La Guerre des Boxers

La révolte des Boxers organisée par les Poings de la justice et de la concorde, société secrÚte dont le symbole est un poing fermé se déroule en Chine, entre 1899 et 1901.

La bataille de l'armée Qing econtre les forces alliées des huit puissances, détail, Musée d'histoire sociale

Les missionnaires blancs prĂ©sents en Chine Ă  la fin du XIXe siĂšcle avaient, les premiers, donnĂ© le nom de Boxers aux Chinois groupĂ©s dans la sociĂ©tĂ© secrĂšte des Poings de la Justice et de la Concorde. Ils les voyaient pratiquer une forme de gymnastique guerriĂšre dans laquelle on crut reconnaĂźtre des techniques de boxe, en fait des techniques de kung-fu. Ces Boxers furent responsables d’un terrible bain de sang au tournant du nouveau siĂšcle, et la guerre qui porta leur nom Ă©branla mĂȘme le temps de quelques mois la prĂ©sence occidentale dans le vieil Empire du Milieu. Roland Habersetzer, professeur d’histoire et spĂ©cialiste des arts martiaux de l’ExtrĂȘme-Orient, auteur de nombreux ouvrages qui font autoritĂ© dans divers domaines (il dirige le Centre de Recherche Budo et l’Institut Tengu), raconte ce que fut cette violente chasse aux Ă©trangers et comment elle fut jugulĂ©e in extremis 
 — DRAGON n° 10


Les traitĂ©s de paix signĂ©s Ă  PĂ©kin en 1860 imposĂšrent Ă  la Chine, vaincue, son ouverture aux occidentaux : diplomates, commerçants, religieux, missions militaires, allaient pouvoir y circuler librement. Mais cette rencontre brutale entre deux cultures allait vite dĂ©velopper un courant de xĂ©nophobie aussi bien dans les milieux populaires qu’auprĂšs des autoritĂ©s mandchoues ou la vieille sociĂ©tĂ© traditionnelle chinoise, convaincue de sa supĂ©rioritĂ© sur les « barbares ». Il y avait dĂ©jĂ  eu le soulĂšvement populaire des Taipings entre 1850 et 1864, auquel le trĂŽne n’avait pu mettre fin qu’en appelant Ă  l’aide un corps expĂ©ditionnaire franco-anglais commandĂ© par le GĂ©nĂ©ral Gordon. Une aventure qui se solda tout de mĂȘme par
 30 millions de morts, au moins ! A l’aube du XXe siĂšcle, ce fut le tour des partisans de la sociĂ©tĂ© secrĂšte des Poings de la Justice et de la Concorde (çŸ©ć’Œæ‹ł YĂŹhĂ©quĂĄn), Ă©galement traduit par Poings d’harmonie et de justice ou Lutteurs pour la justice et la concorde ou la Milice de la justice et de la concorde (çŸ©ć’Œćœ˜ YĂŹhĂ©tuĂĄn) avec 矩  yĂŹ pour justice, droiture ;  ć’Œ hĂ© pour harmonie, paix ; æ‹ł quĂĄn pour poing, boxe ou 㜘 tuĂĄn pour groupe, rĂ©unir ; qui passĂšrent dans l’Histoire sous le nom de « Boxers » (Boxeurs, en français). Violemment anti occidentaux, ils Ă©taient officieusement soutenus par l’impĂ©ratrice xĂ©nophobe Tseu Hi (慈犧 CĂ­xǐ 1835-1908), qui manƓuvrait dĂ©jĂ  en coulisses pour rejeter les Ă©trangers Ă  la mer et, jouant sur les deux tableaux, comptait bien utiliser dans ce but un mouvement qu’elle encourageait en coulisses. En rĂ©alitĂ©, cette rĂ©volte, une de plus Ă  mettre Ă  l’actif des sociĂ©tĂ©s secrĂštes qui sĂ©vissaient dans le pays, Ă©tait dirigĂ©e Ă  la fois contre les Ă©trangers et contre les Mandchous (la dynastie des Tsing ), rĂ©gime considĂ©rĂ© comme usurpateur depuis sa prise de pouvoir en 1644. D’oĂč le slogan des combattants Boxers : Renversez les Tsing, rĂ©tablissez les Ming ! (ćæž…ć€æ˜Ž fǎn qÄ«ng fĂč mĂ­ng), qui envahirent PĂ©kin et Tien-Tsin, pour y faire le siĂšge des LĂ©gations Ă©trangĂšres, ces quartiers oĂč s’Ă©taient rĂ©fugiĂ©es et barricadĂ©es en toute hĂąte les communautĂ©s occidentales. Le mot d’ordre, devenu cri de guerre pendant ces semaines de terreur, fut Mort aux Ă©trangers ! Tout l’empire chinois, soit quelques 350 millions d’hommes, semblait soudain prendre feu une nouvelle fois derriĂšre ces groupes fanatiques. Dans ce contexte, les 55 jours de PĂ©kin, pendant l’Ă©tĂ© 1900, ne furent que l’Ă©pisode le plus connu d’un conflit qui a sĂ©vit dans toute la Chine de l’est entre 1998 et 1901, Ă©pisode qui fut immortalisĂ© en 1962 par une fresque hollywoodienne oĂč l’on trouvait Ava Gardner, Charlton Heston, David Niven 
 Action 
 !


