Toute action exige l’oubli

Il y a dans la pensée de Nietzsche une valorisation de l’oubli renvoyant à une réflexion sur le vivant et son fonctionnement qui participe chez lui d’une analyse de la vie : l’oubli est une condition du bon fonctionnement du vivant. Pourquoi faudrait-il se réjouir d’avoir la mémoire qui flanche ?

L’homme n’est pas une machine à stocker du savoir

L’homme n’est pas un pur esprit, l’homme n’est pas une machine à construire du savoir et surtout pas à avaler et stocker du savoir, le problème est bien là : pour l’épanouissement, pour ce que Nietzsche désigne comme le bonheur, qui suppose une manière de coller au présent, d’épouser le présent, il faut avoir un minimum de liberté, de légèreté, ne pas être écrasé par le poids du souvenir… C’est l’une des directions qui permettent de commencer à comprendre pourquoi Nietzsche valorise l’oubli. Nietzsche fait un rapport au modèle animal qui est très parlant : l’animal ne connaît pas les angoisses, les crises d’identité qui sont devenues le lot commun de l’homme contemporain et Nietzsche l’attribue notamment au fait que l’animal ne souffre pas de cette hypertrophie de la mémoire qui surcharge, paralyse les régulations vitales fondamentales… L’animal vit dans l’instant.

Patrick Wotling

Oublier, est-ce digérer ?

Nietzsche utilise cette image au début du second traité de la « Généalogie de la morale », il parle de digestion spirituelle, psychique, qui est l’équivalent plus général d’une digestion organique, matérielle. Oublier, au bon sens du terme, c’est rendre quelque chose inconscient, mais ça ne veut pas dire le perdre ou le neutraliser, ça veut dire l’agréger à toutes les régulations physiques qui sont déjà actives.

Patrick Wotling

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