無際 wú jì fait référence à l’aspect non-manifesté du dao. Wuji est l’intemporalité indifférenciée qui, dans le diagramme taoïste traditionnel (太極圖說 tàijí túshuō) est représentée par un cercle vide. Dans la cosmologie taoïste, wuji fait référence à un état de non-distinction avant la différenciation en yin et yang qui donnent naissance aux dix mille choses, tous les phénomènes du monde manifesté, avec leurs diverses qualités et comportements.
- 無 wú
- ne pas avoir, non, sans, aucun, manquer de, préfixe) in-, 71e radical
- 際 jì
- limite, frontière, entre, terme, rencontre
- 太 tài
- trop, très, extrêmement, suprême
- 極 jí
- sommet, extrémité, pôle, extrêmement, excessivement, atteindre, parvenir à
- 天下 tiān xià
- monde entier, Chine entière, royaume
- 圣人 shèng rén
- saint, sage
Alors que wuji désigne le dao en immobilité, essentiellement non-duel, taiji se réfère au dao en mouvement. Taiji représente l’étincelle du mouvement, l’émergence, l’oscillation ou la modulation vibratoire qui permet au quelque chose défini de la manifestation de naître du rien infini de wuji.
Wuji existe avant tous les ensembles d’opposés, avant toutes les polarisations yin~yang, y compris l’opposition entre le mouvement et la quiétude.
Le diagramme du Wuji-Taiji représente aussi l’œuvre alchimique. Il peut être lu dans les deux sens, alors que les confucéens n’en connaissent qu’un. L’un est le sens exotérique, et va de l’origine à la multiplicité : il descend du haut, et va vers le bas, va du Wuji au Taiji, puis aux cinq Agents représentés par cinq cercles. C’est la formation du monde, de l’être humain, ou de l’élixir alchimique qui passe par les diverses étapes de la Genèse dont la dernière est le Taiji, puis celle du monde phénoménal. L’autre lecture va dans le sens contraire, du bas vers le haut, et remonte à partir du monde phénoménal au vide originel, ou Wuji. Cette lecture est ésotérique et propre aux taoïstes. En fait, dans la plupart des diagrammes du Taiji, répandus, outre dans le confucianisme, dans le milieu des arts martiaux, par exemple, le cercle qui figure le Wuji n’est pas représenté : il ne s’agit pas dans ces milieux de parvenir jusqu’au Vide suprême.
Isabelle Robinet in Dictionnaire critique de l’ésotérisme
Le cœur de la cosmologie taoïste est donc le cycle entre le dao en immobilité et le dao en mouvement : entre le wuji non manifesté et le taiji manifeste, avec sa danse du yin~yang. Des phénomènes polarisés se déploient à partir du wuji puis y reviennent, via le mécanisme du taiji.
Ls aspects manifestes et non-manifestés du dao sont valorisés de la même manière — ni l’un ni l’autre ne bénéficie d’un statut privilégié. Le retour des phénomènes à wuji, au non-manifesté, peut être compris comme s’apparentant à une bonne nuit de sommeil. C’est merveilleux et nourrissant, mais dire que le sommeil est le « but ultime » ou la « destination finale » de votre vie éveillée ne serait pas tout à fait correct.
Pour un pratiquant taoïste, il ne s’agit pas de rejeter les phénomènes du monde, mais plutôt de les comprendre profondément, de les voir clairement et de les embrasser avec la plus grande intimité. L’avantage de la pratique taoïste est qu’elle facilite une communion plus ou moins continue avec le pouvoir inhérent du wuji, tout au long de toutes les phases du cycle, en présence comme en l’absence de phénomènes.
Au verset 28 du Daodejing, Laozi fait référence à wuji :
知其雄,守其雌,为天下谿。
为天下谿,常德不离,復归於婴儿。
知其白,守其黑,为天下式。
为天下式,常德不忒,復归於无极。
知其荣,守其辱,为天下谷。
为天下谷,常德乃足,復归於朴。
朴散则为器,圣人用之,则为官长,故大制不割。
zhī qí xióng, shǒu qí cí, wéi tiānxià xī.
wéi tiānxià xī, chángdé bùlí, fù guī yú yīng’ér.
zhī qí bái, shǒu qí hēi, wéi tiānxià shì.
wéi tiānxià shì, chángdé bù tè, fù guī yú wújí.
zhī qí róng, shǒu qí rǔ, wéi tiānxià gǔ.
wéi tiānxià gǔ, chángdé nǎi zú, fù guī yú pǔ.
pǔ sàn zé wèi qì, shèngrén yòng zhī, zé wèi guān zhǎng, gù dà zhì bù gē.
Tenez votre côté masculin avec votre côté féminin
Tenez votre côté lumineux avec votre côté sombre
Tenez votre haut avec votre bas
Alors vous serez capable de tenir le monde entier
Lorsque les forces opposées s’unissent à l’intérieur, il y a une puissance abondante dans son don et infaillible dans son effet
S’écoulant à travers tout, Il ramène un au premier souffle
Guidant tout Il ramène sans limite
Embrassant tout Il ramène au bloc de bois brut
Lorsque le bloc est divisé, il devient quelque chose d’utile et les chefs peuvent gouverner avec seulement quelques pièces
Le sage maintient le bloc entier
Tenant toutes choses en lui, il préserve la grande unité qui ne peut être ni gouvernée ni divisée.