Mort aux diables étrangers !

Cela faisait 20 ans que s’agitaient les Boxers, notamment sur la façade est de la Chine (rĂ©gion du Shandong), et en particulier dans les provinces du nord. Mais Ă  l’aube de l’annĂ©e 1900, ce fut soudain bien plus qu’un frĂ©missement, appuyĂ© sur des actes isolĂ©s Ă  l’encontre des Ă©trangers, notamment des missionnaires, dispersĂ©s Ă  travers une Chine qui, officiellement, jouait la relation cordiale avec les puissances Ă©trangĂšres qui avaient manifestĂ© le dĂ©sir de s’ouvrir le fabuleux marchĂ© de l’Empire du Milieu. De fait, les privilĂšges arrachĂ©s par les Occidentaux Ă©taient devenus insupportable Ă  la fiertĂ© chinoise : avec le statut d’exterritorialitĂ© (depuis les TraitĂ©s de Nankin, 1842, puis de PĂ©kin, 1860, la Chine avait dĂ» accepter d’accorder aux EuropĂ©ens le droit d’avoir Ă  PĂ©kin, ainsi que dans 5, puis 16, ports, des ambassades et des consulats au sein de LĂ©gations, vĂ©ritables quartiers rĂ©servĂ©s aux EuropĂ©ens, hors de la juridiction chinoise), et les privilĂšges Ă©conomiques exorbitants et sans cesse augmentĂ©s (notamment cette pratique des concessions territoriales les autorisant, depuis 1875 et plus encore aprĂšs 1894, Ă  construire et Ă  exploiter des lignes de chemin de fer, Ă  les protĂ©ger militairement et Ă  exploiter en exclusivitĂ© les richesses naturelles sur une largeur de territoire de 15 km de part et d’autre de ces voies), ressentis comme un rĂ©el dĂ©peçage de la Chine, le seuil du supportable Ă©tait largement dĂ©passĂ© pour tout patriote chinois. Or c’Ă©tait l’impasse politique. AprĂšs une succession d’empereurs faibles, la prise de pouvoir de l’impĂ©ratrice rĂ©gente Tseu-Hi en 1861, qui rĂ©cupĂ©ra son pouvoir d’extrĂȘme justesse grĂące aux mercenaires europĂ©ens dirigĂ©s par l’Anglais Gordon auquel elle confia le soin d’Ă©craser la rĂ©volte des Tarpings, fut le signe d’un durcissement. AprĂšs l’Ă©chec du mouvement rĂ©formateur dit des Cent jours de PĂ©kin menĂ© par le jeune empereur hĂ©ritier Kouang-Sou, mais brutalement stoppĂ© par Tseu-Hi qui n’envisagea pas un seul instant de laisser son pouvoir, il n’y avait plus dans le vaste empire de perspective d’Ă©volution hors nouvelle secousse sociale. Ce fut donc au tour des Boxers, une secte fanatique et xĂ©nophobe, habitĂ©e par la magie taoĂŻste, manipulĂ©e par les Mandarins pour maintenir une inertie sociale qui les arrangeait bien, avant de l’ĂȘtre par Tseu-Hi elle-mĂȘme. Ils se signalaient par un foulard rouge nouĂ© autour de la tĂȘte et, brandissant en signe de ralliement leur poing menaçant, se disaient invulnĂ©rables mĂȘme aux balles des fusils : dans un Ă©tat d’exaltation frĂ©nĂ©tique, bardĂ©s d’amulettes, ils demandaient qu’on les prennent pour cibles afin de montrer comment ils survivaient aux salves (ils montraient dans leurs mains, et devant une foule en dĂ©lire, les projectiles apparemment arrĂȘtĂ©s par les plis de leur vĂȘtement, lorsque les fusils chinois avaient fini de tirer
 Ă  blanc, jusqu’au jour oĂč, bien sĂ»r, les balles furent occidentales …) Leur cri de ralliement avait le mĂ©rite de poser un programme que tout Chinois fatiguĂ© par la prĂ©sence des Blancs pouvait comprendre : Mort aux Ă©trangers ! Inexorablement, la tension montait un peu partout, et des bandes armĂ©es s’en prenaient fĂ©rocement aux Ă©trangers isolĂ©s, personnels des missions isolĂ©es Ă  l’intĂ©rieur du pays, ouvriers de chantiers ferrĂ©s dans les parties cĂŽtiĂšres. TrĂšs vite, devant l’inaction des autoritĂ©s chinoises, pourtant sommĂ©es de faire cesser ces exactions, neuf Ă©tats europĂ©ens, associĂ©s aux Etats Unis et au Japon (qui, avait militairement Ă©crasĂ© la Chine en 1895, et y avaient exigĂ©, et obtenu, les mĂȘmes privilĂšges que les puissances blanches) se trouvĂšrent dans l’obligation d’intervenir pour sauver, non seulement leurs privilĂšges Ă©conomiques, mais aussi la vie de quelques 12000 de leurs ressortissants et aussi, sans doute plus accessoirement il est vrai, quelques 600 000 chrĂ©tiens autochtones qui leur faisaient confiance.

