四大名著
Comment aborder la littérature chinoise sans parler des quatre (四 sì) grands (大 dà) chefs-d’oeuvre (名着 míng zhù) ? Aussi appelés les quatre livres fleuves, ces œuvres sont considérées comme l’apogée des romans classiques de la Chine. Tous les chinois connaissent bien ces histoires, qu’il s’agisse du facétieux roi-singe ou des héroïques brigands des marais, ces personnages et ces écrits ont inspiré nombre de pièces de théâtre, d’opéras, de films et de légendes connues de tous en terre du milieu. Ces romans nous offrent une illustration des valeurs morales de la société chinoise à travers quatre grands styles littéraires : le roman historique, le roman de cape et d’épée, le roman fantastique et le roman de mœurs.
三國志演義
Les trois royaumes
Les trois royaumes est un roman historique écrit par Luo Guanzhong (羅貫中, vers 1330 – vers 1400), écrivain de la fin des Yuan (元朝, 1271–1368) et du début des Ming (明朝, 1368–1644). L’intrigue prend place lors du déclin de la dynastie Han (汉朝, 206 AEC – 220) et de la période des trois royaumes soit aux environs de 169 à 280 de notre ère. Les évènements de cette période ont d’abord été relatés par l’écrivain Chen Shou (陈寿, 233- 297) au IIIe siècle, avant d’être racontés et modifiés par de nombreux conteurs au fil des siècles devenant peu à peu des légendes et récits mythologiques. Le roman est une compilation de ces diverses versions, apportant à la fois la rigueur des faits historiques et le mysticisme des légendes, mêlant faits réels et fiction. On prend ainsi beaucoup de plaisir à être plongé dans l’histoire ancienne de la Chine en suivant la rébellion des turbans jaunes, l’ascension du terrible général Caocao (曹操, 155 – 220) – qui a d’ailleurs donné naissance au dicton : 说曹操,曹操到, Parlez de Cao Cao, Cao Cao est là, l’équivalent sinisant de notre quand on parle du loup on en voit la queue – ou encore à suivre les batailles qui feront ou déferont ces trois royaumes. Un bon moyen d’en apprendre plus sur l’histoire et les croyances de l’empire du milieu sans la lourdeur des ouvrages académiques.
西游记
Le voyage vers l’occident
Aussi appelé La pérégrination vers l’ouest, ce roman est certainement le plus emblématique de la littérature classique chinoise. Ce roman fantastique a donné naissance à de nombreuses adaptations que ce soit à l’opéra de Pékin, au théâtre ou à la télévision. Sa popularité a largement dépassé les frontières de la Chine, notamment grâce à son personnage haut en couleur, Sun Wukong (孙悟空), plus connu dans nos contrées sous le nom de Roi-singe ou roi des singes. Si ce personnage a le plus marqué les esprits, l’histoire tourne en réalité autour d’un moine bouddhiste, Xuan Zang (玄奘, vers 602-664), le moine Tripitaka de l’empire des Tang, parti vers l’occident à la recherche de saintes écritures bouddhistes. Lors de son long périple, notre brave moine se fait accompagner de Sun Wukong (孙悟空 : conscient de la vacuité), singe immortel (et modeste) jadis autoproclamé Esprit saint à l’égal du ciel (齊天大聖 qí tiān dà shèng), d’un roi-dragon (龍王三君 lóng wáng sān jūn), transformé en cheval (白龍馬 bái lóng mǎ : le cheval dragon blanc) servant de monture à notre jeune bonze, d’un porc nommé Zhu Bajie 猪八戒, aussi appelé悟能 Wuneng (conscient de ses capacités) qui ne pense qu’à s’empiffrer et fonder une famille, et enfin d’un moine des sables Sha He Shang 沙和尚 aussi nommé 悟净 Wujing (conscient de la pureté) qui ne cherche, lui, qu’à devenir meilleur. Si c’est le sourire aux lèvres que l’on se plonge dans les aventures de cette compagnie pittoresque, cet œuvre est aussi une lucarne sur la période des Ming 明朝, dont on peut voir les rouages politiques et administratifs dans l’entourage de nos héros et de leurs relations. Elle est également très représentative du syncrétisme religieux, mélange de bouddhisme, taoïsme et confucianisme.
水浒传
Au bord de l’eau
Moins connu à l’étranger mais tout aussi populaire en Chine, Au bord de l’eau nous conte l’histoire de 108 brigands – représentants les trente-six astres célestes et les 72 astres terrestres – qui se révoltent contre un empire Song (宋朝 960–1279) en déclin et rongé par la corruption. Bien que le grand nombre de personnages puisse d’abord laisser dubitatif, à la fois hauts en couleur et d’une plus grande finesse qu’il n’y paraît, c’est avec une passion grandissante qu’on suit le soulèvement progressif de cette bande de hors-la-loi, bandits et voleurs, plus ou moins talentueux. Anciens généraux déchus, tueurs, philosophes, moines, anarchistes, intellectuels, ces personnages hauts en charisme ont donné naissance à d’innombrables expressions littéraires ou populaires. Ainsi 李悝 Lǐ Kuī, homme irascible et violent mais profondément dévoué à sa mère impotente, vient prêter son nom aux personnes dont les défauts évidents masquent des qualités cachées. Récit de la tradition orale chinoise, écrit et compilé par plusieurs auteurs, on attribut malgré tout la paternité de cette œuvre à 施耐庵 Shī Nàiān, écrivain contemporain des Ming (明朝 1368-1644). Pur roman de cape et d’épée, Au bord de l’eau tiens en Chine une place équivalente aux Trois Mousquetaires de Alexandre Dumas en France.
Le rêve dans le pavillon rouge
Le Rêve dans le pavillon rouge (紅樓夢 hóng lóu mèng), écrit en l’espace de dix ans par Cao Xueqin (曹雪芹 1715-1763), est le dernier en date des quatre grands romans de la littérature classique chinoise, considéré par Mao Zedong comme l’une des fiertés de la Chine. Il fut écrit au milieu du XVIIIe siècle durant la dynastie Qing (大清1644-1911). Il est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature chinoise, si ce n’est le plus prestigieux, et est généralement considéré comme l’apogée de l’art romanesque chinois ; à ce titre, l’immense œuvre fait partie de la collection UNESCO d’œuvres représentatives. L’exégèse du Rêve dans le pavillon rouge et tout ce qui s’y rapporte représente un pan entier des études littéraires que l’on appelle rougeologie (紅學 hóng xué : études rouges). La rougeologie attire et fascine des lecteurs et des lettrés du monde entier, bien au-delà de la sphère chinoise, ce qui souligne la dimension universelle de l’ouvrage :
Si bien qu’ayant maintenant laissé s’écouler la moitié de mon existence sans me rendre maître d’aucune technique, j’ai voulu, de toutes mes fautes, tirer un ouvrage en guise d’avertissement à l’universalité des humains.