Le livre de la voie et de la vertu

道德經 Dào dé jīng

Traduit en français par Stanislas Julien Imprimerie Royale, Paris, 1842, XLVI+296 pages.

LIVRE PREMIER

道可道,非常道。名可名,非常名。無名天地之始,有名萬物之母。故常無欲,以觀其妙;常有欲,以觀其徼。此兩者同出而異名,同謂之玄,玄之又玄,眾妙之門。

Chapitre I

La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel. (L’être) sans nom est l’origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la mère de toutes choses. C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée. Ces deux choses ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.

天下皆知美之為美,斯惡矣﹔皆知善之為善,斯不善矣。故有無相生,難 易相成,長短相形,高下相傾,音聲相和,前後相隨。是以聖人處「無為 」之事,行「不言」之教。萬物作焉而不辭,生而不有,為而不恃,功成 而弗居。夫唯弗居,是以不去。

Chapitre II

Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale), alors la laideur (du vice) a paru. Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien, alors le mal a paru. C’est pourquoi l’être et le non-être naissent l’un de l’autre. Le difficile et le facile se produisent mutuellement. Le long et le court se donnent mutuellement leur forme. Le haut et le bas montrent mutuellement leur inégalité. Les tons et la voix s’accordent mutuellement. L’antériorité et la postériorité sont la conséquence l’une de l’autre. De là vient que le Saint fait son occupation du non-agir. Il fait consister ses instructions dans le silence. Alors tous les êtres se mettent en mouvement, et il ne leur refuse rien. Il les produit et ne se les approprie pas. Il les perfectionne et ne compte pas sur eux. Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas. Il ne s’attache pas à ses mérites ; c’est pourquoi ils ne le quittent point.

不尚賢,使民不爭﹔不貴難得之貨,使民不為盜﹔不見可欲,使民心不亂 。是以「聖人」之治,虛其心,實其腹,弱其志,強其骨。常使民無知無 欲。使夫智者不敢為也。為「無為」,則無不治。

Chapitre III

En n’exaltant pas les sages, on empêche le peuple de se disputer. En ne prisant pas les biens d’une acquisition difficile on empêche le peuple de se livrer au vol. En ne regardant point des objets propres à exciter des désirs, on empêche que le cœur du peuple ne se troublée. C’est pourquoi, lorsque le Saint gouverne, il vide son cœur, il remplit son ventre  (son intérieur), il affaiblit sa volonté, et il fortifie ses os. Il s’étudie constamment à rendre le peuple ignorant et exempt de désirs. Il fait en sorte que ceux qui ont du savoir n’osent pas agir. Il pratique le non-agir, et alors il n’y a rien qui ne soit bien gouverné.

「道」沖,而用之或不盈。淵兮,似萬物之宗﹔挫其銳,解其紛,和其光 ,同其塵﹔湛兮似或存。吾不知誰之子?象帝之先。

Chapitre IV

Le Tao est vide ; si l’on en fait usage, il paraît inépuisable. O qu’il est profond ! Il semble le patriarche de tous les êtres. Il émousse sa subtilité, il se dégage de tous liens, il tempère sa splendeur, il s’assimile à la poussière. O qu’il est pur ! Il semble subsister éternellement. J’ignore de qui il est fils ; il semble avoir précédé le maître du ciel.

天地不仁,以萬物為芻狗﹔聖人不仁,以百姓為芻狗。天地之間,其猶橐 蘥乎?虛而不屈,動而愈出。多言數窮,不如守中。

Chapitre V

Le ciel et la terre n’ont point d’affection particulière. Ils regardent toutes les créatures comme le chien de paille (sacrifice). Le Saint n’a point d’affection particulière ; il regarde tout le peuple comme le chien de paille (du sacrifice). L’être qui est entre le ciel et la terre ressemble à un soufflet de forge qui est vide et ne s’épuise point, que l’on met en mouvement et qui produit de plus en plus vent). Celui qui parle beaucoup (du Tao) est souvent réduit au silence. Il vaut mieux observer le milieu.

谷神不死,是謂玄牝。玄牝之門,是謂天地根。綿綿若存,用之不勤。

Chapitre VI

L’esprit de la vallée ne meurt pas ; on l’appelle la femelle mystérieuse. La porte de la femelle mystérieuse s’appelle la racine du ciel et de la terre. Il est éternel et semble exister (matériellement). Si l’on en fait usage, on n’éprouve aucune fatigue.

天長地久。天地所以能長且久者,以其不自生,故能長久。是以聖人後其 身而身先,外其身而身存。非以其無私邪?故能成其私。

Chapitre VII

Le ciel et la terre ont une durée éternelle. S’ils peuvent avoir une durée éternelle, c’est parce qu’ils ne vivent pas pour eux seuls. C’est pourquoi ils peuvent avoir une durée éternelle. De là vient que le Saint se met après les autres, et il devient le premier. Il se dégage de son corps, et son corps se conserve. N’est-ce pas parce qu’il n’a point d’intérêts privés ? C’est pourquoi il peut réussir dans ses intérêts privés.

上善若水。水善利萬物而不爭。處眾人之所惡,故幾於道。居善地,心善 淵,與善仁,言善信,政善治,事善能,動善時。夫唯不爭,故無尤。

Chapitre VIII

L’homme d’une vertu supérieure est comme l’eau. L’eau excelle à faire du bien aux êtres et ne lutte point. Elle habite les lieux que déteste la foule. C’est pourquoi (le sage) approche du Tao. Il se plaît dans la situation la plus humble. Son cœur aime à être profond comme un abîme. S’il fait des largesses, il excelle à montrer de l’humanité. S’il parle, il excelle à pratiquer la vérité. S’il gouverne, il excelle à procurer la paix. S’il agit, il excelle à montrer de la capacité. S’il se meut, il excelle à se conformer aux temps. Il ne lutte contre personne ; c’est pourquoi il ne reçoit aucune marque de blâme.

