Plein et vide

窪則盈

Au chapitre 22 du Livre de la voie et de la vertu , on trouve l’expression creux (窪 wā) alors (則 zé) plein (盈 yíng), expression que l’on pourrait traduire par ce qui est vide sera rempli. C’est un concept important dans la pratique du taijiquan.

Extrait du film Kamataki de Claude Gagnon

Le film de Claude Gagnon rappelle la fable bouddhiste zen illustrant la nécessité de se mettre à la disposition du maître en mettant de côté nos propres connaissances pour accueillir les siennes. C’est l’une des interprétations que l’on peut faire de cette expression.

Une autre interprétation, celle là beaucoup plus directe et physique peut être faite dans la pratique du taijiquan. En utilisant l’analogue d’un tuyau, nous savons que le tuyau doit être vide pour permettre à l’eau de le traverser. De la même manière, le corps et les membres doivent être vides, les articulations et les muscles lâches et détendus, pour que le corps conduise la force qui vient des pieds. La tension dans les muscles et les articulations crée un blocage qui empêche ce mouvement intérieur. Lorsque les muscles et les articulations sont vides, le corps peut être une voie pour que l’énergie circule sans obstruction, et la force peut alors atteindre toutes les parties du corps ; de ce fait, le corps tout entier peut être énergisé et plein. On dit souvent que le corps, en faisant la forme, doit devenir comme transparent .

引進落空

L’adage des classiques du taijiquan, attirer dans le vide, est également lié à 窪則盈 wā zé yíng. Lorsqu’elle est pressée, la force dirigée vers le corps descend, tombe (落 luò) via un corps vide et atterrit sur le sol, sous les pieds, à la racine. La force de l’adversaire est neutralisée et, en même temps, comme la force n’a pas trouvé la résistance à laquelle elle s’attendait, l’adversaire est déséquilibré ou déraciné. Il peut alors être conduit (引 yǐn) dans n’importe quelle direction assez facilement, d’autant plus que l’usage de sa force a appliqué du poids à sa propre racine. Avec une habileté accrue, la force qui frappe le sol sous les pieds rebondit sur toute la longueur du corps et est canalisée vers l’adversaire, ce qui rend inutile d’exercer sa propre force.

牽動四兩撥千斤

C’est l’application du principe utiliser (牽動 qiān dòng) quatre (四 sì) onces (兩 liǎng) pour dévier (撥 bō) mille (千 qiān) livres (斤 jīn).

Comme pour tous les aspects du taijiquan, il y a une application plus spirituelle ou psychologique du 窪則盈 wā zé yíng. Être préoccupé, occupé par des pensées ou un dialogue intérieur, ou généralement prédisposé est une obstruction aux impressions qui nous viennent du monde réel. Lâcher prise de ces postures et tensions mentales crée de l’espace en nous, cela nous rend plus vides et donc plus aptes à recevoir les impressions et l’énergie qui accompagne ce relâchement.

Recevoir des impressions de cette manière nous ancre au moment, à la réalité, de la même manière que recevoir des forces extérieures nous enracine au sol.


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