Été

夏 xià

夏三月此謂 xià sān yuè cǐ wèi
Les Trois mois de l’été sont appelés
蕃秀 fān xiù
Proliférer et développer la fleur
交 tiān dì qì jiāo
Les souffles du Ciel et de la Terre s’entrecroisent
萬物華實 wàn wù huá shí
Les Dix mille êtres fleurissent et fructifient

L’été poursuit le printemps, accomplit les promesses, fait apparaître les fruits et mûrit les grains ; c’est 長 zhǎng, la croissance et l’achèvement de la poussée yang ; elle soutient, par affinité, la vie ; on peut se coucher tard et se lever tôt, car le soleil et la lumière répandent leurs effets longuement.

夜臥早起 yè wò zǎo qǐ
A la nuit on se couche, à l’aube on se lève
無厭於日 wú yàn yú rì
On se garde de trop longues expositions au soleil
使志無怒 shǐ zhì wú nù
On exerce le vouloir, mais sans violence
使華英 shǐ huá yīng
Secondant l’éclat de la beauté et de la force
成秀 chéng xiù
Qui accomplissent alors leur promesses
使氣得泄 shǐ qì dé xiè
Secondant l’évacuation des souffles
若所愛在外 ruò suǒ ài zài wài
Qui aiment alors aller s’extérioriser

Dans la saison du solstice d’été, du maximum de yang et de chaleur, on doit seulement se méfier du surcroît d’excitation ; physiquement ou psychiquement, il faut prendre garde à ce que le bien-être et la joie de vivre ne conduisent pas à un gaspillage trop important, par brûlage ou extériorisation, ce qui amènerait une déficience des souffles, un épuisement mal récupérable l’automne venu.

因於暑汗 yīn yú shǔ hàn
Sous l’effet de la chaleur excessive, on sue
煩則喘喝 fán zé chuǎn hē
Dans l’agitation, on a une dyspnée rauque
則多言 jìng zé duō yán
Quand on est tranquille, on parle avec abondance
體若燔炭 ruò fán tàn
Si le corps est comme charbons ardents
汗出而散 hàn chū ér sàn
Une sudation opérera la dissipation

Mais il serait tout aussi préjudiciable de bloquer le mouvement de la saison, de ne pas laisser s’épanouir en soi le sentiment d’une vie qui coule bien, ou encore d’empêcher, par des insuffisances physiques ou des déviations psychiques, les écoulements normaux hors du corps. Ainsi, une sueur restée coincée entre chair et peau déclenche des fièvres intermittentes à l’automne.

此夏氣之應 cǐ xià qì zhī yīng
Ainsi se conforme-t-on aux souffles de l’été
養長之也 yǎng zhǎng zhī dào yě
La voie pour l’entretien de la croissance de la vie
逆之則傷 nì zhī zé shāng xīn
Aller à contre-courant porterait atteinte au coeur
秋為痎瘧 qiū wèi jiē nüè
Causant, à l’automne, des fièvres intermittentes
奉收者少 fèng shōu zhě shǎo
Par insuffisance de l’apport à la récolte
冬至重病 dōng zhì zhòng bìng
Au coeur de l’hiver, la maladie s’aggravera.

Le réseau d’animation qui porte le sang répand partout en l’être le feu du cœur, qui entretient la vie, par la qualité de la nutrition et la présence des esprits. Si tout est bien parcouru, nutrition et défense vont de conserve. La beauté et la force visibles à l’extérieur en procèdent.

Le cœur se dilate aux dimensions de l’Univers ; l’été porte à cette dilatation sans limite, mais non pas excessive ; si l’on ne repose que sur un élan printanier, sur une jeunesse que l’on veut perpétuelle, sur une violence et une impétuosité qui prétendent remplacer la puissance calme et régulée, on ne porte pas ses fruits, on se vide de sa substance. C’est le danger de l’été, du feu, de l’excitation, perversion de la joie et de la chaleur, exprimant et manifestant la puissance d’un cœur et d’une vie d’homme. On ne prépare pas l’avenir et l’on se retrouve démuni quand vient une période moins favorable pour la vie ; le péril s’aggrave quand le danger se fait pressant, au cœur de l’hiver.

Arbres ombragés dans un paysage d'été, Dong Qichang
Arbres ombragés dans un paysage d’été, Dong Qichang

夏三月
此謂蕃秀
天地氣交
萬物華實
夜臥早起
無厭於日
使志無怒
使華英成秀
使氣得泄
若所愛在外
此夏氣之應養長之道也
逆之則傷心
秋為痎瘧
奉收者少
冬至重病

素問 Sùwèn 2

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Arthur Rimbaud in Sensation