Comme une peau de chagrin

Le 8 avril 1900 la France somme le gouvernement chinois de prendre toutes les mesures pour assurer la sĂ©curitĂ© des EuropĂ©ens en Chine. C’est que, loin de la protection des grandes villes, le massacre des missions avait commencĂ© dans tout le golfe du Petchili. Sur l’axe de la voie ferrĂ©e franco-belge PĂ©kin-HankĂ©ou, 80 chrĂ©tiens sont affreusement massacrĂ©s Ă  Kao-Lou. DĂ©jĂ  les Boxers confluent vers les villes de PĂ©kin et de Tien-Tsin, dĂ©truisant tout ce qui ressemblait Ă  un Ă©tablissement europĂ©en, missions, installations, chantiers. De partout, lorsqu’ils le peuvent encore, ingĂ©nieurs, cheminots, ouvriers, religieux se replient vers la capitale, entraĂźnant les chrĂ©tiens chinois qui savaient n’avoir rien de bon Ă  attendre de la situation 
 A Fong-TaĂŻ, encore Ă  une vingtaine de kilomĂštres de PĂ©kin, des rescapĂ©s de la folie boxer sont rĂ©cupĂ©rĂ©s in extremis le 29 mai par un groupe de 15 volontaires civils partis des LĂ©gations de PĂ©kin Ă  leur rencontre. Le mĂȘme jour, d’autres petits groupes de volontaires rejoignent encore la ville depuis Tien-Tsin par le train (120 km), et repartent le lendemain pour porter secours Ă  d’autres rĂ©fugiĂ©s isolĂ©s Ă  Chan-Sin-Tien. Il est plus que temps. La vague boxer gonfle 
 DĂ©jĂ  des ponts sont dĂ©truits, des rails arrachĂ©s (puisque les tire-fonds qui les fixent blessent les dragons qui circulent sous la terre), des traverses dispersĂ©es 
 Les Boxers s’enhardissent, se rapprochent trĂ©s vite, s’acharnent, dĂ©truisent et tuent. MalgrĂ© une situation dramatique, de nouveaux groupes de volontaires blancs se constituent Ă  Tien-Tsin pour se porter Ă  la rencontre d’autres rĂ©fugiĂ©s annoncĂ©s et venant de l’ouest. L’un d’eux, protĂ©gĂ© par un groupe de 20 cosaques russes, est durement accrochĂ© par les Boxers le 3 juin. AprĂšs un rude combat, une derniĂšre charge de cavalerie disperse les assaillants. Le ton est dĂ©finitivement donnĂ©.

Plus au nord, en Mandchourie, les EuropĂ©ens prĂ©sents sur les nombreux chantiers de voies ferrĂ©es entre Teline et Moukden se font aussi sur prendre. Les Ă©glises sont en flammes, les magasins sont pillĂ©s, les missions françaises, danoises, anglaises, sont dĂ©truites, tous ceux qui ne peuvent fuir sont Ă©gorgĂ©s. Les Russes se replient vers le nord avec un convoi de chrĂ©tiens chinois. A Kharbine, 3000 rĂ©fugiĂ©s armĂ©s par le gĂ©nĂ©ral russe Guerngross et ses cosaques sont encerclĂ©s par des milliers de Chinois dĂ©chaĂźnĂ©s qui attaquent sur le fleuve Amour, plus au nord, les bateaux amenant ravitaillement, armes et munitions depuis Khabarovsk
 Tout au sud, Français et Russes doivent aban-donner le Yunnan et se rĂ©fugier au Tonkin, en Indochine française
 En quelques semaines, la prĂ©sence europĂ©enne en dehors d’une, encore, relative protection des villes, fond comme une peau de chagrin
 Partout la chasse est dĂ©sormais ouverte contre les « diables Ă©trangers » (Yang-Kouei-Tseu). Fin mai de cette annĂ©e 1900, DelcassĂ©, Ministre français des Affaires EtrangĂšres, est persuadĂ© qu’une intervention militaire musclĂ©e s’impose. Mais la division rĂšgne encore dans le camp des EuropĂ©ens : on hĂ©site Ă  Londres et Ă  Berlin, tandis qu’Ă  Washington et Ă  Rome on se dĂ©clare prĂȘt Ă  suivre. Puis tout s’accĂ©lĂšre, car plus personne ne peut se faire d’illusion. Ordre parvient donc aux commandants des forces navales europĂ©ennes stationnĂ©es en ExtrĂȘme-Orient de prĂ©lever des contingents de marins pour venir au secours des LĂ©gations de PĂ©kin. A l’embouchure du fleuve PeĂŻ-Ho, dans le golfe du Petchili, une armada de navires de guerres appartenant aux grandes puissances, et qui va s’Ă©toffer de plus en plus au fil des Ă©vĂšnements, est ancrĂ©e hors de portĂ©e des piĂšces d’artillerie lourde qui arment les forts chinois du port de Takou, dĂ©barcadĂšre obligatoire. Le 31 mai au soir, 75 matelots français, 75 Russes, 75 Anglais, 60 AmĂ©ricains, 40 Italiens et 30 Japonais dĂ©barquent en rade de Takou et prennent un train spĂ©cial Ă  Tien-Tsin. 50 Allemands et 30 Autrichiens suivent encore le lendemain. Faibles effectifs certes, mais accueillis en libĂ©rateurs par les concessions europĂ©ennes qui se les rĂ©partissent pour renforcer leur protection. Le temps presse : quelques dizaines d’hommes encore arrivent Ă  passer, ainsi que 400 Chinois armĂ©s de lances recrutĂ©s parmi les chrĂ©tiens autochtones. Le piĂšge va se refermer sur eux, mais ils ne peuvent encore y croire : le 5 juin, une nouvelle colonne de secours d’un millier de marins est annoncĂ©e en provenance de Takou, tandis qu’une nouvelle quarantaine de fusiliers marins français arrive encore pour renforcer la garde des LĂ©gations. C’est fini dĂ©sormais : dĂšs le 8, la voie ferrĂ©e est coupĂ©e et la ligne tĂ©lĂ©graphique entre PĂ©kin et Tien-Tsin est dĂ©truite deux jours plus tard. De trĂšs grave, la situation devenait franchement dĂ©sespĂ©rĂ©e 


