Notre cerveau reçoit des informations en provenance de nos cinq sens : la vision, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat. Ces messages sont rapidement transportés grâce à des fibres sensorielles qui transmettent des messages électriques : c’est ainsi que, dès que vous ouvrez la porte de votre maison, vous pouvez voir le désordre dans votre salon ou sentir immédiatement une bonne odeur de gâteau au chocolat en train de cuire.
L’intestin doit lui aussi envoyer des messages au cerveau pour lui dire s’il est plein ou non, s’il faut manger ou pas. Pour cela, il utilise des messages hormonaux, c’est-à-dire des molécules libérées dans le sang. Au niveau de l’épithélium intestinal, il existe des cellules appelées « entéroendocrines » qui servent de capteurs sensoriels, et « sentent » les nutriments présents. Les nutriments présents dans l’intestin stimulent la libération d’hormones, pour informer le cerveau, mais des minutes, voire plus, après l’ingestion de nourriture.
Jusqu’à présent on pensait que ces cellules sensorielles n’agissaient que par la voie lente des hormones comme la cholécystokinine. Les chercheurs suspectaient l’existence d’un mécanisme plus rapide car les cellules sensorielles présentes au niveau de l’intestin ont des similitudes avec celles de la langue et du nez. Par exemple, ces cellules émettent un signal électrique, si elles sont stimulées.
Le système nerveux entérique comprend des millions de neurones disposés le long du tube digestif. Il sert à commander les contractions de l’intestin. Le nerf vague assure la communication entre le cerveau et ce système nerveux parfois qualifié de « second cerveau ».
Dans cette nouvelle recherche parue dans Science, les chercheurs de l’université de Duke voulaient mieux comprendre le circuit qui relie l’intestin et le cerveau. Pour cela, ils ont utilisé un virus de la rage marqué avec une fluorescence verte qu’ils ont injecté dans l’estomac de souris afin de suivre son trajet de l’intestin au cerveau. Le virus de la rage est connu pour infecter des neurones.
Des cellules intestinales ont des synapses avec le système vagal
Les chercheurs ont observé que le virus passait par le nerf vague pour arriver au tronc cérébral et il n’y avait qu’une seule synapse entre l’intestin et le tronc cérébral ! De plus, les chercheurs ont montré que les cellules entéroendocrines avaient des protéines présynaptiques. In vitro, ils ont cultivé ces cellules sensorielles intestinales avec des neurones de nerf vague de souris : les neurones se connectaient aux cellules intestinales. Les chercheurs ont donné du sucre à ces cellules pour créer un stimulus : un message était transmis des cellules entéroendocrines vers les neurones vagaux grâce aux connexions créées !
Diego Bohórquez, un des auteurs de ces travaux, a déclaré dans un communiqué de l’université Duke « Les scientifiques parlent de l’appétit en termes de minutes et d’heures. Nous parlons ici de quelques secondes. » Or, cela a des implications pour la recherche de thérapies contre l’obésité car beaucoup des molécules supprimant l’appétit qui ont été étudiées ciblent des hormones à action lente, et non des synapses à action rapide. « C’est probablement la raison pour laquelle la plupart d’entre elles ont échoué. »
Les chercheurs suspectaient le glutamate, un neurotransmetteur impliqué dans le goût et l’odorat, de jouer un rôle dans la transmission du message. Quand ils ont bloqué la libération de glutamate au niveau des cellules sensorielles intestinales, il n’y avait plus de message. Par conséquent, les cellules entéroendocrines ne jouent pas qu’un rôle hormonal.
Grâce à des synapses avec le nerf vague, ces cellules sensorielles connectent directement la lumière de l’intestin au tronc cérébral, situé à la base du cerveau. Elles envoient des messages rapides sur la présence de nutriments, comme du sucre, en utilisant le glutamate comme neurotransmetteur.