Verticalité

Floral, Dina Thumbelina Telhami

La ligne est un ĂȘtre invisible, elle est la trace du point en mouvement, donc son produit. Elle est nĂ©e du mouvement – et cela par l’anĂ©antissement de l’immobilitĂ© suprĂȘme du point. Ici se produit le bond du statique vers le dynamique [
]. Les forces extĂ©rieures, qui transforment le point en ligne, peuvent ĂȘtre de natures trĂšs diffĂ©rentes. La diversitĂ© des lignes dĂ©pend du nombre de ces forces et de leurs combinaisons. En fin de compte, toutes les formes linĂ©aires peuvent ĂȘtre ramenĂ©es aux deux cas suivants: 1. action d’une force, et 2. action
de deux forces.

Wassily Kandinsky in Point et Ligne sur plan

La verticalitĂ© est l’une de ces lignes de l’espace et marque souvent l’intensitĂ©, elle est essentielle, constitutive de notre posture orthostatique, soit la posture debout, en Ă©quilibre sur les deux pieds. La verticalitĂ© dĂ©finit aussi la ligne centrale de notre corps, la colonne vertĂ©brale.

La gravitĂ©, dĂ©finit l’environnement terrestre. C’est ce qui retient le corps au sol. Pour rester debout, il lutte, grĂące Ă  ses muscles antigravitaires et s’érige.

La verticalitĂ© est un processus interne, continu, c’est aller vers le haut, continuer Ă  monter Ă  s’ériger.

Clare Anderson

La verticalitĂ©, une sensation Ă  l’intĂ©rieur du corps

On vient de la cellule, toute l’évolution de l’espĂšce se fait dans un redressement vertical. Cette dimension verticale a aussi une dimension spirituelle. Symboliquement, la verticale, c’est relier la terre au ciel.

Isabelle Brisset

Les changements de l’attitude posturale (orientation du corps par rapport Ă  la verticale gravitaire) chez les personnes ĂągĂ©es pourraient ĂȘtre liĂ©s Ă  une perception moins prĂ©cise de la verticale posturale. C’est notamment le cas chez celles qui prĂ©sentent une grande incertitude dans la dĂ©termination de la position de leur corps par rapport Ă  la verticale.

La verticalitĂ©, une projection dans l’espace

C’est un axe pour trouver des appuis. C’est un repùre dans l’espace.

Isabelle Brisset

La verticalitĂ© est un repĂšre, soit par rapport Ă  son propre corps, soit par rapport aux Ă©lĂ©ments de l’espace. La verticalitĂ© nous dĂ©finit fondamentalement, fruit de l’évolution, c’est notre repĂšre. Notre sens proprioceptif nous permet de nous orienter par rapport Ă  cette verticalitĂ©.

Jouer avec la gravité

Se lever, tenir debout, bouger: aucun mouvement ne se fait sans impliquer la gravité, sans engager un échange avec elle.

Ushio Amagastu

Qu’il soit Ă  l’aplomb du sol ou dans l’air, le corps s’ancre finalement toujours sur un point, s’accroche pour s’orienter. La pesanteur, phĂ©nomĂšne physique auquel nul ne peut Ă©chapper, agit presque comme un repĂšre. Si le corps la dĂ©fie, elle le ramĂšne sans cesse Ă  sa rĂ©alitĂ© physique. Elle sculpte ses gestes et imprime sa marque sur ses mouvements. Le travail sur le poids, la pesanteur, est ce qui permet de rĂ©vĂ©ler d’autres espaces et de donner Ă  percevoir d’autres temps.

La gravitĂ© c’est ce qui nous affecte en permanence pour aller du haut vers le bas et inversement. Il faut comprendre qu’il y a une force qui nous tire vers le bas et contre laquelle il faut lutter.

Camilla Therese Karlsen

Verticalité, gravité et pesanteur sont donc questions de perceptions et de sensations. Beaucoup de nos sens sont mis en jeu pour les appréhender: la vision, le toucher, le sens kinesthésique ou sens du mouvement, le sens haptique qui regroupe le toucher et les sens kinesthésiques.

La verticalité, approche biomécanique

En biomĂ©canique, la verticalitĂ© renvoie Ă  la notion d’axe, autour duquel s’organise un dĂ©placement, et de force. On peut dĂ©crire le mouvement Ă  partir de trois directions dans l’espace : horizontal, longitudinal et vertical. Quelle que soit son orientation dans l’espace et ses appuis, le corps humain est traversĂ© par des forces. Elles sont au nombre de trois: la force horizontale, la force antĂ©ro-postĂ©rieure ou longitudinale et la force verticale.