La folle équipée de la colonne Seymour (5-26 juin 1900)

Le vice-amiral Seymour, commandant en chef de l’escadre anglaise des mers du sud, organise Ă  Tien-Tsin une colonne de secours interalliĂ©e dont le but Ă©tait de foncer sur PĂ©kin pour dĂ©bloquer la tenaille boxer qui Ă©tait en train de verrouiller la place. Homme de dĂ©cision, il prĂ©voit de rĂ©parer la voie ferrĂ©e au fur et Ă  mesure de sa progression. Il regroupe donc 900 Anglais, 500 Allemands, 300 Russes, 160 Français, 100 AmĂ©ricains, 54 Japonais, 40 Italiens et 30 Autrichiens, soit plus de 2000 marins dotĂ©s de 200 Ă  300 cartouches chacun, ainsi que 7 canons (hĂ©las sans attelages pour les rendre autonomes) et trois jours de vivres. Le sentiment d’urgence occultait les rĂ©alitĂ©s tactiques 
 La troupe, motivĂ©e comme on peut imaginer, se met en route le 10 juin au petit jour, rĂ©partie en trois trains. On fait 40 km le premier jour, mais seulement 14 dĂšs le second, la ligne se rĂ©vĂ©lant de plus en plus abĂźmĂ©e. Il faut rĂ©parer sommairement sous un soleil mordant et le regard immobile des troupes impĂ©riales chinoises venues en spectatrices, apparemment neutres 
 On fait encore 12 km le 13 juin, plus que 8 le 14 juin 
 Mais on est parvenu Ă  Lang-Fong, Ă  60 km de PĂ©kin ! Puis c’est l’enlisement. La ligne devient irrĂ©parable, les Boxers sont omniprĂ©sents alors que les troupes impĂ©riales, qui pouvaient jusque lĂ  donner un semblant de protection, ont soudain disparu. Les villages alentours sont vides. Une situation de cauchemar 
 Soudain, avec des hurlements frĂ©nĂ©tiques, les Boxers dĂ©chaĂźnĂ©s foncent par centaines sur les ouvriers dĂ©sarmĂ©s qui, en tĂȘte de le colonne ferroviaire stoppĂ©e, tentent encore de poser de nouvelles traverses. Impossible de fuir 
 C’est Ă©galement le massacre du dĂ©tachement italien qui assurait la garde du chantier. Panique et reflux des survivants vers les trains 
 contre-attaque dĂ©sespĂ©rĂ©e repoussant les diables rouges, qui laissent une centaine de cadavres sur le ballast … Mais ils reviennent aussitĂŽt, s’en prennent cette fois aux deux extrĂ©mitĂ©s de la colonne isolĂ©e dans les mĂąchoires de l’Ă©tau. C’est que la masse des Boxers exhibe maintenant un armement moderne, ainsi des carabines Winchester amĂ©ricaines Ă  rĂ©pĂ©titions, et mĂȘme quelques canons 
 Aux deux bouts, les pertes europĂ©ennes sont sĂ©vĂšres. Il faut se replier avant que la voie ferrĂ©e qui relie Ă  Tien-Tsin ne soit aussi coupĂ©e. Trop tard ! TrĂšs vite, une fourmiliĂšres humaine a emportĂ© en tempĂȘte rails et traverses 
 Ordre est donnĂ© d’Ă©vacuer les trains pour se replier le long du fleuve PeĂŻ-Ho en transportant les blessĂ©s sur des jonques. On enterre les morts sur place, en les camouflant pour Ă©viter toute profanation. Français et Italiens assurent l’avant-garde, les Allemands l’arriĂšre-garde. Au centre, les Russes, avec les autres dĂ©tachements. On a encore le moral, pourtant 
 la nourriture est infecte, l’eau du PeĂŻ-Ho est immonde, charriant mollement des cadavres au point d’empĂȘcher le passage des jonques. La chaleur est accablante et les hommes souffrent de la soif. Au fur et Ă  mesure que s’accĂ©lĂšre cette retraite en bon ordre, l’armĂ©e rĂ©guliĂšre chinoise, qui ne cache plus dĂ©sormais son accointance avec les Boxers, attaque ouvertement avec artillerie et cavalerie. Les EuropĂ©ens doivent prendre Ă  la baĂŻonnette chaque village sur le parcours. On continue de se replier de jour comme de nuit. Les blessĂ©s de toutes nationalitĂ©s s’entassent sur la jonque française. Les Chinois tentent un barrage avec des navires coulĂ©s : on passe quand mĂȘme 
 Puis vient le miracle : lorsque les rescapĂ©s arrivent enfin devant l’arsenal chinois impĂ©rial de Si-Kou, Ă  3 km seulement de Tien-Tsin, celui-ci est Ă©vacuĂ© contre toute attente aprĂšs une terrible accrochage, sur une offensive europĂ©enne si forte que les Chinois ont cru Ă  l’arrivĂ©e de renforts lourds 
 Les 1700 hommes et 250 blessĂ©s qui se regroupent loin derriĂšre les remparts de l’arsenal dĂ©sertĂ© se savent dĂ©sormais en sĂ©curitĂ©. Il y a lĂ  vivres, armes et munitions en quantitĂ© suffisante. Les Japonais s’Ă©quipent en Winchester toutes neuves, les Allemands rĂ©cupĂšrent une dizaine de leurs propres canons Krupp encore dans leurs caisses (en rĂ©alitĂ©, le fabricant Krupp avait revendu ses piĂšces dĂ©modĂ©es aux Chinois, qui Ă©taient mĂȘme venus s’entraĂźner avec les artilleurs allemands en Allemagne au cours des derniĂšres annĂ©es du XIXe siĂšcle). Le 26 juin une colonne de secours de 2000 hommes les rejoint depuis Tien-Tsin, oĂč tout le monde se replie sous la vigilance des Français (remarquĂ©s pour leur ardeur au feu, leur dĂ©brouillardise et, paraĂźt-il 
 leur bonne humeur aux pires moments !) qui ferment la marche avec un petit canon tirĂ© par un Ăąne 
 Non sans que l’Ă©quipe anglaise n’ait pris le temps de dynamiter l’arsenal et le camp de Si-Kou. Mais tout n’Ă©tait pas dit, loin s’en fallait. Somme toute, la tentative Seymour se soldait par un Ă©chec, certes avec hĂ©roĂŻsme, mais un Ă©chec tout de mĂȘme: les LĂ©gations de PĂ©kin restaient dĂ©finitivement enclavĂ©es et les quartiers europĂ©ens de Tien-Tsin, oĂč avaient pu se rassembler 5 000 hommes, Ă©taient aussi en Ă©tat de siĂšge. Tout le monde avait Ă  ce point de l’histoire engagĂ© une course contre la montre: les Boxers, maintenant ouvertement appuyĂ©s par les troupes rĂ©guliĂšres chinoises, pour rĂ©duire dĂ©finitivement les poches europĂ©ennes de PĂ©kin et de Tien-Tsin ; les nations europĂ©ennes pour les dĂ©senclaver au prix d’une invasion dĂ©sormais planifiĂ©e massive, avec des renforts dĂ©barquant sans arrĂȘt dans le golfe du Petchili, rameutĂ©s d’Indochine, d’Inde, des Philippines, du Japon, de SibĂ©rie 
 60 000 hommes y Ă©taient disponibles. Mais il fallait faire vite !

