Le caducée d’Hermès

Les serpents

Le caducée est l’attribut d’Hermès et se présente toujours sous la forme d’un bâton autour duquel s’enroulent deux serpents. Cet objet naît d’un affrontement reptilien et se fige comme le symbole incarné de la réconciliation, de l’entente et de l’équilibre autant que de l’ambiguïté.  

Sur un chemin, deux serpents se battent alors qu’Hermès s’apprête à croiser leur route. Hermès les sépare à l’aide d’un bâton ,apaisant le conflit et réconciliant les deux parties qui s’enroulent autour du dit bâton.

Les démiurges sont toujours dans leur première représentation, des serpents. Partout cet animal est lié à la vie autant qu’à la mort. Son venin est mortel tandis que, lui, semble éternel, il mue, il se prélasse au soleil mais vit tout aussi bien dans les profondeurs humides de la terre. 

Le caducée incarne l’ambiguïté résidant entre des forces antagonistes. Il est un flou énigmatique contenant le potentiel de l’équilibre des contraires. 

Le dieu Hermès 

Or Hermès est hermétique : ses fonctions mêmes le désignent comme tel. Il est à la fois le héraut des dieux et le protecteur du commerce, des passages et des voleurs, des échanges et des alchimistes ; un dieu du mouvement, de la transformation, de l’adaptation et du secret. 

Pour ne pas être trahi dans ses missions, le dieu doit être ambigu. Il promet à Zeus de ne jamais dire de mensonges tout en précisant qu’il ne pense pas d’être capable de toujours dire la vérité. Il est aussi le père d’Hermaphrodite qui sera métamorphosé en une créature à la fois mâle et femelle, une créature ambiguë.

Le caducée

Le caducée revendique et incarne cette ambiguïté. Il est la figuration du dualisme fondamental et de sa conciliation. En équilibrant les forces contraires, le caducée entend atteindre l’harmonie et la paix. Or ces forces contraires sont partout dans la nature, dans le cosmos ou dans l’âme humaine. Ce champ d’action universel pourrait donc être équilibré ; encore faut-il être capable de distinguer les forces antagonistes.

Séparer, distinguer les choses les unes des autres est un processus intellectuel qui nécessite une capacité à prendre de la distance. Mettre à distance les choses, les séparer physiquement pour les mieux distinguer sous-entend également prendre de la distance avec soi-même, savoir séparer l’instinct de la raison. Finalement, il s’agit de mettre à distance le monde sensible pour privilégier le monde de la raison et des idées, de concilier les pulsions intérieures et les sollicitations extérieures, de s’adapter. 

Il s’agit d’une démarche circulaire : les choses existent, j’apprend à les distinguer les unes des autres pour les comprendre ce qui me permet de les réunir à nouveaux.

La mètis

La distinction permet donc aussi bien la séparation que la confrontation et la réunion, soit la communication et les passages entre toutes choses. Hermès est avant tout la personnification de l’ingéniosité, de la mètis et de la chance. En grec, la mètis désigne la ruse de l’intelligence à savoir une intelligence capable de brouiller les pistes, d’emprunter impunément aux forces contraires, qu’on est donc capable de distinguer, pour aboutir à une nouvelle forme de possible ; encore une fois, l’adaptation est capitale.

La mètis, c’est le bâton qu’utilise Hermès pour séparer les serpents puis les réunir dans un mouvement spiralé parfait, un mouvement circulaire ascendant. Un mouvement identique au processus intellectuel permettant d’élargir peu à peu un raisonnement en accumulant de plus en plus d’idées précises, donc distinguées les unes des autres. 

L’ouroboros

Paradoxalement, si le caducée est un objet statique, l’élan spiralé des serpents indique pourtant qu’il est toujours en mouvement ou en train de passer d’un état à l’autre, à l’instar du dieu Hermès qui peut être messager, voyageur, commerçant, voleur, berger, alchimiste, hermaphrodite.

