Il se leva à six heures. À côté de son lit, se regardant dans la glace, il fit les exercices de qi gong, en se souvenant comme d’habitude de son maître, le pulpero Lao. La posture de l’arbre qui se balance en avant et en arrière, de gauche à droite et en rond, poussé par le vent. Les pieds bien plantés dans le sol et en essayant de faire le vide dans sa tête, il se balançait, cherchant le centre. Chercher le centre. Ne pas oublier le centre. Lever les bras et les abaisser très lentement, une petite pluie qui tombait du ciel en rafraîchissant son corps et son âme, en apaisant ses nerfs et ses muscles. Maintenir le ciel et la terre à leur place et les empêcher de se toucher, avec les bras — un en l’air, arrêtant le ciel, et l’autre en bas, retenant la terre — et, ensuite, se masser les bras, le visage, les reins, les jambes, pour éliminer les tensions accumulées dans tous les endroits de son corps. Ouvrir les eaux avec les mains et les joindre. Réchauffer la région lombaire par un doux et lent massage. Ouvrir les bras comme un papillon déploie ses ailes. Au début, l’extraordinaire lenteur des mouvements, cette respiration au ralenti qui devait promener l’air dan tous recoins de l’organisme, l’impatientait ; mais avec les années il s’était habitué. Il comprenait maintenant que c’était dans cette lenteur que résidait le bienfait qu’apportaient à son corps et à son esprit cette délicate et profonde inspiration-expiration, ces mouvements par lesquels, dressant une main et tendant l’autre contre le sol, les genoux légèrement pliés, il tenait les astres du firmament à leur place et empêchait l’apocalypse. Quand, à la fin, il ferma les yeux et resta quelques minutes immobile, les mains jointes comme s’il priait, une demi-11(heure avait passé. Déjà on voyait aux fenêtre cette lumière claire et blanche des petits matins de Piura.
Mario Vargas Llosa in Le héros discret
Après plusieurs romans situés dans les géographies les plus éloignées dans l’espace et dans le temps, Mario Vargas Llosa revient au Pérou et fait de son pays natal le décor du Héros discret. Il nous dépeint la situation actuelle d’une société dopée par une croissance économique sans précédent mais qui voit également se développer la corruption, la cupidité et le crime.
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