins, pour ce qui est de l’esprit, de la mémoire ou des émotions ; le cerveau est défini d’une manière récurrente comme étant la mer (海 hǎi) de moelle. L’encéphale joue donc principalement le rôle de dépôt des 精 jīng, des essences qui proviennent des reins. Ces essences s’accumulent pour donner la moelle (髓 suǐ), celle des os aussi bien que celle de la moelle épinière. Il en découle une pathologie liée principalement au principe mécanique de l’excès (餘 yú) ou de l’insuffisance (不足 bù zú).

Les larmes sont les écoulements du cerveau

Suwen, 解精论 jiě jīng zhēng lùn

Cette vision liquide du cerveau, va de pair avec une conception hydraulique de l’anatomie et de la physiologie. Mais, quoi qu’il en soit, les phénomènes mentaux ne logent pas dans la tête, et ce serait du côté du cœur qu’il faudrait trouver 神 shén, l’esprit, du foie 魂 hún, les âmes hún, des poumons 魄 pò, les âmes pò, de la rate 思 sī, la pensée, et des reins 誌 zhì, la volonté ou la mémoire.

明堂宫 míngtáng gōng

En revanche, si l’on quitte les traités médicaux pour la littérature religieuse, la situation devient un peu différente. Le champ de cinabre supérieur, qui se trouve au centre de la tête, est désigné aussi par le terme 泥丸 ní wán, pilule de boue, par les taoïstes, terme qui est la transcription du mot sanskrit nirvana – les auteurs bouddhistes écrivant quant à eux 泥洹 ní huán. Ces expressions se rencontrent au sein de la littérature taoïste, dans une description de la géographie imaginaire de l’intérieur de la tête, sorte de topologie architecturale du cerveau qui servait à des pratiques de visualisation.


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1 réflexion au sujet de « Cerveau »

  1. Bonjour Dominique

    comment interpréter cette phrase très énigmatique : Rien de ce qui fait la richesse du cerveau ne doit s’échapper et se perdre, par des morves ou des larmes indues, par exemple.

    merci
    des bises 🙂
    Cat

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