Tristesse

悲 bēi

Rite funéraire traditionnel chinois
En Chine, lorsque les gens décèdent, la pratique de l’enterrement traditionnelle est l’inhumation, où les corps des défunts sont stockés dans des cercueils en bois et enterrés dans la terre où ils ont grandi.

Tristesse et affliction, avant d’être pathologiques, sont des réactions, des sentiments, normaux et souhaitables. À la mort d’un parent, la tristesse dévore intérieurement. Il ne faut pas la nier, ni l’empêcher; mais l’exprimer.

Lorsqu’on enlevait le cercueil le fils pleurait, se lamentait et bondissait un nombre de fois indéterminé. Sous le poids de la douleur et du chagrin de son cœur, dans la pénible agitation de son esprit, dans les étreintes de la tristesse et de l’affliction, il se dénudait le bras gauche et bondissait, afin de calmer son cœur et de faire descendre ses souffles, en mettant ses membres en mouvement.

Mémoires sur les bienséances et les cérémonies


On remarque que la mise en mouvement du corps empêche les souffles de se bloquer dans la poitrine, ce qui facilitera le retour à la normale.
On peut aussi dire que les manifestations extérieures de la tristesse associe cette dernière avec des mouvements et des cris rituels. La diminution de ces manifestation, toujours selon les prescriptions rituelles, amène aussi la diminution de la tristesse, à la fois parce qu’on s’autorise à être moins triste et parce que le lien établi entre la tristesse et ses manifestations incite
naturellement à une réduction commune.

Si le deuil et la tristesse sont normaux, ils ne doivent pas durer.

Un fils, à la mort de son père, pleurait sans interruption trois jours durant ; de trois mois, il ne quittait ni le bandeau ni la ceinture de chanvre ; pendant un an (il pleurait matin et soir) avec un profond sentiment de tristesse ; son chagrin durait trois ans. Les témoignages d’affection allaient ainsi en décroissant. La douleur décroissant avec le temps, les anciens sages avaient déterminé comment sa manifestation devait diminuer graduellement. Voilà pourquoi la durée du deuil a été fixé à trois ans, et la liberté n’a pas été laissée aux plus sages de la prolonger, ni aux moins sages de la diminuer.

Mémoires sur les bienséances et les cérémonies


La tristesse allant jusqu’à l’affliction est donc le sentiment propre que l’on éprouve devant la mort, celui que doit éprouver le “fils pieux” à la mort d’un parent, et d’abord de son père. C’est le deuil mené, le sentiment qui accompagne le départ définitif du vivant qui vous a transmis la vie. Le Livre des Rites abonde en considérations sur la tristesse et l’affliction; il en décrit les manifestations physiques, les altérations de l’apparence, les attitudes du deuil de l’âme; il montre comment cris, pleurs, bondissements de douleurs … sont des façons de rendre la tristesse supportable, de diminuer l’affliction intense par le mouvement donné ainsi au corps,
et comment tout le processus doit, sur trois années, ramener la paix dans le cœur de l’affligé.


Déjà, on remarque combien la tristesse et l’affliction portent des coups répétés au sentiment profond d’exister, à la vivacité cherchant à s’exprimer et à surgir, à se dégager continûment. On prend le deuil d’un père; mais pas pour toujours, pour trois années. Poursuivre le deuil, le temps révolu, serait un excès; le refus de la réalité, fut-elle douloureuse, envenime la souffrance et détruit la santé. Porter le deuil de soi-même, éprouver le sentiment de perte de la vie, alors qu’on vit encore est une perversion grave. La vie se venge et la mort s’engendre du deuil même, car on a ébranlé l’interne, attaqué le centre de la vitalité, tourné le dos à la raison.

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