C’est à savoir se confronter sans s’aliéner ni se révolter que l’étanchéité est utile. L’étanchéité est la vertu indispensable à la tolérance de la différence. Il y a deux façons d’être étanches : comme une digue ou comme un bateau. Les humains qui fonctionnent en digue veulent protéger leur intérieur des marées montantes, des tsunamis, protéger un avoir, des certitudes, planter les fondations de leur digue sur la terre ferme, croire en la permanence. Les humains qui fonctionnent en bateau acceptent le dérisoire et l’impermanence. Le reste de l’univers, les humains compris, est pour eux un vaste océan sur lequel ils naviguent, dérisoires. Mais chaque goutte d’eau qu’ils rencontrent est aussi en elle-même, même si elle l’ignore, un frêle esquif confronté aux autres gouttes. A être à ce point étanche, quelle que soit la hauteur de la marée, là où la digue s’affole, panique et se désespère d’être submergée, le bateau flotte. Encore faut-il qu’il ne soit pas amarré au quai. Mais c’est une autre histoire …
Claude Maillet in Du chantier naval au grand large