持而盈之,不如其已﹔揣而銳之,不可長保。金玉滿堂,莫之能守﹔富貴 而驕,自遺其咎。功遂身退,天之道。

Chapitre IX

Il vaut mieux ne pas remplir un vase que de vouloir le maintenir (lorsqu’il est plein). Si l’on aiguise une lame, bien qu’on l’explore avec la main, on ne pourra la conserver constamment (tranchante). Si une salle est remplie d’or et de pierres précieuses, personne ne pourra les garder. Si l’on est comblé d’honneurs et qu’on s’enorgueillisse, on s’attirera des malheurs. Lorsqu’on a fait de grandes choses et obtenu de la réputation, il faut se retirer à l’écart. Telle est la voie du ciel.

載營魄抱一,能無離乎?專氣致柔,能嬰兒乎?滌除玄覽,能無疵乎?愛 國治民,能無為乎?天門開闔,能為雌乎?明白四達,能無知乎?生之畜 之,生而不有,為而不恃,長而不宰,是謂玄德。

Chapitre X

L’âme spirituelle doit commander à l’âme sensitive. Si l’homme conserve l’unité, elles pourront rester indissolubles. S’il dompte sa force vitale et la rend extrêmement souple, il pourra être comme un nouveau-né. S’il se délivre des lumières de l’intelligence, il pourra être exempt de toute infirmité (morale). S’il chérit le peuple et procure la paix au royaume, il pourra pratiquer le non-agir. S’il laisse les portes du ciel s’ouvrir et se fermer, il pourra être comme la femelle (c’est-à-dire rester en repos). Si ses lumières pénètrent en tous lieux, il pourra paraître ignorant. Il produit les êtres et les nourrit. Il les produit et ne les regarde pas comme sa propriété. Il leur fait du bien et ne compte pas sur eux. Il règne sur eux et ne les traite pas en maître. C’est ce qu’on appelle posséder une vertu profonde.

三十輻共一轂,當其無,有車之用。埏埴以為器,當其無,有器之用。鑿 戶牖以為室,當其無,有室之用。故有之以為利,無之以為用。

Chapitre XI

Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char. On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C’est de son vide que dépend l’usage des vases. On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C’est de leur vide que dépend l’usage de la maison. C’est pourquoi l’utilité vient de l’être, l’usage naît du non-être.

五色令人目盲﹔五音令人耳聾﹔五味令人口爽﹔馳騁畋獵,令人心發狂﹔ 難得之貨,令人行妨。是以聖人為腹不為目,故去彼取此。

Chapitre XII

Les cinq couleurs émoussent la vue de l’homme. Les cinq notes (de musique) émoussent l’ouïe de l’homme. Les cinq saveurs émoussent le goût de l’homme. Les courses violentes, l’exercice de la chasse égarent le cœur de l’homme. Les biens d’une acquisition difficile poussent l’homme à des actes qui lui nuisent. De là vient que le Saint s’occupe de son intérieur et ne s’occupe pas de ses yeux. C’est pourquoi il renonce à ceci et adopte cela.

寵辱若驚,貴大患若身。何謂寵辱若驚?寵為下,得之若驚,失之若驚, 是謂寵辱若驚。何謂貴大患若身?吾所以有大患者,為吾有身,及吾無身 ,吾有何患?故貴以身為天下,若可寄天下﹔愛以身為天下,若可托天下 。

Chapitre XII I

Le sage redoute la gloire comme l’ignominie ; son corps lui pèse comme une grande calamité. Qu’entend-on par ces mots : il redoute la gloire comme l’ignominie ? La gloire est quelque chose de bas. Lorsqu’on l’a obtenue, on est comme rempli de crainte : lorsqu’on l’a perdue, on est comme rempli de crainte. C’est pourquoi l’on dit : il redoute la gloire comme l’ignominie. Qu’entend-on par ces mots : son corps lui pèse comme une grande calamité ? Si nous éprouvons de grandes calamités, c’est parce que nous avons un corps. Quand nous n’avons plus de corps (quand nous nous sommes dégagés de notre corps), quelles calamités pourrions-nous éprouver ? C’est pourquoi, lorsqu’un homme redoute de gouverner lui-même l’empire, on peut lui confier l’empire ; lorsqu’il a regret de gouverner l’empire, on peut lui remettre le soin de l’empire.

視之不見,名曰「夷」﹔聽之不聞,名曰「希」﹔搏之不得,名曰「微」 。此三者不可致詰,故混而為一。其上不皦,其下不昧。繩繩不可名,復 歸於無物。是謂無狀之狀,無物之象,是謂惚恍。迎之不見其首,隨之不 見其後。執古之道,以御今之有。能知古始,是謂道紀。

Chapitre XIV

Vous le regardez (le Tao) et vous ne le voyez pas : on le dit incolore. Vous l’écoutez et vous ne l’entendez pas : on le dit aphone. Vous voulez le toucher et vous ne l’atteignez pas : on le dit incorporel. Ces trois qualités ne peuvent être scrutées à l’aide de la parole. C’est pourquoi on les confond en une seule. Sa partie supérieure n’est point éclairée ; sa partie inférieure n’est point obscure. Il est éternel et ne peut être nommé. Il rentre dans le non-être. On l’appelle une forme sans forme une image sans image. On l’appelle vague, indéterminé. Si vous allez au-devant de lui, vous ne voyez point sa face ; si vous le suivez, vous ne voyez point son dos. C’est en observant le Tao des temps anciens qu’on peut gouverner les existences d’aujourd’hui. Si l’homme peut connaître l’origine des choses anciennes, on dit qu’il tient le fil du Tao.