Le mouvement spiralé des serpents évoque l’évolution d’une force ou d’un état. Dans la nature, la spirale hélicoïdale est partout , généralement construite selon la suite de Fibonacci. Or le changement d’état permanent d’Hermès et des spirales est précisément incarné par la mue des serpents et la capacité qu’ils avaient – imaginait-on – à se régénérer. L’ouroboros n’explique rien d’autre.

Le dieu Caducée

L’entrelacement parfait des serpents du caducée, s’il évoque un mouvement spiralé propre à illustrer un changement d’état, doit avoir un point originel. Le caducée n’est pas un objet inventé par les Grecs. À son origine, le point originel du caducée était très clair.

L’ensemble de la composition de ce vase cultuel évoque la puissance de régénération de la nature dont le dieu Ningishzida est le vecteur. Devant deux reptiles ailés, génies avec leur tiare à cornes, s’enroulent deux serpents en une spirale ascendante. Image de puissance vitale qui évoque aussi le caducée grec.

Ningishzidda est une divinité chthonienne subalterne du panthéon sumérien. Il est associé à la végétation, à la croissance et à la décomposition. Ce dieu meurt à la saison froide et renaît à la saison chaude. Les serpents sont idéalement choisis pour incarner ce dieu qui possède toutes leurs qualités : représentation symbolique de la vie et de la mort et capacité à renaître.

L’arbre autour duquel s’enroulent les serpents correspond à l’arbre de vie, cette image antique symbolisant l’origine et la force de la vie. L’arbre est tenu par le déesse Mère Ishtar. 

Les pierres de serpents

La Mésopotamie ne fut pas la seule à incarner cette notion de fertilité par un caducée. En Inde, les nagakal sont vénérées par des femmes souhaitant concevoir un enfant. Ces pierres ornées de deux cobras entrelacés sont placées sous l’aśvattha, l’arbre sacré, le figuier. Par ailleurs, c’est sous cet arbre que médite Nārada, messager et compagnon des dieux, à qui l’on attribue l’invention de la vīṇā, le premier instrument à cordes. Hermès est crédité de la même invention nommée lyre dans la mythologie grecque.

Nüwa et Fuxi

Nüwa et Fuxi sont des personnages de la mythologie chinoise dont l’origine remonte à l’Antiquité.

女媧 Nǚwā

Nüwa déesse créatrice, a façonné les premiers hommes avec de la glaise, leur a donné le pouvoir de procréer, a réparé le ciel brisé. On lui prête souvent un corps de serpent. Elle forme un couple avec son frère Fuxi. À partir des Tang, ils sont présentés comme les inventeurs des rites du mariage, dont elle est la patronne. Elle est également donneuse d’enfants. On lui attribue l’invention du 瑟 , une sorte de cithare.

Les représentations graphiques de Nuwa la dépeignent en général moitié femme, moitié serpent. Elle est souvent accompagnée de Fuxi, tenant en main un compas alors qu’il tient une équerre.

伏犧 Fúxī

Fuxi, héros civilisateur, fondateur de la médecine traditionnelle chinoise, créateur de caractères chinois, et le premier dieu des trois Augustes. Les Chants de Chu mentionnent son mariage avec sa sœur Nuwa. Selon les Mémoires historiques de Sima Qian, Fuxi et Nuwa sont représentés avec les bustes d’être humain et les corps de serpent. Il a inventé le bagua, concept dans la philosophie fondamentale en ancienne Chine, utilisé dans le taoïsme et le Classique des changements

女媧 nǚwā, déesse créatrice, a façonné les premiers hommes avec de la glaise, leur a donné le pouvoir de procréer, a réparé le ciel brisé. On lui prête souvent un corps de serpent. Elle forme un couple avec son frère Fuxi. À partir des Tang, ils sont présentés comme les inventeurs des rites du mariage, dont elle est la patronne. Elle est également donneuse d’enfants.

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