En biomĂ©canique, la posture verticale est dĂ©finie par deux forces : le poids et la force de rĂ©action des appuis sous les pieds, soit une force verticale. L’équilibre n’est possible que si ces deux forces s’annulent et si le centre de pression des pieds est alignĂ© avec le centre de gravitĂ©
du corps.

La posture est le maintien actif des diffĂ©rents segments du corps dans l’espace. On modĂ©lise la posture humaine sous la forme d’un pendule inversĂ©, un Ă©tat instable qui nous oblige Ă  effectuer en permanence des ajustements posturaux pour ne pas tomber. Ainsi, la verticalitĂ©, c’est jouer en permanence avec ces deux forces pour se rééquilibrer.

Afin de maintenir l’orientation verticale du corps par rapport Ă  la gravitĂ© et Ă  la surface du support, le systĂšme de commande doit maintenir en permanence un contrĂŽle actif du tonus musculaire. Lorsque le centre de gravitĂ© s’écarte de la position verticale, les couples de forces induits
ont pour effet de dĂ©stabiliser davantage le corps. Il en rĂ©sulte des oscillations continues. Le systĂšme nerveux central Ă©quilibre activement la tĂȘte, le tronc et les jambes avec des corrections fondĂ©es sur des rĂ©troactions sensorielles.

Pour apprĂ©hender ces mouvements, nous faisons appel Ă  nos diffĂ©rents sens et notamment notre sens de l’équilibre, mobilisant nos rĂ©cepteurs kinesthĂ©siques et proprioceptifs. En mouvement, les forces externes se combinent aux forces internes du corps et produisent un travail que l’on
dĂ©crit parfois comme l’énergie ou la puissance.

La notion de force verticale est donc relative à l’organisation du corps dans l’espace et à ses appuis.

La verticalité, une esthétique

À l’orĂ©e de chaque posture, de chaque geste, se dessine en filigrane l’organisation psychocorporelle qui a fondĂ© notre relation particuliĂšre Ă  la verticalitĂ©, Ă  la gravitĂ©.

Hubert Godard

Hubert Godard parle de la construction du geste dans un axe terre-ciel déterminant notre conscience du corps.

La posture, c’est aussi le tonus, que l’on croise dans de nombreuses pratiques somatiques et mĂ©thodes d’analyse du mouvement (l’Eutonie, la mĂ©thode Alexander, le Body Mind Centering, la thĂ©orie Effort chez Laban) et qui participe au travail de verticalisation.

C’est Ă  partir du poids confiĂ© Ă  un support que s’informe le corps, dont il faut rappeler qu’il n’est pas une donnĂ©e, mais un processus. Sa construction se joue dans la rencontre et l’interaction, avec l’entourage, bien sĂ»r, mais aussi avec l’environnement physique, en particulier le support.

BenoĂźt Lesage


L’appui est donc central dans ce processus de verticalisation, rĂ©duire l’appui, le modifier, c’est aussi modifier sa propre verticalitĂ©.

侉èČĄ sān cĂĄi

Dans la pratique du taijiquan, ĂȘtre vertical, ce n’est pas ĂȘtre ancrĂ© ou ĂȘtre suspendu au ciel, c’est ĂȘtre enracinĂ© et ĂȘtre suspendu au ciel, c’est la recherche d’une cohĂ©sion entre le haut du corps lĂ©ger et fluide, et le bas du corps fort et solide. La souplesse et la fluiditĂ© des mouvements du haut du corps ne peuvent se concevoir sans de solides bases que sont les jambes.

Un alignement correct rend les mouvements plus efficaces, rĂ©duit les tensions et conduit Ă  un meilleur Ă©quilibre. 

Les trois puissances (侉èČĄ sān cĂĄi) sont engendrĂ©es par les deux pĂŽles yin et yang : le ciel, l’homme, et la terre. En pratiquant le taijiquan, l’homme occupe la place qui lui revient entre le ciel et la terre. Il est Ă  la croisĂ©e des Ă©nergies yin, de la terre, et yang, du ciel.

L’interconnexion des trois champs de cinabre symbolise aussi la liaison verticale de l’homme entre la terre et le ciel. Ces trois centres d’Ă©nergies sont comme trois creusets alchimiques contenant les trois trĂ©sors, qui correspondent chacun Ă  une Ă©tape de la transformation intĂ©rieure. 

Aller Ă  la rencontre de notre verticalitĂ© nous amĂšne simplement Ă  entrer en relation avec nous mĂȘme, Ă©tant liĂ©e Ă  notre place par rapport Ă  l’autre et par rapport au monde, ainsi qu’Ă  la conscience de l’ĂȘtre, du grossier au subtil. 


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