古之善為士者,微妙玄通,深不可識。夫唯不可識,故強為之容:豫兮若 冬涉川﹔猶兮若畏四鄰﹔儼兮其若客﹔渙兮若冰之釋﹔敦兮其若朴﹔曠兮 其若谷﹔混兮其若濁。孰能晦以理之徐明?孰能濁以靜之徐清?孰能安以 動之徐生?保此道者不欲盈。夫唯不盈,故能蔽而新成。

Chapitre XV

Dans l’antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao étaient déliés et subtils, abstraits et pénétrants. Ils étaient tellement profonds qu’on ne pouvait les connaître. Comme on ne pouvait les connaître, je m’efforcerai de donner une idée (de ce qu’ils étaient). Ils étaient timides comme celui qui traverse un torrent en hiver. Ils étaient irrésolus comme celui qui craint d’être aperçu de ses voisins. Ils étaient graves comme un étranger (en présence de l’hôte). Ils s’effaçaient comme la glace qui se fond. Ils étaient rudes comme le bois non travaillé. Ils étaient vides comme une vallée. Ils étaient troubles comme une eau limoneuse. Qui est-ce qui sait apaiser peu à peu le trouble (de son cœur) en le laissant reposer ? Qui est-ce qui sait naître peu à peu (à la vie spirituelle) par un calme prolongé ? Celui qui conserve ce Tao ne désire pas d’être plein. Il n’est pas plein (de lui-même), c’est pourquoi il garde ses défauts (apparents), et ne désire pas (d’être jugé) parfait.

致虛極,守靜篤,萬物並作,吾以觀復。夫物芸芸,各復歸其根。歸根曰 靜,靜曰復命。復命曰常,知常曰明。不知常,妄作凶。知常容,容乃公 。公乃王,王乃天,天乃道,道乃久,沒身不殆。

Chapitre XVI

Celui qui est parvenu au comble du vide garde fermement le repos. Les dix mille êtres naissent ensemble ; ensuite je les vois s’en retourner. Après avoir été dans un état florissant, chacun d’eux revient à son origine. Revenir à son origine s’appelle être en repos. Être en repos s’appelle revenir à la vie. Revenir à la vie s’appelle être constant. Savoir être constant s’appelle être éclairé. Celui qui ne sait pas être constant s’abandonne au désordre et s’attire des malheurs. Celui qui sait être constant a une âme large. Celui qui a une âme large est juste. Celui qui est juste devient roi. Celui qui est roi s’associe au ciel. Celui qui s’associe au ciel imite le Tao. Celui qui imite le Tao subsiste longtemps ; jusqu’à la fin de sa vie, il n’est exposé a aucun danger.

太上,下不知有之﹔其次,親而譽之﹔其次,畏之﹔其次,侮之。信不足 焉,有不信焉。悠兮其貴言。功成事遂,百姓皆謂:「我自然」。

Chapitre XVII

Dans la haute antiquité, le peuple savait seulement qu’il avait des rois. Les suivants, il les aima et leur donna des louanges. Les suivants, il les craignit. Les suivants, il les méprisa. Celui qui n’a pas confiance dans les autres n’obtient pas leur confiance. (Les premiers) étaient graves et réservés dans leurs paroles. Après qu’ils avaient acquis des mérites et réussi dans leurs desseins, les cent familles disaient : Nous suivons notre nature.

大道廢,有仁義﹔智慧出,有大偽﹔六親不和,有孝慈﹔國家昏亂,有忠 臣。

Chapitre XVIII

Quand la grande Voie eut dépéri, on vit paraître l’humanité et la justice. Quand la prudence et la perspicacité se furent montrées, on vit naître une grande hypocrisie. Quand les six parents eurent cessé de vivre en bonne harmonie, on vit des actes de piété filiale et d’affection paternelle. Quand les États furent tombés dans le désordre, on vit des sujets fidèles et dévoués.

絕聖棄智,民利百倍﹔絕仁棄義,民復孝慈﹔絕巧棄利,盜賊無有。此三 者,以為文不足。故令有所屬:見素抱朴,少私寡欲。

Chapitre XIX

Si vous renoncez à la sagesse et quittez la prudence, le peuple sera cent fois plus heureux. Si vous renoncez à l’humanité et quittez la justice, le peuple reviendra à la piété filiale et à l’affection paternelle. Si vous renoncez à l’habileté et quittez le lucre, les voleurs et les brigands disparaîtront. Renoncez à ces trois choses et persuadez-vous que l’apparence ne suffit pas. C’est pourquoi je montre aux hommes ce à quoi ils doivent s’attacher. Qu’ils tâchent de laisser voir leur simplicité, de conserver leur pureté, d’avoir peu d’intérêts privés et peu de désirs.

