Caractère 劲 jìn ou jìng en style sigillaire

On peut trouver deux entrées pour le caractère 勁 (劲) dans un dictionnaire chinois-français :

  • jìn : force physique, énergie, vigueur, entrain, enthousiasme, air, manière, expression, fort, robuste, ferme, solide, énergique, vigoureux, puissant ;
  • jìng : fort, robuste, musculeux, puissant, inflexible.

Les dictionnaires chinois affirment eux que 勁 est 力氣 lì qi (force, énergie) ou 氣力 qì lì (énergie). 氣 qì est souffle, énergie, là où 力 lì est force ou puissance musculaire. Ainsi, la définition du caractère 勁 devrait être la manifestation du souffle dans la force musculaire.

Par ailleurs le caractère 勁 peut se décomposé en :

  • 巠 : ruisseaux souterrains, eau qui coule et peut être interprété comme le trajet ou le chemin ; et
  • カ : la force musculaire.

Le terme 勁 jìn peut être interprété comme la force musculaire dans le bon chemin. Pour diriger la force musculaire dans le bon chemin, l’intention (意 yì) doit être claire. Lorsque le yì est concentré, le souffle (氣 qì) peut être fort. Lorsqu’un qì fort se manifeste dans l’action physique, sa manifestation peut être puissante et pénétrante.

以意引氣,由氣生力

Dans les qi gong martiaux chinois il est dit : Utilisez l’intention pour guider le souffle, et grâce au souffle, la puissance est manifestée. Cela implique que c’est votre mental, votre intention qui amorce l’action. Lorsque le yì est engendré, le qì est emmené dans le corps physique pour agir. Dès lors, vous pouvez constater que pour obtenir une puissante manifestation du jìn, vous devez avoir atteint un très haut niveau de concentration mentale.

Lorsque le yì n’est pas concentré et qu’il n’est pas fort, le qì emmené est faible aussi. Lorsque le qì est faible, alors la puissance manifestée par le corps est superficielle. Dans les mouvements physiques en général, la concentration du yì n’a pas besoin d’être très élevée, et les actions peuvent être conduites à souhait. De ce fait, la manifestation du jìn est transparente. Toutefois, et lorsqu’il est besoin d’élever la puissance de votre corps physique pour des tâches particulières, alors le yì doit être concentré vers de plus hauts niveaux. Ergo, la circulation du qì s’en trouve renforcée et dès lors, la manifestation de la force (力 lì) peut être plus claire (plus forte), ce qui veut dire que la manifestation du jìn est alors plus évidente.

內~外

Le jìn peut être distingué en jìn interne (內 nèi) et jìn externe (外 wài). Le yì qui guide le qì en coordination avec la respiration est appelé jìn interne. Le mouvement physique correct qui permet au qì de se manifester de manière efficace dans l’action physique est appelé jìn externe.

內勁

Lorsque la théorie du taiji est appliquée au taiji quan, le taiji est votre esprit. Cet esprit est le grand ultime (太極 tài jí). L’esprit peut voyager au-delà des limites de l’espace et du temps. L’esprit est créatif et puissant. De ce fait, dans le taiji quan, la culture de l’esprit est toujours la première des priorités de l’entraînement. La clef pour accroître la capacité de concentration de l’esprit est la méditation immobile.

Le taiji quan est souvent perçu comme une méditation en mouvement ; cela parce qu’en pratiquant, nous utilisons notre esprit concentré et notre sens de l’ennemi pour guider le qì vers nos bras et nos jambes afin d’y manifester notre jìn. Pour guider de manière effective et efficace notre qì à l’aide de notre esprit, votre corps doit être détendu, relâché et souple. Ce n’est que dans ces conditions que votre qì peut circuler sans stagnations. La clef permettant de maintenir un corps souple et détendu réside dans le fait de maintenir le mouvement et l’agilité des articulations. Ce n’est qu’alors que le jìn peut être engendré par les jambes, contrôlé par la taille, formé par la colonne et le torse, et enfin manifesté aux mains. Sans un corps détendu et souple, le taiji quan perd son sens et ses principes élémentaires, et que du même coup les actions ne peuvent plus être appelées taiji quan.

