Il y a un un moment où le mental lâche
Entretien avec Constance Yver-Elleaume publiĂ© par BĂ©nĂ©dicte Demmer, journaliste santé le Jeudi 04 Octobre 2018 sur le site Medisite – Devenez acteur de votre santĂ©!
Ce que la chenille appelle fin du monde. Le maĂ®tre l’appelle papillon.
Est-ce qu’on a mal quand on meurt ? Sent-on quand le corps s’Ă©teint ? La mort est une grande inconnue qui fait souvent peur. Le Dr Constance Yver-Elleaume, mĂ©decin en soins palliatifs et auteur du livre Au-delĂ du dernier souffle
, accompagne les personnes en fin de vie et nous raconte comment cela se passe, ce qu’elles vivent avant de mourir et comment les accompagner dans cette Ă©preuve.
Constance Yver-Elleaume vous êtes médecin en soins palliatifs. Pouvez-vous-nous expliquer en quoi consiste votre métier ?
Mon mĂ©tier c’est d’accompagner les personnes qui sont confrontĂ©es Ă la fin de vie. Le plus souvent Ă cause d’une maladie grave ou en rĂ©animation après un accident. MĂŞme si la plupart du temps, la fin de vie touche des personnes âgĂ©es elle peut tous nous concerner. Je les accompagne, eux et leur entourage, ainsi que les soignants et les mĂ©decins. Je leur apporte un soulagement de la douleur physique par des traitements mĂ©dicamenteux ou parfois d’autres approches comme l’acupuncture, l’hypnose ou l’aide d’une psychomotricienne, mais j’apporte Ă©galement un soutien psychologique. Il faut prendre en compte l’aspect psychologique, social et spirituel de la personne pour pouvoir l’aider. Une mère de trois enfants ne rĂ©agira pas comme une vieille dame, par exemple, face Ă l’annonce de la mort.
La mort est une inconnue qui angoisse beaucoup. Comment est-ce que vous arrivez Ă rassurer les patients qui ont peur ?
“Ce que la chenille appelle fin du monde. Le maĂ®tre l’appelle papillon.” C’est une citation qui a fait ses preuves et je peux vous assurer que je peux Ă peine compter sur les doigts d’une main les personnes pour qui elle n’a pas fonctionnĂ©. En d’autres termes, j’explique au patient, en leur suggĂ©rant de petites histoires, qu’il y a certainement d’autres dimensions, d’autres choses Ă accueillir Ă ce moment prĂ©cis. J’ai connu, pour donner un exemple, une femme très angoissĂ©e alors qu’elle suffoquait. Je me suis approchĂ©e et lui ai demandĂ© si elle parlait dĂ©fois avec son mari dĂ©cĂ©dĂ©. Elle m’a regardĂ© avec un regard noir signifiant qu’elle ne voulait pas qu’on la prenne pour une folle. Alors je lui ai racontĂ© l’expĂ©rience d’autres patients qui m’ont tĂ©moignĂ© avoir vu et parlĂ© avec d’autres proches dĂ©cĂ©dĂ©s et Ă quel point ils avaient l’air heureux de l’avoir fait dans ces moments difficiles. J’ai su qu’au cours des derniers jours de sa vie, cette femme est partie apaisĂ©e en parlant Ă son mari. Peu importe sa religion, peu importe ce qu’on croit il y a une opportunitĂ© Ă saisir dans cette Ă©preuve pour vivre autre chose. J’explique souvent aux patients, “d’accord vous avez du mal Ă respirer, oui vous avez peur, mais il ne faut pas ĂŞtre angoissĂ© pour quelque chose qui n’est pas encore arrivĂ©e. Pour l’instant vous ĂŞtes lĂ et quoi qu’il arrive on ne peut pas savoir ce qui arrivera dans une heure ou deux ou dans trois mois, alors il faut prendre cette expĂ©rience comme elle vient et vivre le prĂ©sent pour qu’elle se passe au mieux.” Je parle Ă l’ĂŞtre certes, mais je parle aussi Ă ce fameux papillon, qui lui, sait qu’il y a autre chose qui s’est dĂ©tachĂ© de ce que j’appelle le gant terrestre. Il faut juste l’accepter.
Pouvez-vous expliquer cette notion de “gant terrestre” ?
