Se tenir debout comme un pieu

站樁 zhàn zhuāng

百煉不如一站
bǎi liàn bùrú yí zhàn

Un vieil adage chinois dit que Cent exercices ne valent pas se tenir debout comme un pieu. L站樁 zhàn zhuāng est l’exercice de qi qong le plus connu, apprécié et répandu, et il est utilisé dans de nombreux contextes. Il est en effet utilisé comme exercice méditatif et préventif. En Chine, il est pratiqué dans les écoles, les casernes et même les hôpitaux. Dans la pratique martiale, il est donc irremplaçable pour augmenter l’enracinement, le relâchement, le lâché (松 sōng) et la force interne (勁 jìn).

Pratique

Préalables

Avant même de rechercher l’attitude posturale correcte, il est nécessaire de libérer l’esprit de toutes les pensées, en le remplissant exclusivement du ressenti de notre présence physique. En optimisant le système osseux on va pouvoir détendre tous les muscles. De cette manière, nous ferons faire à notre structure squelettique le travail de soutien nécessaire et, parfaitement alignés avec la force de gravité, nous permettrons à nos muscles d’éviter toute contraction inutile.

Grâce à une respiration profonde, fine et diaphragmatique, nous pourrons enfin faire rayonner dans notre corps l’ondulation rythmique que la respiration transmet, comme un agréable massage, à nos organes, tissus et fluides organiques.

Le premier objectif du travail est cependant de devenir maître de son attention. Dans un premier temps, en effet, nous nous rendrons compte que nous sommes incapables de faire attention à notre posture plus d’une minute, sans être dérangés par des pensées gênantes.

La pratique du zhàn zhuāng est avant tout un exercice méditatif, qui demande de la patience pour atteindre l’état d’immobilité, il faut donc rester calme et persévérer dans la pratique.

Accords

  • On se détend, comme si on voulait se dilater, puis on relâche toutes les articulations du corps, laissant le poids du corps couler vers le bas et, par les membres inférieurs, couler dans les pieds puis se décharger sur le sol.
  • Les pieds doivent être maintenus parallèles, à la même largeur que les hanches, il est cependant possible de s’entraîner dans des positions plus larges et plus basses.
  • Les chevilles seront détendues pour permettre au poids du corps de se répartir sur toute la surface plantaire.
  • Le poids du corps dans son ensemble est réparti harmonieusement entre tous les points de contact avec la terre et les orteils attrapent doucement le sol. Le poids du corps disparait.
  • Les genoux restent souples, légèrement fléchis, le poids les traverse sans s’y arrêter.
  • Entre les genoux il faut tenir un ballon imaginaire, qui doit être tenu sans effort ; les genoux doivent être alignés perpendiculairement aux gros orteils.
  • Les hanches sont détendues et légèrement enfoncées tandis que la pointe du coccyx est coule vers le bas et légèrement vers l’avant, comme si on voulait s’asseoir sur un tabouret haut ; il est en effet indispensable d’apprendre à relaxer la région inguinale, l’articulation coxo-fémorale et la région lombo-sacrée.
  • Le tronc doit être maintenu droit avec les vertèbres parfaitement alignées les unes sur les autres, selon un axe idéal qui relie le point Cent réunions au point Convergence des yīn, en passant par le centre de gravité de le corps (situé sous le nombril et devant la troisième vertèbre sacrée).
  • La poitrine doit être relâchée, afin de permettre l’arrondi des épaules et l’abaissement des omoplates. –
  • La tête pointe vers le haut, comme tirée par un fil imaginaire qui relie idéalement le sommet de la tête au ciel, le menton est donc légèrement fléchi vers le bas.
  • Les bras forment un cercle devant la poitrine, comme s’ils serraient un arbre ou tenaient une grosse balle, les doigts des deux mains se font face, sans se toucher.

Les premiers jours de pratique seront difficiles, mais si vous avez la patience de pratiquer tous les jours (ou, au moins, tous les deux jours) pendant 10/15 minutes, après quelques semaines de pratique, vous remarquerez des changements importants : par exemple, dans la posture. Au fil du temps, le désir de pratiquer cet exercice augmentera, car tout votre corps ressentira le bénéfice et la vigueur qui découlent de cet exercice et vous ne l’abandonnerez guère.