絕學無憂。唯之與阿,相去幾何?善之與惡,相去若何?人之所畏,不可 不畏。荒兮其未央哉!眾人熙熙,如享太牢,如登春台。我獨泊兮其未兆 ,如嬰兒之未孩。 兮,若無所歸。眾人皆有餘,而我獨若遺。我愚人 之心也哉!沌沌兮。俗人昭昭,我獨昏昏。俗人察察,我獨悶悶。澹兮其 若海,飉兮若無止。眾人皆有以,我獨頑且鄙。我獨異於人,而貴食母

Chapitre XX

Renoncez à l’étude, et vous serez exempt de chagrins. Combien est petite la différence de weï (un oui bref) et de o (un oui lent) ! Combien est grande la différence du bien et du mal ! Ce que les hommes craignent, on ne peut s’empêcher de le craindre. Ils s’abandonnent au désordre et ne s’arrêtent jamais. Les hommes de la multitude sont exaltés de joie comme celui qui se repaît de mets succulents, comme celui qui est monté, au printemps, sur une tour élevée. Moi seul je suis calme : (mes affections) n’ont pas encore germé. Je ressemble à un nouveau-né qui n’a pas encore souri à sa mère. Je suis détaché de tout ; on dirait que je ne sais où aller. Les hommes de la multitude ont du superflu ; moi seul je suis comme un homme qui a perdu tout. Je suis un homme d’un esprit borné, je suis dépourvu de connaissances. Les hommes du monde sont remplis de lumières ; moi seul je suis comme plongé dans les ténèbres. Les hommes du monde sont doués de pénétration ; moi seul j’ai l’esprit trouble et confus. Je suis vague comme la mer ; je flotte comme si je ne savais où m’arrêter. Les hommes de la multitude ont tous de la capacité ; moi seul je suis stupide ; je ressemble à un homme rustique. Moi seul je diffère des autres hommes, parce que je révère la mère qui nourrit (tous les êtres).

孔德之容,惟道是從。道之為物,惟恍惟惚。惚兮恍兮,其中有象﹔恍兮 惚兮,其中有物。窈兮冥兮,其中有精﹔其精甚真,其中有信。自今及古 ,其名不去,以閱眾甫。吾何以知眾甫之狀哉?以此。

Chapitre XXI

Les formes visibles de la grande Vertu émanent uniquement du Tao. Voici quelle est la nature du Tao. Il est vague, il est confus. Qu’il est confus, qu’il est vague ! Au dedans de lui, il y a des images. Qu’il est vague, qu’il est confus ! Au dedans de lui, il y a des êtres. Qu’il est profond, qu’il est obscur ! Au dedans de lui il y a une essence spirituelle. Cette essence spirituelle est profondément vraie. Au dedans de lui, réside le témoignage infaillible (de ce qu’il est) ; depuis les temps anciens jusqu’aujourd’hui, son nom n’a point passé. Il donne issue (naissance) à tous les êtres. Comment sais-je qu’il en est ainsi de tous les êtres ? (Je le sais) par le Tao.

曲則全,枉則直,窪則盈,敝則新,少則多,多則惑。是以聖人抱一為天 下式。不自見,故明﹔不自是,故彰﹔不自伐,故有功﹔不自矜,故長。 夫唯不爭,故天下莫能與之爭。古之所謂「曲則全」者,豈虛言哉!誠全 而歸之。

Chapitre XXII

Ce qui est incomplet devient entier. Ce qui est courbé devient droit. Ce qui est creux devient plein. Ce qui est usé devient neuf. Avec peu (de désirs) on acquiert le Tao ; avec beaucoup (de désirs) on s’égare. De là vient que le Saint conserve l’Unité (le Tao), et il est le modèle du monde. Il ne se met pas en lumière, c’est pourquoi il brille. Il ne s’approuve point, c’est pourquoi il jette de l’éclat. Il ne se vante point, c’est pourquoi il a du mérite. Il ne se glorifie point, c’est pourquoi il est le supérieur des autres. Il ne lutte point, c’est pourquoi il n’y a personne dans l’empire qui puisse lutter contre lui. L’axiome des anciens : Ce qui est incomplet devient entier, était-ce une expression vide de sens ? Quand l’homme est devenu véritablement parfait, (le monde) vient se soumettre à lui.

希言自然。故飄風不終朝,驟雨不終日。孰為此者?天地。天地尚不能久 ,而況于人乎?故從事于道者,同于道﹔德者,同于德﹔失者,同于失。 同于道者,道亦樂得之﹔同于德者,德亦樂得之﹔于失者,失亦樂得之。 信不足焉,有不信焉。

Chapitre XXIII

Celui qui ne parle pas (arrive au) non-agir. Un vent rapide ne dure pas toute la matinée ; une pluie violente ne dure pas tout le jour. Qui est-ce qui produit ces deux choses ? Le ciel et la terre. Si le ciel et la terre même ne peuvent subsister longtemps, à plus forte raison l’homme ! C’est pourquoi si l’homme se livre au Tao, il s’identifie au Tao ; s’il se livre a la vertu, il s’identifie à la vertu ; s’il se livre au crime, il s’identifie au crime. Celui qui s’identifie au Tao gagne le Tao ; celui qui s’identifie à la vertu gagne la vertu ; celui qui s’identifie au crime gagne (la honte du) crime. Si l’on ne croit pas fortement (au Tao), l’on finit par n’y plus croire.

企者不立﹔跨者不行﹔自見者不明﹔自是者不彰﹔自伐者無功﹔自矜者不 長。其在道也,曰:餘食贅形。物或惡之,故有道者不處。

Chapitre XXIV

Celui qui se dresse sur ses pieds ne peut se tenir droit ; celui qui étend les jambes ne peut marcher. Celui qui tient à ses vues n’est point éclairé. Celui qui s’approuve lui-même ne brille pas. Celui qui se vante n’a point de mérite. Celui qui se glorifie ne subsiste pas longtemps. Si l’on juge cette conduite selon le Tao, on la compare à un reste d’aliments ou à un goitre hideux qui inspirent aux hommes un constant dégoût. C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’attache pas à cela.

