Po

魄 pò

魂 hún et 魄 pò sont les noms donnés aux deux sortes d’âmes qui animent un être humain. Dans le monde chinois ancien, ces âmes sont don, du ciel pour les hún et de la terre pour les pò, à un homme; il les leur restitue à sa mort.

Il doit donc prendre grand soin de la qualité de ces âmes, pour qu’elles s’intègrent le mieux possible dans le ciel~terre quand sa vie est achevée. Le culte des ancêtres honore et soutient les âmes de ceux qui nous ont précédé et permis de vivre.

Bien que les hún relèvent du ciel et les pò de la terre, le caractère des esprits de la terre : 鬼 guǐ, se retrouve dans leurs deux noms, car il s’agit de la rencontre du ciel et de la terre pour une vie qui prend forme sur terre.

鬼 guǐ représente un être humain 人 avec une tète de démon 甶. À droite, 厶indique la présence de souffles insidieusement nuisibles. Le caractère désigne d’abord les esprits des morts, plus particulièrement ceux liés à la terre ; puis les puissances d’animation de la terre; les esprits des morts qui reviennent hanter les vivants, fantômes; les esprits de la Terre comme puissances maléfiques, dangereux démons. Dans le caractère 魂 hún, les esprits de la terre sont accompagnés de la formation des nuages : , des vapeurs qui s’élèvent et qui, par accumulation dans les hauteurs, forment les nuées. Ils sont intimement liés aux souffles, portés par le même mouvement qui les élèvent et les font voyager, légers et rapides, dans le ciel. Les souffles, subtils et légers, s’élèvent vers le ciel, par exemple sous forme de parfums se dégageant de substances odoriférantes brûlées lors des sacrifices aux ancêtres.

Dans le caractères 魄 pò, les esprits de la terre 鬼 guǐ sont accompagnés de la couleur blanche bái, couleur du retour à la terre, qui commence avec le blanchissement des cheveux et s’achève quand il ne reste plus que des os blanchis. Ils sont intimement liés au sang, qui manifeste la vitalité essentielle et substantielle du corps ; le sang s’enfonce dans la terre lors des libations durant les sacrifices aux ancêtres.

Les âmes terrestres fixent l’humain dans un corps, une forme. Durant la vie, ils sont responsables de notre vie corporelle, des sensations, des réactions, des poussées instinctives. Le sensitif, le « végétatif’, le corporel en dépendent. Les pò sont aussi la force physique qui soutient le dynamisme de l’être, l’instinct de survie qui rend hardi. Tout ce qui est vitalité corporelle, animation des substances non contrôlées par la conscience, relève des pò.

Hún et pò vivent en couple : leur étreinte est la vie sur terre; leur séparation, notre mort. Ils sont les deux facettes de la vie sur Terre, sa dualité propre. Ils sont interdépendants, mais les hún doivent toujours dominer les pò, comme le ciel toujours inspire et domine la terre, qui reçoit et suit. Si l’ordre s’inverse ou si les hún se ferment à l’inspiration céleste, les désirs aveugles du corps mènent la danse, le plus souvent au détriment de l’entretien de la vie.

À la séparation, à la mort, chaque partenaire reprend son mouvement naturel : les pò restent attachés aux substances du corps, s’échappant avec elles par les orifices et se dissolvant peu à peu avec elles dans la terre.

Des âmes qui ne retournent pas au lieu auquel elles appartiennent, en haut ou en bas, peuvent errer parmi les vivants, cherchant à assouvir une vengeance ou à se nourrir; elles sont de dangereux « revenants » qui aspirent la vitalité d’un être ou s’en emparent pour le posséder.

Les paysages sacrés de Bae Bien-U
Les paysages sacrés de Bae Bien-U

Dans les textes médicaux, hún et pò sont employés à plusieurs niveaux à la fois distincts et intriqués. Hún et pò ensemble représentent la vie d’un homme par ses âmes; il faut se garder de les dissiper et donc agir de façon à les garder ensemble en soi, veiller à ce que leur union ne se brise pas prématurément, ce qui signifierait la mort.

Pas de pathologie particulière à ce niveau. Hún et pò font partie de la conduite de la vie : ils bénéficient d’une bonne conduite, qui procure des essences et des souffles en abondance, et souffrent d’une mauvaise qui les affaiblit et les pervertit; mais ils participent aussi à cette conduite, bien ou mal en fonction de l’état dans lequel ils sont. Hún et pò sont souvent associés dans ces contextes aux esprits vitaux, les jīng shén.

Pò est l’un des cinq esprits (五神 wǔ shén). Il est alors associes au métal. Son mouvement propre est analogue à celui du poumon et donc de l’élément qu’il représente : pression vers le bas, caractéristique du métal. Les souffles du poumon, qui sont yang, permettent garder les âmes pò, qui sont sang et yin. Sans ces combinaisons yin yang, les hún s’envoleraient et les pò s’enfonceraient; ce qui provoquerait leur dissociation, c’est-à-dire la mort.

Hún et pò ne sont plus alors simplement un couple ciel~terre et yin~yang, puisqu’ils deviennent deux parmi un groupe de cinq. De la même manière que l’eau et le feu n’ont pas exactement la même signification quand ils sont pris en couple pour représenter le yin~yang ou quand ils sont deux des cinq éléments. Le sens de base ne change pas, mais il s’adapte pour s’intégrer dans un ensemble à cinq.

Ainsi hún et pò ne représentent plus une totalité d’animation ciel~terre yin~yang dans l’être, mais l’animation propre au foie et celle propre au poumon. C’est uniquement à ce titre qu’ils peuvent jouer dans des cycles de relation par cinq : cycle d’engendrement et cycle de contrôle des cinq agents.

魄汗

La sueur des po

La sueur est un liquide, donc du côté du yin, de la substance, de la forme; ce qui convient aux pò. La sueur s’évacue, profusément, car les liquides sont trop abondants dans le corps, mal transformés, le yang ayant diminué et les souffles s’étant affaiblis. Les souffles sont le logis des pò. Le poumon, maître des souffles, en est particulièrement affecté, ainsi que les souffles yang de la défense et leur lieu privilégié d’expression la peau percée des pores. Le symptôme repose sur une pathologie du poumon et rend compte de la nature corporelle des pò. On est en face d’un vide des souffles du poumon, qui rend incapable de contenir les substances, de travailler les liquides.

魄門

La porte des po

L’expression porte des po est un nom pour l’anus. Mais elle peut aussi désigner les pores. Les pores sont en relation avec la peau sous l’autorité du poumon. L’anus est l’extrémité du gros intestin, associé au poumon, l’orifice qui restitue a la terre les substances inutilisables, 粕 pò.

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