La respiration abdominale inversée (逆腹呼吸 nì fù hūxī) est le moyen naturel dont nous disposons pour manifester notre puissance physique. En effet, à chaque fois que vous désirez manifester votre énergie sous forme de puissance physique, comme pour pousser une voiture ou soulever une lourde charge par exemple, sans même y penser vous passez de la respiration abdominale normale (正呼吸 zhèng hūxī) à la respiration abdominale inversée. Pour accroître la manifestation de la puissance aux degrés les plus élevés, vous devez aussi savoir comment ouvrir le point Porte du destin (命門 mìng mén), et guider le qì pour lui faire remonter la colonne vertébrale, et l’emmener ensuite vers les bras au travers du point Grande vertèbre (大椎 dà zhuī). C’est ce que l’on appelle dans Les Classiques du taiji quan, le qì circule le long de la colonne vertébrale (氣沿脊行 qì yán jí xíng).

外勁

Le jìn externe est la manifestation externe du jìn interne. L’efficacité des manifestations du jìn externe n’est pas uniquement affectée par la force ou la faiblesse du jìn interne, mais encore par la structure physique et l’habileté des manifestations. L’efficacité des manifestations du jìn externe dépend de la manière d’agir des mains, du comportement des yeux, de la manière de se mouvoir du corps, des compétences combatives, ainsi que des méthodes de déplacement. En conséquence de quoi, les jìn peuvent être classé comme jìn dur, jìn souple- dur, et jìn souple. Il existe certains styles dans lesquels, le jìn externe est généré par les jambes, tels que le long poing (長拳 cháng quán)ou le taiji quan. Il existe certains styles dans lesquels le jìn externe est généré par la taille, tels que le style de la grue blanche. Plus encore, il existe certains styles dans lesquels le jìn externe court est généré par les quatre membres. L’émission des jìn externes dépend de la manière dont les jìn sont stockés dans les arcs, et de la manière dont ils en sont émis. Les cinq arcs sont les deux arcs des bras, les deux arcs des jambes, et l’arc du torse. D’autres styles tels que celui de la grue blanche, qui est spécialisé dans les jìn souples-durs, affirment que le corps comporte six arcs. Pour totaliser six arcs, et en plus des quatre arcs des bras et des jambes, celui du tronc comporte deux arcs : l’arc du torse et l’arc de la colonne vertébrale. L’arc de la colonne vertébrale est vertical alors que l’arc du torse, lui, est horizontal.

Ce sont là les cinq éléments fondamentaux qui influencent la manière dont est manifesté le jìn, mais aussi, la façon dont sont exprimées les capacités combatives. Ces cinq éléments sont : les mains (手 shǒu), les yeux, le regard (眼 yǎn), le corps (身  shēn), les techniques (灋 fǎ), et les déplacements (步 bù). En d’autres termes, la réalisation dépend de la manière dont est manifesté le jìn dans vos mains, du niveau de conscience et d’alerte de votre être, ce qui correspondent habituellement aux yeux, de la manière dont votre corps stocke le jìn dans ses structures, de la façon dont sont exécutées les techniques, ainsi que de la compétence et de la fermeté des déplacements. Sur la base de ces facteurs, des milliers de styles ont été créés, développés et discriminés en styles durs, souples-durs, et souples. Conséquemment, la manifestation du Jin diffère d’un style à l’autre.

Pour pouvoir manifester puissamment le jìn, vous devez avoir de solides racines. Cela est d’autant plus vrai pour ce qui concerne les styles qui se servent des racines pour générer le jìn. Vous devez par ailleurs aussi savoir comment bander correctement les arcs afin d’y stocker de plus importants niveaux de jìn.

Ouvrir les arcs stocke le jìn ; relâcher les arcs émet le jìn. L’efficacité de la libération des arcs dépend de l’habileté avec laquelle ils ont été ouverts. Le stockage du jìn interne dépend du yì, du qì et de la respiration (呼吸 hūxī). Le stockage du jìn externe dépend du moment où les racines sont affermies et de la manière d’ouvrir les six arcs.

Parce que le jìn est la clef de la victoire ou de la défaite, chaque style garde secrètes ses méthodes d’entraînement et ne les révèle pas à l’extérieur. Toutefois, la clef la plus importante pour ce qui est des fin d’émission et de neutralisation, est l’unification de l’interne et de l’externe.