有物混成,先天地生。寂兮寥兮,獨立而不改,周行而不殆,可以為天地 母。吾不知其名,強字之曰道,強為之名曰大。大曰逝,逝曰遠,遠曰反 。故道大,天大,地大,人亦大。域中有四大,而人居其一焉。人法地, 地法天,天法道,道法自然。

Chapitre XXV

Il est un être confus qui existait avant le ciel et la terre. O qu’il est calme ! O qu’il est immatériel ! Il subsiste seul et ne change point. Il circule partout et ne périclite point. Il peut être regardé comme la mère de l’univers. Moi, je ne sais pas son nom. Pour lui donner un titre, je l’appelle Voie (Tao). En m’efforçant de lui faire un nom, je l’appelle grand. De grand, je l’appelle fugace. De fugace je rappelle éloigné. D’éloigné je l’appelle (l’être) qui revient. C’est pourquoi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande, le roi aussi est grand. Dans le monde, il y a quatre grandes choses, et le roi en est une. L’homme imite la terre ; la terre imite le ciel ; le ciel imite le Tao ; le Tao imite sa nature.

重為輕根,靜為躁君。是以君子終日行不離輜重。雖有榮觀,燕處超然。 奈何萬乘之主,而以身輕天下?輕則失根,躁則失君。

Chapitre XXVI

Le grave est la racine du léger ; le calme est le maître du mouvement. De là vient que le Saint marche tout le jour (dans le Tao) et ne s’écarte point de la quiétude et de la gravité. Quoiqu’il possède des palais magnifiques, il reste calme et les fuit. Mais hélas ! les maîtres de dix mille chars se conduisent légèrement dans l’empire ! Par une conduite légère, on perd ses ministres ; par l’emportement des passions, on perd son trône.

善行,無轍跡,善言,無瑕謫﹔善數,不用籌策﹔善閉,無關楗而不可開 ,善結,無繩約而不可解。是以聖人常善救人,故無棄人﹔常善救物,故 無棄物。是謂襲明。故善人者,不善人之師﹔不善人者,善人之資。不貴 其師,不愛其資,雖智大迷,是謂要妙。

Chapitre XXVII

Celui qui sait marcher (dans le Tao) ne laisse pas de traces ; celui qui sait parler ne commet point de fautes ; celui qui sait compter ne se sert point d’instruments de calcul ; celui qui sait fermer (quelque chose) ne se sert point de verrou, et il est impossible de l’ouvrir ; celui qui sait lier (quelque chose) ne se sert point de cordes, et il est impossible de le délier. De là vient que le Saint excelle constamment à sauver les hommes ; c’est pourquoi il n’abandonne pas les hommes. Il excelle constamment à sauver les êtres ; c’est pourquoi il n’abandonne pas les êtres. Cela s’appelle être doublement éclairé. C’est pourquoi l’homme vertueux est le maître de celui qui n’est pas vertueux. L’homme qui n’est pas vertueux est le secours de l’homme vertueux. Si l’un n’estime pas son maître, si l’autre n’affectionne pas celui qui est son secours, quoiqu’ils paraissent doués de prudence, ils sont plongés dans l’aveuglement. Voilà ce qu’il y a de plus important et de plus subtil.

知其雄,守其雌,為天下谿。為天下谿,常德不離,復歸于嬰兒。知其白 ,守其黑,為天下式,常德不忒,復歸于無極。知其榮,守其辱,為天下 谷。為天下谷,常德乃足,復歸于朴。為天下式。朴散則為器,聖人用之 ,則為官長,故大制不割。

Chapitre XXVIII

Celui qui connaît sa force et garde la faiblesse, est la vallée de l’empire (c’est-à-dire le centre où accourt tout l’empire). S’il est la vallée de l’empire, la vertu constante ne l’abandonnera pas ; il reviendra à l’état d’enfant. Celui qui connaît ses lumières et garde les ténèbres, est le modèle de l’empire. S’il est le modèle de l’empire, la vertu constante ne faillira pas (en lui), et il reviendra au comble (de la pureté). Celui qui connaît sa gloire et garde l’ignominie est aussi la vallée de l’empire. S’il est la vallée de l’empire, sa vertu constante atteindra la perfection et il reviendra à la simplicité parfaite (au Tao). Quand la simplicité parfaite (le Tao) s’est répandue, elle a formé les êtres. Lorsque le Saint est élevé aux emplois, il devient le chef des magistrats. Il gouverne grandement et ne blesse personne.

將欲取天下而為之,吾見其不得已。天下神器,不可為也,不可執也。為 者敗之,執者失之。故物或行或隨,或噓或吹,或強或羸,或載或隳,是 以聖人去甚,去奢,去泰。

Chapitre XXIX

Si l’homme agit pour gouverner parfaitement l’empire, je vois qu’il n’y réussira pas. L’empire est (comme) un vase divin (auquel l’homme) ne doit pas travailler. S’il y travaille, il le détruit ; s’il veut le saisir, il le perd. C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns marchent (en avant) et les autres suivent ; les uns réchauffent et les autres refroidissent ; les uns sont forts et les autres faibles ; les uns se meuvent et les autres s’arrêtent. De là vient que le Saint supprime les excès, le luxe et la magnificence.