Le guĂȘpier de Tien-Tsin (10-24 Juin 1900)

Le 11 juin, au lendemain du dĂ©part de la colonne Seymour pour PĂ©kin, un rĂ©giment russe qui avait pu dĂ©barquer dans le port de Takou vient prendre position Ă  Tien-Tsin, en protection des concessions. En mĂȘme temps qu’eux, des Français, des Anglais, des Allemands, des AmĂ©ricains, des Japonais 
 Le commandement de ces forces de secours internationales Ă©tait confiĂ© au MarĂ©chal allemand Von Waldersee (ce qui n’enchantait d’ailleurs pas la France, inquiĂšte de la « Weltpolitik » du jeune empereur Guilaume II, mais l’heure Ă©tait encore Ă  l’union 
). Il Ă©tait temps. Les Boxers s’infiltrent de tous cĂŽtĂ©s dans la ville, massacrant les Chinois catholiques dans la ville chinoise. Leurs premiers obus tombent sur les concessions. Le 16 juin les forts chinois de Takou sont pris d’assaut par les troupes de marine dĂ©barquant en force des navires de guerre europĂ©ens aprĂšs un dĂ©luge de feu parfaitement concentrĂ© sur les positions chinoises, oĂč les Allemands dĂ©couvrent 6 canons Krupp Ă  tir rapide, encore fumants 
 Mais les pertes sont lourdes. Surtout, rien n’est rĂ©glĂ©. 17 juin : impossible d’entrer dans la ville de Tien-Tsin. Les troupes alliĂ©es restent clouĂ©es sur place par le feu nourri des Boxers embusquĂ©s dans les maisons derriĂšre leurs caisses de munitions. 20 juin : nouvelle tentative, nouvel Ă©chec. 300 hommes sont tuĂ©s. La situation est plus que sombre. C’est le 19 juin, Ă  PĂ©kin, que l’ambassadeur d’Allemagne, le Baron Von Kettler, venu nĂ©gocier trĂšs officiellement au Palais ImpĂ©rial, est abattu par un rĂ©gulier chinois sur le trajet de retour. Ce qui fut le signal : le prince Tuan, proche de Tseu-Hi, a ouvertement pris la tĂȘte du mouvement boxer et a fait cerner les LĂ©gations, oĂč les europĂ©ens se retranchent, sans illusions, d’autant qu’arrive la nouvelle du retrait de la colonne Seymour censĂ©e dĂ©bloquer la situation.

