Shén
divinité
dieu
esprit
expression
air
énergie
神 shén, traduit habituellement par esprits, se compose, à gauche, du radical 示 shì, aussi écrit 礻, et, à droite, de la phonétique 申 shēn.
- La partie de gauche évoluant en 示 puis en 礻, évoque les influences venant d’en haut, les signes par lesquels le ciel instruit les hommes ; le ciel, le soleil, la lune et les étoiles révélant aux hommes les choses transcendantes.. Anciennement, c’est l’autel où se manifestent les esprits des ancêtres et les esprits des ancêtres qui s’y manifestent lors des sacrifices. Puis le sens évolue vers celui des signes montrant l’activité des esprits, de phénomènes porteurs d’augure, de présage, pour finalement devenir une information, une indication.
- La partie de droite 申 est une extension, un étirement, une expansion, un déploiement. C’est le caractère qui désigne le neuvième Rameau terrestre, période du début de l’automne ou de la fin de l’après-midi, quand le yang, dans son maximum d’expansion, se replie en yin. A posteriori, certains lettrés ont voulu voir dans cette partie le jeu des forces opposées et complémentaires du yin et du yang; ils y ont été entraînés par le développement de la notion d’esprit, comme les puissances au-delà du yin~yang, suscitant les transformations qui s’accomplissent par l’interaction du yin et du yang et se manifestant au travers d’elles.
Vibration première se déployant dans l’infini du multiple, il se répand dans toutes les directions, il n’est pas de lieu où shén n’aille.
Isabelle Robinet in Méditation taoïste
Le caractère shén est employé dans les inscriptions sur bronze, comme dans les textes les plus anciens, avec le sens des esprits des ancêtres et des esprits de la nature : les puissances qui sont au ciel et qui exercent un pouvoir en bas sur leurs descendants ; les puissances qui commandent les phénomènes célestes, les forces de la nature, comme 电 diàn, l’éclair qui représente une longue extension qui s’élire dans le ciel et vient pénétrer la terre. 申 shēn figure l’expansion alternante des forces naturelles.
Quand le Ciel-Terre produit les dix mille êtres, chaque être est pourvu d’un [principe] maître, c’est ce qu’on appelle le shén.
說文解字 Shuōwén jiězì
D’où l’usage de 神 shén pour les esprits du ciel, par opposition à 鬼 guǐ les esprits de la terre. Les shén sont des êtres dotés d’une puissance divine, exerçant leurs influences sur les hommes et la nature entière. Leur pouvoir est merveilleux, prodigieux, miraculeux, subtil.
Les esprits sont le ressort de ce qui se passe dans le monde, la source des transformations qui font apparaître les multiples formes de vie. Ils sont l’ordre sacré de la vie dans chaque phénomène naturel comme dans les affaires humaines. Ils président à toutes les activités de la nature et de l’homme.
Ils contrôlent en l’homme tous les mouvements de sa psychologie comme de sa physiologie. Un homme « spirituel » est éclairé, de l’intérieur, par ces puissances célestes; c’est un être inspiré et merveilleusement sage.
La destinée de l’homme est de devenir de plus en plus semblable aux esprits, de devenir lui-même un esprit du Ciel, après sa mort ou de son vivant.
Le sens exact d’esprit dépend toujours du contexte de son emploi et des autres notions auxquelles il se trouve associé. Il varie par exemple selon que l’on parle des divinités de la nature ou protectrices, bienfai-santes ou dangereuses, à un niveau de croyances populaires, voire de superstitions; ou que l’on parle des esprits qui se rendent présents en un homme, ou encore des esprits qui président à la vie de l’univers.
Le shén illumine chaque chose et lorsqu’il se manifeste, il ressemble au vent qui balaie tous les nuages.
– Classique interne de l’empereur Jaune
Dans les textes médicaux, la notion de shén est employée à plusieurs niveaux, déterminés par le contexte.