以道佐人主者,不以兵強天下。其事好還。師之所處,荊棘生焉。大軍之 后,必有凶年。善者果而已,不敢以取強。果而勿矜,果而勿伐,果而勿 驕。果而不得已,果而勿強。物壯則老,是謂不道,不道早已。

Chapitre XXX

Celui qui aide le maître des hommes par le Tao ne (doit pas) subjuguer l’empire par les armes. Quoi qu’on fasse aux hommes, ils rendent la pareille. Partout où séjournent les troupes, on voit naître les épines et les ronces. A la suite des grandes guerres, il y a nécessairement des années de disette. L’homme vertueux frappe un coup décisif et s’arrête. Il n’ose subjuguer l’empire par la force des armes. Il frappe un coup décisif et ne se vante point. Il frappe un coup décisif et ne se glorifie point. Il frappe un coup décisif et ne s’enorgueillit point. Il frappe un coup décisif et ne combat que par nécessité. Il frappe un coup décisif et ne veut point paraître fort. Quand les êtres sont arrivés à la plénitude de leur force, ils vieillissent. Cela s’appelle ne pas imiter le Tao. Celui qui n’imite pas le Tao ne tarde pas à périr.

夫佳兵者,不祥之器,物或惡之,故有道者不處。君子居則貴左,用兵則 貴右。兵者不祥之器,非君子之器,不得已而用之,恬淡為上。勝而不美 ,而美之者,是樂殺人。夫樂殺人者,則不可得志于天下矣。吉事尚左, 凶事尚右。偏將軍居左,上將軍居右,言以喪禮處之。殺人之眾,以悲哀 泣之,戰勝以喪禮處之。

Chapitre XXXI

Les armes les plus excellentes sont des instruments de malheur. Tous les hommes les détestent. C’est pourquoi celui qui possède le Tao ne s’y attache pas. En temps de paix, le sage estime la gauche ; celui qui fait la guerre estime la droite. Les armes sont des instruments de malheur ; ce ne sont point les instruments du sage. Il ne s’en sert que lorsqu’il ne peut s’en dispenser, et met au premier rang le calme et le repos. S’il triomphe, il ne s’en réjouit pas. S’en réjouir, c’est aimer à tuer les hommes. Celui qui aime à tuer les hommes ne peut réussir à régner sur l’empire. Dans les événements heureux, on préfère la gauche ; dans les événements malheureux, on préfère la droite. Le général en second occupe la gauche ; le général en chef occupe la droite. Je veux dire qu’on le place suivant les rites funèbres. Celui qui a tué une multitude d’hommes doit pleurer sur eux avec des larmes et des sanglots. Celui qui a vaincu dans un combat, on le place suivant les rites funèbres.

道常無名,朴雖小,天下莫能臣。侯王若能守之,萬物將自賓。天地相合 ,以降甘露,民莫之令而自均。始制有名,名亦既有,夫亦將知止,知止 可以不殆。譬道之在天下,猶川谷之于江海。

Chapitre XXXII

Le Tao est éternel et il n’a pas de nom. Quoiqu’il soit petit de sa nature, le monde entier ne pourrait le subjuguer. Si les vassaux et les rois peuvent le conserver, tous les êtres viendront spontanément se soumettre à eux. Le ciel et la terre s’uniront ensemble pour faire descendre une douce rosée, et les peuples se pacifieront d’eux-mêmes sans que personne le leur ordonne. Dès que le Tao se fut divisé, il eut un nom. Ce nom une fois établi, il faut savoir se retenir. Celui qui sait se retenir ne périclite jamais. Le Tao est répandu dans l’univers. (Tous les êtres retournent à lui) comme les rivières et les ruisseaux des montagnes retournent aux fleuves et aux mers.

知人者智,自知者明。勝人者有力,自勝者強。知足者富。強行者有志。 不失其所者久。死而不亡者壽。

Chapitre XXXIII

Celui qui connaît les hommes est prudent. Celui qui se connaît lui-même est éclairé. Celui qui dompte les hommes est puissant. Celui qui se dompte lui-même est fort. Celui qui sait se suffire est assez riche. Celui qui agit avec énergie est doué d’une ferme volonté. Celui qui ne s’écarte point de sa nature subsiste longtemps. Celui qui meurt et ne périt pas jouit d’une (éternelle) longévité.

大道氾兮,其可左右。萬物恃之以生而不辭,功成不名有,衣養萬物而不 為主。常無欲,可名于小﹔萬物歸焉而不為主,可名為大。以其終不自為 大,故能成其大。

Chapitre XXXIV

Le Tao s’étend partout ; il peut aller à gauche comme à droite. Tous les êtres comptent sur lui pour naître, et il ne les repousse point. Quand ses mérites sont accomplis, il ne se les attribue point. Il aime et nourrit tous les êtres, et ne se regarde pas comme leur maître. Il est constamment sans désirs : on peut l’appeler petit. Tous les êtres se soumettent à lui, et il ne se regarde pas comme leur maître : on peut l’appeler grand. De là vient que, jusqu’à la fin de sa vie, le Saint ne s’estime pas grand. C’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses.

執大象,天下往。往而不害,安平太。樂與餌,過客止。道之出口,淡乎 其無味。視之不足見,聽之不足聞,用之不足既。

Chapitre XXXV

Le Saint garde la grande image (le Tao), et tous les peuples de l’empire accourent à lui. Ils accourent, et il ne leur fait point de mal ; il leur procure la paix, le calme et la quiétude. La musique et les mets exquis retiennent l’étranger qui passe. Mais lorsque le Tao sort de notre bouche, il est fade et sans saveur. On le regarde et l’on ne peut le voir ; on l’écoute et l’on ne peut l’entendre ; on l’emploie et l’on ne peut l’épuiser.