Origines

Les exercices 站樁 zhàn zhuāng étaient à l’origine des méthodes de santé utilisées par les taoïstes ; au cours des derniers siècles, les artistes martiaux qui avaient déjà des méthodes debout statiques les ont combinées avec la mécanique interne du zhàn zhuāng pour créer un exercice supérieur. L’objectif du zhàn zhuāng dans les arts martiaux a toujours été de développer une structure corporelle apte aux affrontements, mais de nos jours, la plupart des pratiquants sont revenus à une orientation de préservation de la santé dans leur entraînement, et peu enseignent le zhàn zhuāng comme méthode martiale.

L’expression 站樁 zhàn zhuāng est récente ; elle a été inventée par Wang Xiangzhai (王薌齋 Wáng Xiāngzhāi 1885-1963). Wang enseignait la synthèse de ses connaissances en arts martiaux qu’il nomma tout d’abord Boxe de l’intention (意拳 yì quán), en référence au Poing de la forme et de l’intention ( 形意拳 xíng yì quán) puis l’un de ses élèves le fit connaître sous le nom de Boxe du grand accomplissement (大成拳 dà chéng quán). Cet enseignement était essentiellement basé sur la pratique du Zhanzhuang (posture du pieu, ou de l’arbre) et regroupait des pratiques issues du bouddhisme (禪  chán), du taoïsme (道教 dào jiào) et des différentes écoles d’arts martiaux qu’il avait assimilé. Vers la fin de son existence, maître Wang se concentra sur l’aspect curatif des postures de zhàn zhuāng et travailla en collaboration avec de nombreux hôpitaux.

La méthode zhàn zhuāng la plus courante est connue sous le nom de parfaitement rond  (浑圆 hún yuán) ou de l’étreinte (撑抱 chēng bào). Cette posture est entièrement taoïste dans ses origines, a de nombreuses variantes et est la principale posture d’entraînement dans la Boxe de l’intention. Dans le Poing de la forme et de l’intention, la pratique de la posture aux trois formes de puissance : ciel, terre et homme (三體勢  ) est une pratique fondamentale. 

Usages

定勢是吳家練習太極拳基本功的功架,其目的在於加強對於自身毅力、體質的修鍊,使太極拳內功得到不斷的增長。

La posture fixe est le fondement de la pratique des compétences de base du taijiquan par la famille Wu. Son but est de renforcer la culture de sa propre persévérance et de sa forme physique, afin que les compétences internes du taijiquan puissent être continuellement augmentées. — Wu Tunan

Cette pratique est courante dans les écoles de taijiquan et de qi gong. Dans notre école nous retrouvons le travail des postures immobiles debout, plus ou moins basses, symétriques ou asymétriques dans :

  • la pratique du taijiquan où chaque posture peut être travaillée comme une posture immobile debout (定勢 dìng shì) même si certaines postures se prêtent mieux à un travail interne (内功 nèi gōng) ;
  • le qi gong des cinq animaux où chaque animal peut être travaillé en mouvement ou immobile ;
  • le Wudang qi gong qui propose huit postures de méditations ayant chacune ses caractéristiques et ses effets.

Voici encore ce que fit et supporta cet homme courageux pendant cette même expédition; le trait vaut la peine d’être écouté. Un matin il se mit à méditer sur quelque chose, debout et immobile à la place où il était. Ne trouvant pas ce qu’il cherchait, il ne bougea point, et continua de réfléchir dans la même situation. Il était déjà midi : nos gens l’observaient et se disaient avec étonnement les uns aux autres que Socrate était là rêvant depuis le matin. Enfin, vers le soir, des soldats ioniens, après avoir soupé, apportèrent leurs lits de campagne en cet endroit, afin de coucher au frais (on était alors en été), et d’observer si Socrate passerait la nuit dans la même posture. En effet il continua de se tenir debout jusqu’au lendemain au lever du soleil. Alors, après avoir fait sa prière au soleil, il se retira.

Platon in Le Banquet

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