Maître Huang  (黃性賢 Huáng Xìngxián 1910-1992) rencontra le grand maître Cheng Man Ching (鄭曼青 Zhèng Mànqīng 1902-1975) en 1949 à Taïwan. Il s’agenouilla et fut accepté par lui, car c’était le premier représentant de taiji quan à avoir été capable de gérer aisément la grue blanche de maître Huang dans un test amical de capacités. Maître Ben Lo Pang Jang de San Francisco, un élève de maître Cheng, était présent à cette époque ; il raconta que lorsque maître Huang commença à recevoir l’enseignement de maître Cheng, il était déjà en mesure de lancer des gens normaux à 10 mètres à l’aide des mains de sa grue blanche, mais les élèves détendus de maitre Cheng pouvaient, dans une certaine mesure, échapper à sa poussée. À cause de cela maitre Cheng refusa tout d’abord de croire que maitre Huang n’avait pas appris le taiji quan quelque part auparavant ; c’est alors que maître Huang montra à Cheng le manuel secret d’entraînement de la grue blanche transmis par ses maîtres taoïstes, contenant sur la première page les caractères : 鬆, 鬆, 鬆 ; signifiant : lâcher, lâcher, lâcher; et sur la seconde : 意, 意, 意 ; signifiant : esprit, esprit, esprit. Maître Cheng reconnu que les systèmes étaient très semblables, et que maître Huang avait déjà achevé les 10 premières années du taiji quan, par le biais de son entrainement à la grue blanche.

內外相合

Lorsque le jìn interne et le jìn externe sont correctement coordonnés et harmonisés, l’un à l’autre et de manière efficace, cela porte alors le nom de conformité (相合 xiāng hé), d’harmonie de l’interne et de l’externe.

硬~軟

Les différents arts martiaux ont chacun leurs propres façons d’exprimer le jìn. Ainsi par exemple, le style des griffes du Tigre met plus particulièrement l’accent sur les jìn durs (硬勁 yìng jìn), le style de la Grue Blanche, sur les jìn souples-durs (軟硬勁 ruǎn yìng jìn), et le taiji quan lui, favorise le travail des jìn souples (軟勁 ruǎn jìn). Toutefois, la théorie de base concernant l’utilisation du yì pour guider le qì et le manifester à l’extérieur, demeure identique pour tous les styles.

硬勁

Lorsque vous exécutez un Jin dur, et même si vous êtes bien concentré, la tension de votre corps physique fera que la circulation du qì sera stagnante, que la vitesse de votre frappe sera lente, et que la surface de focalisation sera grande, elle aussi. Dans ces conditions, la puissance émise ne peut pas être pénétrante. Lorsque vous êtes percuté par un jìn dur, vous pouvez être projeté à quelques mètres en arrière, mais vous ne subirez pas de dommages internes. C’est pour cela d’ailleurs que lorsque vous êtes touché par un tel jìn, le son de la douleur peut être émis.

軟硬勁

Lorsque vous exécutez un jìn souple-dur, vous devez d’abord demeurer détendu et vous servir de votre esprit concentré pour emmener votre qì vers vos bras et vos jambes. Une fois que le qì a atteint ces régions, alors vous vous tendez et continuez à utiliser votre esprit concentré pour guider votre jìn vers la cible. Ce jìn est plus pénétrant que le Jin dur. On s’accorde à penser que la moitié du jìn peut pénétrer le corps et endommager les organes internes alors que la seconde moitié du jìn, elle, a la capacité d’altérer les structures externes du corps physique.

軟勁

Du fait de la concentration extrêmement élevée, de l’intensité de la force du qì, de la très grande vitesse, de la pénétration extrêmement profonde et de l’intensité de la focalisation sur un point, le jìn souple peut être mis en œuvre pour attaquer les points d’acupuncture (點穴 diǎn xué) et choquer les organes internes.

Dans les jìn souples, le yì est fort, le qì est abondant, et le corps a atteint ses plus profonds états de souplesse et de décontraction. Si votre corps a été attaqué, et bien que le lì soit pénétrant, vous ne serez pas projeté au loin.