- En tant qu’extérieurs à l’être, les esprits sont les puissances cosmiques, célestes, originelles ( 原神 yuán shén ), qui permettent à chaque phénomène vivant de débuter et dérouler la chaîne des changements et transformations qui composent son existence. Les esprits manifestent l’ordre naturel de la vie dans le cosmos, qui se voit par exemple dans l’alternance régulière des quatre saisons, du jour et de la nuit, dans la modération du vent et de la pluie … Ces manifestations harmonieuses s’offrent à notre intelligence comme un exemple et un modèle pour la conduite de notre propre vie.
- Ces mêmes puissances se rendent présentes dans un corps humain, par elle-mêmes et par le fait de l’homme. Les esprits investissent une vie humaine dès les débuts de sa formation, au stade fœtal, car la subtilité des essences propres à la nature humaine attire et accueille 精神 jīng shén, les esprits vitaux; ces esprits apportent la lumière, la possibilité d’intelligence et de compréhension, 神明 shén míng, l’Intelligence spirituelle, qui donne sa spécificité à 心 xīn, au cœur humain, et lui confère conscience et discernement. Par sa conduite, un homme fait venir à lui et en lui les esprits, ou les rejettent. Celui qui se garde dans le calme et l’équilibre, sans désirs ni passions qui troublent xīn et obscurcissent l’entendement, est de plus en plus éclairé par les esprits, en contact avec la nature des choses et l’ordre du monde; il et sage et avisé, se conduit d’autant mieux et s’emplit encore davantage d’esprits.
On peut alors dire que les esprits qui sont en mon cœur sont en moi, qu’ils sont mon cœur et qu’ils sont moi; ou encore que « je » est « mon cœur » . Si je deviens ce que je suis destiné à être, par nature, alors je deviens esprit ou semblable aux esprits, puisque, par nature, les esprits viennent dans un humain et donnent la lumière à son cœur pour qu’il puisse conduire sa vie selon l’ordre naturel.
原神 yuán shén
L’esprit originel est la source de tout ce qui est. Cette énergie cosmique qui anime tous les êtres et toutes existences dans l’univers est notre essence spirituelle, notre nature fondamentale. II se tient en dehors de toutes causalités selon la loi du yin~yang.
Lorsque le yuán shén choisit de vivre des expériences selon son mandat céleste.
Depuis sa nature cosmique illimitée il se manifeste alors en une conscience limitée dans l’espace et le temps, il devient alors le shén individuel ou la conscience organisatrice. Il s’incarne et suit la loi d’impermanence du yin~yang, il investit une trame de vie, un mandat céleste, pour se manifester.
Dans ses premières manifestations, le shén va choisir les futurs parents qui lui permettent de se manifester selon le plan qu’il a choisi et de faire appliquer le projet spirituel de l’être : son mandat céleste. Lorsque le jīng du père et de la mère s’unissent, la conscience organisatrice du futur bébé se fixe sur cette trame de vie lui accordant un potentiel de vitalité, de dynamisme, de mouvements, de formes, de structures, de rythmes, etc. Lorsque le shén s’est incarné, individualisé puis organisé en un outil d’apprentissage, de réflexion et de communication pour s’adapter et expérimenter le milieu dans lequel il baigne, il applique et fait perdurer son projet de vie d’une façon consciente ou inconsciente. Pour cela, il possède un pouvoir de détermination, de réalisation et la volonté permanente de continuer à se manifester. C’est le 誌 zhì qui condense ses attributs à travers les outils privilégiés du shén : les cinq sens, les orifices des organes des sens : yeux, narines, oreilles, bouche et les cinq composants principaux : 魄 pò, 魂 hún, 意 yì, 誌 zhì et 神 shén qui sont liés aux cinq organes vitaux : les poumons, le foie, la rate-estomac, les reins et le cœur. Le shén s’informe du monde extérieur. Leur bon fonctionnement détermine l’acuité de la conscience. Les sens sont des aires de contacts et d’échanges qui permettent au shén d’être conscient du monde extérieur. Ce sont aussi les supports privilégiés de la communication : on écoute, sent, voit, goûte, ressent l’autre. On réceptionne l’information provenant d’autrui puis on exprime par la bouche, par nos mimiques, par nos mouvements, nos idées, nos émotions… Le shén est l’organisateur absolu de l’outil sensoriel, de l’information, du langage, de l’échange, de la communication.