A Tien-Tsin, dans l’aprĂšs-midi du 22 juin, les Ă©chos d’une nouvelle canonnade nourrie provenant du sud annoncent que de nouveaux renforts (dont 2000 Russes) ont pu dĂ©barquer Ă  Takou. Ceux ci couvrent aussitĂŽt, Ă  pied sous une chaleur torride, les 45 km qui les sĂ©parent de Tien-Hsin, pour s’infiltrer enfin dans la ville. Le 24, on l’a vu, une expĂ©dition en repart pour aller porter secours Ă  la colonne Seymour qui revenait Ă  sa base. Jusqu’au 8 juillet de nouveaux renforts alliĂ©s prennent position sur les dĂ©fenses de la ville. Leur supĂ©rioritĂ© de feu devient enfin suffisante pour qu’il soit possible de lancer une attaque frontale contre la ville murĂ©e occupĂ©e par les Chinois. Le 14 juillet la ville chinoise est prise aprĂšs de violents combats autour de la gare. Le verrou de Tien-Tsin a enfin sautĂ©, ce qui ouvrait la route de PĂ©kin. Mais les alliĂ©s ont perdu plus de 800 des leurs dans l’affaire. Il est nĂ©cessaire d’attendre le dĂ©barquement de nouveaux renforts et de rĂ©organiser les unitĂ©s. On se donne pour cela deux Ă  trois semaines, Ă  attendre dans une ville pratiquement dĂ©truite, oĂč l’on dĂ©couvre partout ce que l’on appellera plus tard une guerre totale, baignĂ©e par une fleuve encombrĂ© de cadavres et de restes d’animaux dont la dĂ©composition dĂ©gage une odeur pestilentielle. Pas question de s’attarder Ă  cette premiĂšre victoire. PĂ©kin restait la prioritĂ©, d’oĂč parvenaient des nouvelles alarmantes: depuis le 26 juin seuls les bĂątiments des ambassades françaises, allemandes et anglaises restaient debout, oĂč rĂ©sistaient encore tant bien que mal des EuropĂ©ens et des Chinois amis livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, cernĂ©s par les hordes de Boxers qui sentent venir l’hallali.

Les 55 jours de Pékin (20 juin-15 août 1900)

La marche vers PĂ©kin commence le 4 aoĂ»t. Il faut faire vite pour exploiter la victoire de Tien-Tsin, sans laisser aux Boxers le temps de souffler. Sur les 30000 hommes maintenant rassemblĂ©s dans la ville, 20000 vont faire mouvement, remontant vers le nord sur les deux rives du PeĂŻ-Ho: AmĂ©ricains, Anglais et Japonais, par la rive ouest, Français (avec des troupes coloniales Annamites et Tonkinois), Russes, Allemands, Autrichiens, Italiens, par la rive est. Un assaut combinĂ© des deux colonnes leur permet de faire leur jonction Ă  PeĂŻ-Tsang, oĂč les Japonais des gĂ©nĂ©raux Tsukamoto et ManabĂ© pĂ©nĂštrent les premiers. On souffle un peu. Le ravitaillement suit bien par le fleuve. Mais une puissante artillerie chinoise les attend Ă  un kilomĂštre plus au nord. On attaque dans une grande confusion, chaque groupe tentant d’arracher la victoire qui passera pour dĂ©cisive. Et ce sont les AmĂ©ricains qui, cette fois, paient le plus lourd tribut. Tout est cependant terminĂ© au soir du 6: les alliĂ©s ont pu remonter jusqu’Ă  Yang-Tsoun. MalgrĂ© un manque de coordination dans le commandement alliĂ©, qui favorise le recul en bon ordre des troupes chinoises sur PĂ©kin, on dĂ©cide de reprendre la marche le 8 aoĂ»t au matin. Tong Tcheou est prise sans combat le 12, point clĂ© pour la route de PĂ©kin, jonction du fleuve et du Canal ImpĂ©rial, ville de sinistre mĂ©moire puisque c’est lĂ  que furent sauvagement torturĂ©s puis Ă  mort les plĂ©nipotentiaires français et anglais en 1860 (ce qui avait provoquĂ© une riposte fulgurante de l’Occident, et, entre autres, le sac du Palais d’EtĂ©). On dispose alors de 14000 hommes valides et on dĂ©cide de ne plus attendre d’autres renforts, qui continuent cependant de remonter depuis Takou. Les Français prennent par le pont de Palikao, les AmĂ©ricains et les Anglais passent plus au sud, les Japonais plus au nord, les Russes au centre. On se bousculerait presque, pour en finir, ĂȘtre les premiers Ă  entrer dans PĂ©kin 