Parce que le corps est alors souple, le jìn peut atteindre des vitesses extrêmes et être focalisé sur un point de très petite taille. Ce jìn est particulièrement pénétrant et profond, et peut donc être utilisé pour attaquer les points d’acupuncture (點穴 diǎn xué). Parmi ces points, il en est cent huit, incluant trente-six points vitauxet soixante-douze points non-vitaux, qui peuvent être utilisés dans le domaine des arts martiaux. Lorsque ces trente-six points vitaux sont attaqués, les organes internes peuvent être choqués et endommagés, et l’on peut même ainsi provoquer la mort. Lorsque l’on est percuté, il est difficile d’émettre quelque son que ce soit.

守~攻

En fonction des différentes applications, le jìn peut être classé comme jìn défensif (守勁 shǒu jìn), comme jìn offensif (攻勁 gōng jìn), et comme jìn non-offensif (不攻勁 bù gōng jìn) et non-défensif (不守勁 bù shǒu jìn). Les jìn offensifs sont considérés comme yáng et sont focalisés sur l’émission du jìn, tel que l’on peut le voir dans le jìn du repousser-dévier (掤勁  péng jìn) ou dans le jìn de percussion (靠勁 kào jìn). Les jìn défensifs sont aussi des jìn de neutralisation, et sont classés comme yīn. Ils neutralisent les jìn émis par l’adversaire, comme dans le jìn du replier-rouler (捋勁 lǚ jìn), et le jìn guider (引勁 yǐn jìn). Les jìn non-offensifs et non-défensifs sont conçus pour entraîner les sensations du corps, telles que le jìn écouter (聽勁 tīng jìn), et le jìn comprendre (懂勁 dǒng jìn).

Toutefois, certains jìn peuvent être utilisés aussi bien pour la défense que pour l’attaque. Par exemple, et bien que l’intention principale du jìn du péng jìn soit offensive, lorsque l’opportunité est appropriée, il peut être utilisé en défense. Ainsi, on peut constater que la création d’une opportunité avantageuse relève d’une décision et que toutes les applications dépendent de l’exécutant. L’application du jìn dépend directement de la situation. Cela doit être vivant.

長短勁

Les jìn longs (長勁 zhǎng jìn) sont communément utilisés dans les distances longues du combat et ont dès lors la faveur des styles du Nord qui sont eux spécialisés dans les tactiques du combat de distance longue. Les jìn courts (短勁 duǎn jìn) se focalisent sur les distances courtes ou rapprochées du combat, qui sont elles privilégiées par les styles du Sud tels que le taiji quan par exemple. D’une manière générale, les jìn durs sont plus aisés à appliquer aux distances longues du combat que le jìn souples, alors que les jìn souples, eux, sont plus aisés à mettre en œuvre dans les distances rapprochées du combat. Néanmoins, vous ne devriez pas vous laisser aller à penser que le peuvent pas être mis en œuvre dans les distances longues.

En effet, les styles du singe blanc (白猿 bái yuán) et le taiji quan, sont deux styles spécialisés dans l’application des jìn souples aux distances longues du combat. Il faut par ailleurs aussi savoir qu’un grand nombre de styles du Nord mettent un fort accent sur le travail des jìn courts. La meilleure approche consiste à maîtriser les deux sortes de jìn, et à les interchanger en fonction des situations et des opportunités. Toutefois, seuls les maîtres les plus chevronnés peuvent exécuter cela avec habileté. La raison à cela tient au fait qu’il n’est pas facile d’alterner le dur et le souple. En effet, et pour ce faire, votre esprit doit avoir la capacité de changer facilement en fonction des stratégies, afin que les jìn soient manifestés de manière accordée. En principe, cela nécessite de longues années d’expérience du combat.

Il est communément reconnu dans le monde des arts martiaux chinois que l’entraînement aux jìn souples est bien plus difficile, et comporte de plus grands risques de blessures que l’entraînement aux jìn durs. La raison à cela tient au fait que vous devez maintenir vos ligaments et vos tendons dans un état d’extrême flexibilité lors de la manifestation du jìn. Dès lors, si vous ne savez pas tendre vos ligaments et vos tendons au bon moment pour faire rebondir votre jìn en retour, vos ligaments peuvent très aisément subir des traumatismes. C’est pour cela que les maîtres ne permettent à leurs élèves de ne travailler dans un premier temps que les jìn durs. Ainsi, et lorsque l’élève a atteint un bon niveau de maîtrise des jìn durs, il peut ensuite aborder le travail des jìn souples.