Ce que j’appelle le gant c’est tous les Ă©lĂ©ments de notre vie, agrĂ©ables ou dĂ©sagrĂ©ables, qui vont constituer notre vie sur Terre. Dans toutes les cultures, on commence Ă devenir un ancien vers l’âge de 50 ans, c’est Ă©galement Ă cet âge qu’on commence Ă se dĂ©tacher de ce gant, c’est-Ă -dire Ă voir autre chose. On prend conscience que tout ce gant commence Ă se retirer : on vieillit, la peau se ride, les muscles font mal, on a de plus en plus de mal Ă faire certaines choses et on perd de la famille, des amis. On perd cette notion matĂ©rialiste Ă laquelle on s’est attachĂ©e et, petit Ă petit, notre ĂŞtre profond, en toute inconscience se reconnecte Ă une certaine forme de spiritualitĂ©. C’est Ă cette partie de mes patients que je m’adresse en leur expliquant que l’expĂ©rience qu’ils sont en train de vivre est une opportunitĂ© Ă prendre pour voir les choses d’une autre manière, de s’ouvrir.
Vous expliquez dans votre livre que la peur de la mort dépend également de la famille qui entoure le patient ?
Oui ce qu’il faut savoir avant tout c’est que la façon dont une personne va percevoir cette expĂ©rience de fin de vie ne dĂ©pend pas d’elle-mĂŞme, mais surtout de son environnement et de ses proches. J’ai remarquĂ© au cours de ma carrière qu’il est beaucoup plus facile pour un enfant, par exemple d’accepter qu’il arrive Ă la fin de sa vie, si les parents l’acceptent aussi. C’est exactement la mĂŞme chose pour une dame âgĂ©e.
Une rĂ©cente Ă©tude a montrĂ© que la plupart des gens meurent seuls. MĂŞme s’ils sont entourĂ©s d’un ou plusieurs proches, ils attendent que ces derniers s’absentent pour partir. Avez-vous fait ce constat au cours de votre carrière ?
Absolument. C’est assez rare en fait que les gens meurent avec quelqu’un proche d’eux. C’est-ce que j’expliquais prĂ©cĂ©demment, cette expĂ©rience dĂ©pend beaucoup de notre environnement. Si les proches ont du mal Ă nous laisser partir alors ça devient très compliquĂ©. J’essaye d’expliquer aux gens qu’il faut accueillir la fin de vie comme un projet pour le proche et que plus on s’ouvre, plus on accepte de lui offrir cet espace, plus ce dernier est apaisĂ©. Il y a beaucoup d’anxiĂ©tĂ© autour de la mort, certaines personnes veulent coĂ»te que coĂ»te rester au chevet de la personne mais ont beaucoup de mal. Quand c’est trop difficile, je conseille souvent aux proches de sortir. Il ne faut surtout pas culpabiliser si la personne s’éteint pendant notre absence, il faut simplement se dire que c’est un cadeau qu’il ou elle nous a fait, pour nous protĂ©ger.Est-ce qu’on a mal quand on meurt ?
Les gens voient souvent la mort comme quelque chose de violent, or en soins palliatifs ça l’est beaucoup moins qu’une naissance. Pour l’arrivĂ©e d’un ĂŞtre, il y a beaucoup de cris, de douleurs malgrĂ© le caractère heureux de la situation, alors que lorsque quelqu’un s’en va la dimension est beaucoup plus spirituelle. Bien sĂ»r on fait tout pour apaiser la douleur physique avec des mĂ©dicaments, mais ce n’est pas ce qui domine lorsqu’une personne est sur le point de partir. Le plus important c’est cet aspect de cocon dont l’être sort pour ĂŞtre accueilli dans un autre espace. Il ne faut pas se concentrer sur le nĂ©gatif, au contraire, il y a tout Ă fait la possibilitĂ© que ce moment se passe bien et positivement. Il faut faire en sorte de vivre ça de manière ouverte. Plus on est conscient de ça, plus ce dĂ©ploiement est facile.
Justement est-ce qu’au moment où le corps s’éteint on est conscient ?
Ça dĂ©pend des situations. Il y a des personnes qui sont atteintes de maladies qui impliquent dĂ©jĂ un dĂ©tachement comme la dĂ©mence sĂ©nile, par exemple, ces personnes ont des moments oĂą beaucoup de choses leurs Ă©chappent. J’ai vu des personnes ĂŞtre conscientes jusqu’au bout, mais le plus souvent il y a un moment donnĂ© oĂą on n’est plus prĂ©sent, le mental lâche.
intéressant car sujet tabou.
je recommande aussi le docu “et si la mort n’existait pas” Ă rentrer dans le moteur de recherche youtube.
https://youtu.be/HpsJ4o5C4Hg
https://youtu.be/2QukbCfT_Uc
Ne pensez vous pas qu’un Ă©lĂ©ment fondamental est aussi le choix que l’on peut se donner Ă choisir sa propre mort ? Je vous invite Ă lire les rĂ©flexions que propose l’ADMD ( association pour le droit Ă mourir dans le dignitĂ©) …. n’Ă©tant pas aussi douĂ©e en informatique que catherine, je ne peux faire suivre le lien ……..
https://www.admd.net/