將欲歙之,必固張之﹔將欲弱之,必固強之﹔將欲廢之,必固興之﹔將欲 取之,必固與之。是謂微明。柔勝剛,弱勝強。魚不可脫于淵,國之利器 ,不可以示人。

Chapitre XXXVI

Lorsqu’une créature est sur le point de se contracter, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de l’expansion. Est-elle sur le point de s’affaiblir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la force. Est-elle sur le point de dépérir, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a eu de la splendeur. Est-elle sur le point d’être dépouillée de tout, (on reconnaît) avec certitude que dans l’origine elle a été comblée de dons. Cela s’appelle (une doctrine à la fois) cachée et éclatante. Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur ; ce qui est faible triomphe de ce qui est fort. Le poisson ne doit point quitter les abîmes ; l’arme acérée du royaume ne doit pas être montrée au peuple.

道常無為而無不為。侯王若能守之,萬物將自化。化而欲作,吾將鎮之以 無名之朴。鎮之以無名之朴,夫亦將不欲。不欲以靜,天下將自正。

Chapitre XXXVII

Le Tao pratique constamment le non-agir et (pourtant) il n’y a rien qu’il ne fasse. Si les rois et les vassaux peuvent le conserver (tous les êtres se convertiront. Si, une fois convertis, ils veulent encore se mettre en mouvement, je les contiendrai à l’aide de l’être simple qui n’a pas de nom (c’est-à-dire par le Tao). L’être simple qui n’a pas de nom, il ne faut pas même le désirer. L’absence de désirs procure la quiétude. Alors l’empire se rectifie de lui-même.

LIVRE II

上德不德,是以有德﹔下德不失德,是以無德。上德無為而無以為﹔下德 無為而有以為。上仁為之而無以為﹔上義為之而有以為。上禮為之而莫之 應,則攘臂而扔之。故失道而后德,失德而后仁,失仁而后義,失義而后 禮。夫禮者,忠信之薄,而亂之首。前識者,道之華,而愚之始。是以大 丈夫處其厚,不居其薄﹔處其實,不居其華。故去彼取此。

Chapitre XXXVIII

Les hommes d’une vertu supérieure ignorent leur vertu ; c’est pourquoi ils ont de la vertu. Les hommes d’une vertu inférieure n’oublient pas leur vertu ; c’est pourquoi ils n’ont point de vertu. Les hommes d’une vertu supérieure la pratiquent sans y songer. Les hommes d’une vertu inférieure la pratiquent avec intention. Les hommes d’une humanité supérieure la pratiquent sans y songer. Les hommes d’une équité supérieure la pratiquent avec intention. Les hommes d’une urbanité supérieure la pratiquent et personne n’y répond ; alors ils emploient la violence pour qu’on les paye de retour. C’est pourquoi l’on a de la vertu après avoir perdu le Tao ; de l’humanité après avoir perdu la vertu ; de l’équité après avoir perdu l’humanité ; de l’urbanité après avoir perdu l’équité. L’urbanité n’est que l’écorce de la droiture et de la sincérité ; c’est la source du désordre. Le faux savoir n’est que la fleur du Tao et le principe de l’ignorance. C’est pourquoi un grand homme s’attache au solide et laisse le superficiel. Il estime le fruit et laisse la fleur. C’est pourquoi il rejette l’une et adopte l’autre.

昔之得一者:天得一以清﹔地得一以寧﹔神得一以靈﹔谷得一以盈﹔萬物 得一以生﹔侯王得一以為天下正。其致之也,天無以清,將恐裂﹔地無以 寧,將恐廢﹔神無以靈,將恐歇﹔谷無以盈,將恐竭﹔萬物無以生,將恐 滅﹔侯王無以貞,將恐蹶。故貴以賤為本,高以下為基。是以侯王自稱孤 、寡、不穀。此非以賤為本邪?非乎?故致譽無譽。是故不欲琭琭如玉, 珞珞如石。

Chapitre XXXIX

Voici les choses qui jadis ont obtenu l’Unité. Le ciel est pur parce qu’il a obtenu l’Unité. La terre est en repos parce qu’elle a obtenu l’Unité. Les esprits sont doués d’une intelligence divine parce qu’ils ont obtenu l’Unité. Les vallées se remplissent parce qu’elles ont obtenu l’Unité. Les dix mille êtres naissent parce qu’ils ont obtenu l’Unité. Les princes et rois sont les modèles du monde parce qu’ils ont obtenu l’Unité. Voilà ce que l’Unité a produit. Si le ciel perdait sa pureté, il se dissoudrait ; Si la terre perdait son repos, elle s’écroulerait ; Si les esprits perdaient leur intelligence divine, ils s’anéantiraient ; Si les vallées ne se remplissaient plus, elles se dessécheraient ; Si les dix mille êtres ne naissaient plus, ils s’éteindraient ; Si les princes et les rois s’enorgueillissaient de leur noblesse et de leur élévation, et cessaient d’être les modèles (du monde), ils seraient renversés. C’est pourquoi les nobles regardent la roture comme leur origine ; les hommes élevés regardent la bassesse de la condition comme leur premier fondement. De là vient que les princes et les rois s’appellent eux-mêmes orphelins, hommes de peu de mérite, hommes dénués de vertu. Ne montrent-ils pas par là qu’ils regardent la roture comme leur véritable origine ? Et ils ont raison ! C’est pourquoi, si vous décomposez un char, vous n’avez plus de char. (Le sage) ne veut pas être estimé comme le jade, ni méprisé comme la pierre.