Il est plus facile de se blesser en travaillant les jìn souples longs qu’en s’entraînant aux jìn souples courts. La raison à cela tient au fait que lorsque vous exécutez un jìn souple court, et avant même que votre bras ait atteint son extension maximale, vous tirez vos muscles et vos tendons pour faire rebondir en retour votre Jin. Conséquemment, les ligaments ne sont jamais étendus au point où ils pourraient subir des dommages. Dès lors, si vous désirez vous entraîner aux jìn souples, vous devriez commencer par pratiquer les jìn courts plutôt que les jìn longs.

勁訣

Le secret (訣 jué) du jìn, son efficacité et la puissance de sa manifestation dépendent de la manière dont vous coordonnez son expression avec votre respiration. Dans la pratique du qi gong, la respiration (呼吸 hūxī) est considérée comme étant une stratégie vous mettant d’utiliser votre yì pour guider votre qì avec efficacité et souplesse. Lorsque la respiration est rapide et focalisée, la puissance peut être affûtée et véloce. Lorsque la respiration est calme et souple, le jìn manifesté peut être souple et contrôlé.

Lorsque le qì est abondant et qu’il est efficacement guidé par le yì, alors le jìn manifesté peut être véritablement puissant. Dans un combat, et pour conserver votre force physique, en plus des méthodes correctes de respiration, vous devez aussi savoir comment détendre votre corps. En effet, à chaque fois que vous tendez votre corps, vous consommez de plus grandes quantités d’oxygène, mais aussi de qì. Si vous savez réguler votre respiration et détendre votre corps, alors vous pourrez vous inscrire dans la durée.

Moduler la respiration de manière appropriée, le qì sera souple et interchangeable, et le jìn pourra être rond et vivant. Si la respiration est retenue ou scellée, le qì sera stagnant et accumulé, et le jìn sera lent et raide.

Au début de l’entraînement, le yì est sur la respiration, et le qì suit ensuite. Plus tard, le yì n’est plus sur la respiration mais sur l’adversaire. Le yì se forme, le qì croît, le jìn est émis naturellement.

Au début de la pratique de la régulation de la respiration, le mental est focalisé sur la respiration et le qì suit naturellement. Toutefois, et lorsque vous aurez atteint le stade de la régulation sans régulation, vous devriez alors maintenir votre pensée sur l’adversaire. Lorsque ce sens de l’ennemi est établi, alors votre yì aura une cible et votre qì sera efficacement dirigé. Par ailleurs, lorsque votre mental est focalisé sur l’adversaire, votre esprit lui, peut atteindre de plus hauts niveaux d’élévation. Ainsi, lorsque l’esprit est élevé, la manifestation de votre yì dans l’action physique sera encore plus efficace.

蓄勁

Tous les styles parlent de la manière de manifester au maximum le jìn externe (外勁 jìn wài). Pour atteindre cet objectif, tous les styles incluent l’étude des manières de stocker le jìn externe au niveau des structures corporelles. Le taiji quan ne fait pas exception à cette règle.

Corps unique avec cinq arcs prêts à émettre, propager, couvrir, se coupler et avaler, devrait être médité et étudié avec attention.

Wu Yuxiang (武禹襄 wǔ yǔxiāng 1812-1880)

Le taiji quan reconnaît les cinq arcs du corps, et leurs capacités à stocker et émettre le jìn. En plus des quatre arcs qui se bandent et qui tirent, il en est un plus important encore, l’arc majeur formé par le thorax. C’est ce que les Chinois appellent les compétences du corps (身法 shēn fǎ). Tout style qui n’étudie pas la manière d’utiliser le thorax et les membres pour stocker et émettre le jìn, est considéré comme un style superficiel.

Accumulez le jìn comme bander un arc, émettez le jìn comme tirer une flèche .
La puissance est émise par la colonne vertébrale ; les pas suivent le corps.

