Royaumes combattants

 戰國 zhànguó

La période des Royaumes combattants s’étend du Ve siècle AEC. à l’unification des royaumes chinois par la dynastie Qin en 221 AEC. Ce nom lui est donné tardivement, par référence aux Stratagèmes des Royaumes combattants, ouvrage portant sur cette période. Elle correspond dans la chronologie dynastique à la fin de la période des Zhou orientaux. Cette chronologie, qui repose sur l’historiographie traditionnelle, ne correspond pas nécessairement à la datation précise des évolutions sociales, politiques, économiques et culturelles : ce qui caractérise les Royaumes combattants date principalement du début du IVe siècle AEC.

La période des Royaumes combattants est immédiatement postérieure à la période des 春秋 chūn qiū qui voit le déclin de la dynastie Zhou et le renforcement du pouvoir des princes. À partir du milieu du Ve siècle AEC, sept grands États émergent :  楚 Chǔ,  韓 Hán, 齊 Qí, 秦 Qín, 魏 Wèi, 燕 Yàn et 趙 Zhào. Ils s’affranchissent définitivement de la tutelle symbolique des Zhou : leurs souverains prennent le titre de roi (王 wáng) et se livrent des guerres incessantes qui stimulent en même temps qu’elles accompagnent de nombreux progrès typiques de cette période. C’est alors que se constituent des États centralisés, dirigés par une administration et une classe politique de mieux en mieux formées et organisées.

La période des Royaumes combattants est celle de progrès techniques et économiques déterminants et de la naissance puis du développement de plusieurs écoles de pensée (confucianisme, taoïsme, légisme, etc.) qui ont profondément influencé l’histoire de la Chine. Les textes antiques relatifs à cette période sont marqués par des personnalités de différents types. Certaines de celles-ci comptent parmi les plus importantes de la civilisation chinoise :

  • les souverains : le Premier Empereur Qin Shi Huangdi ;
  • leurs ministres réformateurs : Shang Yang ;
  • les stratèges militaires : Sun Bin ;
  • les spécialistes de la persuasion et les penseurs : LaoziMencius, etc.

Il n’y a pas vraiment de courant de pensée structuré disposant d’une identité forte à l’époque des Royaumes combattants, hormis à la rigueur ceux des héritiers de Confucius et de Mozi qui ont une tradition durable de maîtres formant des disciples devenant à leur tour maîtres. L’époque pré-impériale ignore ce genre de classification : ces courants de pensée devaient être distingués, classés et nommés par les lettrés de la période de la dynastie Han, à commencer par Sima Tan qui distingua six principales écoles (家 jiā) :

  • l’école du yin et du yang ;
  • l’école des lettrés : confucianistes ;
  • des moïstes : disciples de Mozi ;
  • des nominalistes ;
  • des légistes ;
  • des taoïstes.

Les écrits de pensée font souvent référence à des traditions identiques, mêlant un héritage de littérature ancienne, notamment les ouvrages de la cour royale des Zhou occidentaux : Classique des documentsLivre des OdesClassique des changements, citant des anecdotes historiques issues des textes historiographiques et rapportant des faits édifiants et les accomplissements de personnages antiques pris pour modèles ou contre-modèles, ainsi que divers récits issus du fonds mythologique chinois. Est mobilisé un ensemble de concepts sinon identiques du moins proches, bien qu’un même terme puisse avoir un sens différent selon l’auteur, ce qui les rend difficilement traduisibles: 

  • 禮 lǐ : rite, 
  • 惪 dé : vertu, 
  • dào : voie, 
  • qì : souffle,
  • 人 rén : humain ou sens de l’humain, 
  • 義 yì : juste ou sens du juste,
  • les idées de mutations et de rythmes cycliques avec notamment les concepts de 陰陽 yīn yáng.

Deux penseurs majeurs de la période des Royaumes combattants ont été ultérieurement rattachés au courant ensuite qualifié de taoïsme, cela à partir de la dynastie Han, bien que ces penseurs n’aient pas le monopole du concept de 道 dào et ne forment pas à proprement parler une école de pensée à l’époque pré-impériale. Il s’agit de Laozi et de Zhuangzi. Bien que la tradition veuille que le premier ait vécu avant le second, il se pourrait que le Zhuangzi ait été rédigé avant le Laozi, au IVe siècle.

Avec le Laozi et le Zhuangzi comme textes fondateurs intégrés dans un même courant de pensée, le taoïsme devient à l’époque impériale une religion, principale alternative au confucianisme triomphant et avant l’arrivée du bouddhisme. Un autre grand texte de la tradition taoïste postérieure, le Liezi, est attribué à un personnage qui aurait vécu vers la fin du Ve siècle AEC. Néanmoins dans sa version classique cette œuvre composite est manifestement surtout constituée de textes d’époques plus tardives, plusieurs étant repris d’autres œuvres, aussi il est en général écarté des études sur la pensée des Royaumes combattants.

La pensée de Laozi et surtout celle de Zhuangzi sont significatives du succès des tendances naturalistes et cosmologistes qui s’imposent à la fin de la période des Royaumes combattants. Leurs principes dominent manifestement d’autres œuvres contemporaines importantes comme le Guanzi, ouvrage abordant une grande variété de sujets, rédigé dans les cercles de l’académie Jixia où l’on sent en particulier l’influence de Zou Yan, représentant de l’« école du yin et du yang », mais aussi une approche renvoyant au courant Huanglao de l’époque Han. Les Printemps et Automnes de Lü Buwei, d’où ressortent probablement les idées de Yang Zhu, sont également une source majeure sur ces courants cosmologistes. Ces courants de pensée reposent sur plusieurs concepts censés expliquer l’organisation du cosmos que l’on retrouve couramment à cette époque dans la pensée et la religion :

  • le 氣 qì traversant tout l’univers et les êtres vivants,
  • le 陰 yīn et le yáng, un principe de deux forces contraires liées et interdépendantes,
  • les cinq agirs,
  • la divination traditionnelle qui est réinterprétée, avant tout celle du Livre des mutations.

Certaines de ces réflexions se retrouvent plus tard dans le taoïsme religieux.