Depuis prĂšs de 8 semaines, on n’en pouvait plus d’attendre dans les LĂ©gations de PĂ©kin, sur les derniers murs desquels venaient se briser plusieurs fois par jour les vagues d’attaque des Boxers pressĂ©s d’en finir avant l’arrivĂ©e des secours europĂ©ens. Stress absolu 
 le jour comme la nuit. Ce siĂšge des LĂ©gations de PĂ©kin est une histoire dans l’histoire. Le quartier des LĂ©gations est situĂ© au sud-est de la ville tartare (qui est au nord, tandis que le vieille ville chinoise est au sud), entre les portes Tsien-Men et Ha-Ta-Men, ouvertes dans une impo villa d’enceinte de 20 m d’Ă©paisseur et de 16 m de haut, dĂ©fendues par d’Ă©normes tours de quatre Ă©tages pour vues de meurtriĂšres et d’embrasures pour les canons qui, de lĂ  haut, tirent sur les concessions. C’est dans cet espace rĂ©duit et bombardĂ© que s’Ă©taient laissĂ©s enfermer, le 31 mai, environ 450 marins appartenant Ă  8 nations diffĂ©rentes, prĂ©levĂ©s sur les Ă©quipages des navires en rade devant Takou, et venus par trains spĂ©ciaux sur une ligne alors encore intacte. Parmi les effectifs civils, les ambassadeurs de France et de Russie, les ministres et reprĂ©sentants de Belgique, d’Angleterre, d’Italie, d’Autriche, du Japon, ainsi que leur familles et leurs personnels, dont on pouvait compter une centaine comme combattants. Auxquels on pouvait ajouter quelques 400 Chinois, qui savaient quel serait leur sort s’ils tombaient entre les mains des Boxers 
 Tous irrĂ©mĂ©diablement piĂ©gĂ©s depuis plus de 8 semaines maintenant ! Ayant appris avec dĂ©sespoir le retrait de la colonne Seymour, et n’Ă©tant guĂšre informĂ©s prĂ©cisĂ©ment des efforts de la communautĂ© internationale depuis la reprise de Tien-tsin. L’assassinat de Von Kettler, le 20 juin (il est vrai que l’attachĂ© japonais, le Marquis Sugiyama, avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© sauvagement assassinĂ© le 11 juin, et que son corps mutilĂ© ne fut jamais retrouvĂ©), avait Ă©tĂ© le signal du durcissement des combats. Ce n’est que le lendemain que la dĂ©fense des LĂ©gations fut rĂ©ellement organisĂ©e, maintenant que personne ne se faisait plus d’illusions sur la suite : dĂ©cision d’abandonner les lĂ©gations trop isolĂ©es de Belgique, Italie et Autriche-Hongrie, pour mieux renforcer le pĂ©rimĂštre des autres, sur lesquels on se regroupe, creusement de tranchĂ©es, renforcement des postes d’observation et de tir, stockage de vivres et mĂȘme de bĂ©tail sur pied. La dĂ©fense de cet espace est placĂ©e sous les ordres d’un Ă©tat major interalliĂ© dirigĂ© par l’Austro-Hongrois Thomann Von Montalma. Il faut dĂ©sormais faire face de tous cĂŽtĂ©s et, lentement, inexorablement, les assiĂ©gĂ©s perdent des hommes. A quelques kilomĂštres des LĂ©gations, d’autres furieux combats ont lieu autour de la mission catholique et de la cathĂ©drale du PĂ©-Tang. Le 12 juillet au matin une Ă©norme mine chinoise y explose, laissant un entonnoir de 7 m de profond et de 40 de diamĂštre, tuant 80 personnes, dont 20 enfants. MĂȘme si la prise de Tien-Tsin par la colonne de secours (13 et 14 juillet) leur donne un illusoire moment de rĂ©pit (l’impĂ©ratrice Tseu-Hi, un moment dĂ©stabilisĂ©e par la nouvelle, Ă©tablit un court cesser-le-feu avec, mĂȘme, quelques envois de vivres aux assiĂ©gĂ©s !), les fusillades sont ininterrompues, les dĂ©fenses tombent, les mĂ©dicaments et la nourriture manquent. Les Boxers ont aussi des tireurs de prĂ©cision qui, embusquĂ©s, Ă©liminent sĂ»rement. Et partout des vagues d’assaut de milliers de Chinois s’enchaĂźnent avec des cris de mort Tuons, Tuons (杀 shā), BrĂ»lons, BrĂ»lons (烧 shāo) 
 Un dĂ©ferlement de haine, un furieux appel au meurtre, une volontĂ© de dĂ©truire 
 Le harcĂšlement sera continu jusqu’Ă  la fin, inespĂ©rĂ©e: au matin du 14 arrivent de nouveaux bruits de canonnades, portant des rumeurs d’espoir, puis des certitudes, dans l’incrĂ©dulité  Anglais et AmĂ©ricains sont Ă  l’angle nord-est de la ville chinoise, Japonais, Français et Russes sont au mur est de la ville tartare, que l’on escalade. Les Japonais dynamitent la porte Tsi-Hoa-Men, les Anglais arrivent directement le ce qui reste des LĂ©gations en empruntant l’Ă©gout de la RiviĂšre de Jade 
 C’est le ras de marĂ©e, les derniers combats au corps Ă  corps. En cette fin d’aprĂšs-midi du 14 aoĂ»t, aprĂšs 55 jours d’angoisse, les assiĂ©gĂ©s de PĂ©kin entendent soudain monter du pied de la muraille qui les coupait du monde des vivants, le son aigre des cornemuses de l’ArmĂ©e des Indes 
 C’est fini. PĂ©kin est ville ouverte, les derniĂšres poches de rĂ©sistance sont rapidement rĂ©duites.