Wang Zongyue (王宗岳 Wáng Zōngyuè XVIIIe siècle)

Certains styles, tel que la grue blanche, sont plus spécifiques encore et enseignent que le tronc comporte en réalité deux arcs : la colonne vertébrale et le thorax. Si vous savez coordonner l’ensemble de ces six arcs et y stocker au maximum le jìn externe, alors la puissance manifestée est merveilleusement forte et rapide.

其根在腳, 發於腿,主宰於腰,形於手指。由腳而腿而腰,總須完 整一氣。向前退後,乃能得機得勢。

一舉動, 週身俱要輕靈,尤須貫穿。

太极拳经

Ses racines se trouvent dans les pieds, elle naît dans les jambes, elle domine la taille et elle prend forme dans les doigts. Des pieds aux jambes en passant par la taille, il doit toujours y avoir un souffle complet. Si vous avancez et reculez, vous pouvez gagner des opportunités et gagner en force.

Lors d’un mouvement, tout le corps doit être léger et agile, particulièrement pénétrant.

Le taiji quan met l’accent sur les jìn écouter (聽 tīng), comprendre (懂 dǒng), attacher (沾 zhān), coller (黏 nián), connecter (連 lián) et suivre (隨 suí). Pour exécuter efficacement ensemble de ces jìn, les mouvements (舉動 jǔ dòng) de vos articulations doivent être rapides et agiles (靈 líng), et le contact avec votre adversaire doit être léger (輕 qīng). Toutes les articulations depuis les chevilles, les genoux, les hanches, la taille, les vertèbres, les épaules, les coudes, les poignets et les doigts, doivent être liées et agir comme un fouet souple. Lorsque cela se produit, le corps entier (周身俱 zhōu shēn jù) se comporte comme une entité unie et aussi souple qu’un fouet. Cela revient à dire que le taiji quan est spécialisé dans la manifestation des jìn souples.

Lorsque vous vous servez du jìn, comme de l’acier raffiné cent fois, aucune opposition ne peut résister à la destruction. Extrêmement doux, ensuite extrêmement dur. Si vous êtes capable de respirer, alors vous pouvez être agile et vivant.

Wu Yuxiang (武禹襄 Wǔ Yǔxiāng 1812-1880)

Le terme de 勁 jìn est parfois remplacé par le terme de 勁力 jìn lì. La raison en tient au fait que le jìn est la manifestation de la puissance musculaire (力 lì) supportée par le yì et le qì internes. Souvent, ce terme est encore simplifié en lì. Bien que le taiji quan mette l’accent sur les jìn souples, un pratiquant chevronné doit aussi pouvoir être dur. Alors, vous pouvez alors échanger habilement le substantiel et l’insubstantiel, ce qui provoquera la confusion de votre adversaire. Pour atteindre les niveaux de compétence les plus élevés, vous devez commencer par la douceur. Il est plus facile d’être doux que d’être dur.

力由脊發。
含胸拔肯。

Wu Yuxiang
  • Le pouvoir vient de la colonne vertébrale.
  • Contenir la poitrine et étier le dos.

Pour manifester votre jìn avec efficacité, vous devez savoir comment coordonner vos six arcs. Pour cela, vous devez générer le mouvement depuis les arcs de vos jambes, le contrôler grâce à votre taille, le stocker dans les arcs de la colonne vertébrale et celui du torse et enfin le manifester contre la cible par l’intermédiaire des arcs de vos bras.

Dans le but d’obtenir un très haut niveau de contrôle du jìn, vous devez impérativement savoir comment utiliser au mieux votre yì pour diriger les fonctions de votre corps. La clef est ici de connaître parfaitement les sensations de votre corps. La sensation est le langage qui permet au corps et à l’esprit de communiquer. Plus vous serez à même de ressentir avec précision votre corps, plus le contrôle que vous aurez sur ses actions sera hautement affiné. Enfin, la sensation permet aussi d’établir une bonne écoute et une bonne compréhension entre vous et votre adversaire. De plus, et pour contrôler de manière efficace votre jìn, votre yì doit être capable de contrôler votre taille avec grande précision. La région de la taille doit être souple et aisément mise en mouvement. Sinon, elle est alors comme le volant bloqué d’une voiture, qui empêche de contrôler le véhicule. Pour que votre taille soit souple et relâchée, vous devez tout d’abord détendre et assouplir les articulations de vos hanches (胯 kuà). En effet, les hanches sont les endroits où le corps se connecte à ses racines. Lorsque les articulations des hanches sont raides, les racines sont superficielles et les mouvements de la taille sont mous et lents.