Les troupes chinoises, rĂ©guliers et Boxers confondus, se replient vers le nord et l’est. La cour s’Ă©chappe du Palais ImpĂ©rial et fuit vers le Chen-Si le 16, alors que Tseu-Hi s’en Ă©tait sauvĂ©e dĂšs l’aube du 15, dĂ©guisĂ©e en paysanne (elle ne reviendra Ă  PĂ©kin qu’en 1902). La ville est un monceau de ruine. Des centaines de cadavres Boxers jonchent les gravas, sur fond des derniers incendies qu’ils avaient allumĂ©s. Les assiĂ©gĂ©s des LĂ©gations avaient finalement perdu 43 % de leurs effectifs, Ă  quoi il convient d’ajouter environ un millier de civils chinois qui avaient rĂ©sistĂ© Ă  leur cĂŽtĂ©. Mais la guerre des Boxers Ă©tait Ă©teinte. Certes des opĂ©rations de nettoyage furent effectuĂ©es tout autour de PĂ©kin jusqu’en mai 1901, et les villes fortifiĂ©es qui refusaient de se rendre aux alliĂ©s Ă©taient forcĂ©es, prises au canon et Ă  la baĂŻonnette, souvent pillĂ©es et incendiĂ©es 
 Pas de quartier: le sang appelle le sang 
 Les Boxers survivants (auxquels les autoritĂ©s chinoises ne pardonnaient pas l’Ă©chec 
) furent livrĂ©s Ă  la justice chinoise, qui les fit exĂ©cuter, sans Ă©tat d’Ăąme, et dans une parfaite hypocrisie. Le Prince Tuan fut exilĂ©. De Tien-Tsin, base arriĂšre, montait toujours le flot des renforts dĂ©barquĂ©s Ă  Takou. Le point d’orgue final fut la revue internationale de la victoire, menĂ©e par Von Waldersee le 28 aoĂ»t, dĂ©filant Ă  travers les cours du Palais ImpĂ©rial occupĂ© par les occidentaux. Le monde pouvait Ă  nouveau ĂȘtre rassurĂ©.

Celui-ci tira cependant quelques leçons de cette guerre des Boxers, Pour les alliĂ©s, cette guerre fut un extraordinaire terrain pour tester du nouveau matĂ©riel de guerre : ainsi les fusils Mosin-Nagan des Russes, les Mauser 1898 des Allemands (qui avaient vendus les modĂšles antĂ©rieurs, 1871 et 1873, aux troupes chinoises), les fusils Arisaka 1897 des Japonais, les Mannlicher-Carcano 1891 des Italiens, pour ne citer que ces exemples lĂ , restĂšrent en dotation dans les armĂ©es jusqu’Ă  la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Quant Ă  la Chine, qui avait dĂ» s’engager par le protocole du 7 septembre 1901 Ă  payer un dĂ©dommagement de 450 millions de TaĂ«ls, elle comprit qu’elle ne pourrait lutter Ă  armes Ă©gales avec les Ă©trangers qu’en se mettant d’abord Ă  leur Ă©cole, comme avait fait le Japon une trentaine d’annĂ©es auparavant. Elle devait en attendant, la mort dans l’Ăąme, interdire ses sociĂ©tĂ©s secrĂštes et laisser se renforcer l’implantation militaire Ă©trangĂšre sur son sol. Surtout, de cette dĂ©faite cuisante allait sortir une haine encore plus forte contre l’impĂ©ratrice douairiĂšre Tseu-Hi (qui avait finalement laissĂ© faire les Ă©trangers et mĂȘme renouĂ© avec eux, dans un incroyable rĂ©tablissement diplomatique, pour conserver son trĂŽne jusqu’Ă  sa mort en 1908 !), qui aboutit au printemps 1912 Ă  la proclamation de la dĂ©chĂ©ance de la dynastie mandchoue. La rĂ©volution dĂ©ferla alors sur la Chine, enchaĂźnant d’autres Ă©pisodes sanglants. Quant Ă  la boxe chinoise traditionnelle (æ‹łæł• quĂĄn fǎ), dont se dont se rĂ©clamaient les Boxers, discrĂ©ditĂ©e par son inefficacitĂ© face aux armes modernes (lorsque les tirs Ă©taient rĂ©els
), elle ne suscita plus dĂ©sormais, et pendant des dĂ©cades, qu’un trĂšs faible intĂ©rĂȘt dans le pays ; il fallut attendre longtemps avant qu’AmĂ©rique et Occident ne la redĂ©couvrent, entraĂźnant du coup un renouveau qui a largement dĂ©passĂ© les frontiĂšres chinoises
 Étonnant revirement de l’Histoire 





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