哼哈二氣

D’une manière générale, quand votre esprit est fort, le qì qu’il met en mouvement est fort lui aussi. Le jìn alors manifesté est par conséquent puissant et efficace. Pourtant, même si vous avez un yì fort et une circulation abondante de qì, mais que vous ne disposez pas d’un moral combatif hautement motivé, la puissance que vous émettrez ne pourra être efficace. Cela signifie, autrement dit, que la qualité de la manifestation de votre jìn n’est alors pas élevée. En conséquence de quoi, vous pourrez toujours être vaincu. Pour gagner un combat, vous devez élever votre moral combatif (決定 jué dìng). En effet, lorsque cet esprit combatif est élevé, le yì peut alors guider le qì pour manifester la puissance de manière efficace et effective. Pour atteindre un tel objectif, vous devez apprendre à condenser votre esprit et à l’empêcher de se disperser.

神宜內斂。
虛領頂勁少。

太极拳经
  • L’esprit devrait être maintenu à l’interne.
  • Une énergie insubstantielle guide la tête vers le haut.

Le pratiquant doit élever son esprit de vitalité (精神 jīng shen).

Si l’esprit de vitalité peut être élevé, alors il n’y a ni délai ni lourdeur. Cela veut dire que la tête est suspendue

Wang Zongyue (王宗岳 Wáng Zōngyuè XVIIIe siècle)

Les deux sons 哼 hēng et 哈 hā sont les clefs pour faire que l’esprit s’élève ou qu’il s’abaisse. Le son hēng est classé comme yīn et il est le son de la tristesse. Le son hā est classé comme yáng et il est le son de la gaieté. Lorsqu’une personne est triste, qu’elle pleure, ou qu’elle est déprimée, souvent, le son hēng est émis, son inspiration est plus longue que son expiration. A ce moment-là, le souffle gardien (衛氣 wèi qì) se condense dans la moelle des os, et tout le corps a froid. Par contre, lorsqu’une personne est heureuse, elle émet le son hā du rire, et son expiration est alors plus longue que son inspiration. À ce moment-là, le wèi qì se propage et le corps entier a chaud et transpire. Par cela, nous savons que lorsque l’inspiration avec le son hēng est plus longue que l’expiration, le qì peut être condensé dans la moelle des os (髓氣 suǐ qì). C’est là le secret pour stocker le qì et le jìn. À l’inverse, lorsque l’expiration est plus longue que l’inspiration et que l’on émet le son hā, le qì peut être propagé vers la surface, et les muscles peuvent être dynamisés au plus haut point. C’est là le secret pour émettre qì et jìn. Cela est plus particulièrement efficace lorsque le son hā émis est court, que le jìn est condensé et que l’esprit est élevé; alors l’émission du jìn peut atteindre son paroxysme.

Saisir et tenir le champ de cinabre pour entraîner le gōng fu interne. 哼 hēng et 哈 hā sont deux souffles merveilleux et infinis. Ouvrir en bougeant, fermer calmement, plier et étendre en suivant. Lent répond à lent, rapide répond à rapide, les principes doivent être pleinement compris.

Classiques du taiji quan

Cela implique que lorsque les sons hēng et hā sont utilisés de manière compétente, l’esprit peut être élevé vers de plus hauts niveaux. Lorsque cela se produit, toutes les stratégies de combat et les aptitudes peuvent être conduites avec succès. La clef pour stocker le qì et le jìn consiste à inspirer en émettant le son de hēng, car alors, l’abdomen se rétracte et le point Réunion des yin est remonté. Lorsque vous expirez pour émettre jìn ou qì, l’abdomen est poussé vers l’extérieur alors que le périnée est lui, poussé vers le bas. Cela revient à dire que vous adoptez alors la respiration abdominale inversée (反呼吸 fǎn hūxī ou 逆呼吸 nì hūxī).