反者道之動﹔弱者道之用。天下萬物生于有,有生于無。

Chapitre XL

Le retour au non-être (produit) le mouvement du Tao. La faiblesse est la fonction du Tao. Toutes les choses du monde sont nées de l’être ; l’être est né du non-être.

上士聞道,勤而行之﹔中士聞道,若存若亡﹔下士聞道,大笑之。不笑不 足以為道。故建言有之:明道若昧﹔進道若退﹔夷道若纇﹔上德若谷﹔大 白若辱﹔廣德若不足﹔建德若偷﹔質真若渝﹔大方無隅﹔大器晚成﹔大音 希聲﹔大象無形﹔道隱無名。夫唯道,善貸且成。

Chapitre XLI

Quand les lettrés supérieurs ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle. Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent. Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao, ils le tournent en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao. C’est pourquoi les anciens disaient : Celui qui a l’intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres. Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré. Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire. L’homme d’une vertu supérieure est comme une vallée. L’homme d’une grande pureté est comme couvert d’opprobre. L’homme d’un mérite immense paraît frappé d’incapacité. L’homme d’une vertu solide semble dénué d’activité. L’homme simple et vrai semble vil et dégradé. C’est un grand carré dont on ne voit pas les angles ; un grand vase qui semble loin d’être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grande image dont on n’aperçoit point la forme ! Le Tao se cache et personne ne peut le nommer. Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.

道生一,一生二,二生三,三生萬物。萬物負陰而抱陽,沖氣以為和。人 之所惡,唯孤、寡、不谷,而王公以為稱。故物或損之而益,或益之而損 。人之所教,我亦教之。強梁者不得其死,吾將以為教父。

Chapitre XLII

Le Tao a produit un ; un a produit deux ; deux a produit trois ; trois a produit tous les êtres. Tous les êtres fuient le calme et cherchent le mouvement. Un souffle immatériel forme l’harmonie. Ce que les hommes détestent, c’est d’être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s’appellent ainsi eux-mêmes. C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant ; les autres se diminuent en s’augmentant. Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi. Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle. Je veux prendre leur exemple pour la base de mes instructions.

天下之至柔,馳騁天下之至堅。無有入無間。吾是以知無為之有益,不言 之教,無為之益,天下希及之。

Chapitre XLIII

Les choses les plus molles du monde subjuguent les choses les plus dures du monde. Le non-être traverse les choses impénétrables. C’est par là que je sais que le non-agir est utile. Dans l’univers, il y a bien peu d’hommes qui sachent instruire sans parler et tirer profit du non-agir.

名與身孰親?身與貨孰多?得與亡孰病?是故甚愛必大費﹔多藏必厚亡。

Chapitre XLIV

故知足不辱,知止不殆,可以長久。 Qu’est-ce qui nous touche de plus près, de notre gloire ou de notre personne ? Qu’est-ce qui nous est le plus précieux, de notre personne ou de nos richesses ? Quel est le plus grand malheur, de les acquérir ou de les perdre ? C’est pourquoi celui qui a de grandes passions est nécessairement exposé à de grands sacrifices. Celui qui cache un riche trésor éprouve nécessairement de grandes pertes. Celui qui sait se suffire est à l’abri du déshonneur. Celui qui sait s’arrêter ne périclite jamais. Il pourra subsister longtemps.

大成若缺,其用不弊。大盈若沖,其用不窮。大直若屈,大巧若拙,大辯 若訥。靜勝躁,寒勝熱。清靜為天下正。

Chapitre XLV

(Le Saint) est grandement parfait, et il paraît plein d’imperfections ; ses ressources ne s’usent point. Il est grandement plein, et il paraît vide ; ses ressources ne s’épuisent point. Il est grandement droit, et il semble manquer de rectitude. Il est grandement ingénieux, et il paraît stupide. Il est grandement disert, et il paraît bègue. Le mouvement triomphe du froid ; le repos triomphe de la chaleur. Celui qui est pur et tranquille devient le modèle de l’univers.

天下有道,卻走馬以糞。天下無道,戎馬生于郊。禍莫大于不知足﹔咎莫 大于欲得。故知足之足,常足矣

Chapitre XLVI

Lorsque le Tao régnait dans le monde, on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs. Depuis que le Tao ne règne plus dans le monde, les chevaux de combat naissent sur les frontières. Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs. Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire. Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir. Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort.

不出戶,知天下﹔不窺牖,見天道。其出彌遠,其知彌少。是以聖人不行 而知,不見而明,不為而成。

Chapitre XLVII

Sans sortir de ma maison, je connais l’univers ; sans regarder par ma fenêtre, je découvre les voies du ciel. Plus l’on s’éloigne et moins l’on apprend. C’est pourquoi le sage arrive (où il veut) sans marcher ; il nomme les objets sans les voir ; sans agir, il accomplit de grandes choses.

為學日益,為道日損。損之又損,以至于無為。無為而無不為。取天下常 以無事,及其有事,不足以取天下。

Chapitre XLVIII

Celui qui se livre à l’étude augmente chaque jour (ses connaissances). Celui qui se livre au Tao diminue chaque jour (ses passions). Il les diminue et les diminue sans cesse jusqu’à ce qu’il soit arrivé au non-agir. Dès qu’il pratique le non-agir, il n’y a rien qui lui soit impossible. C’est toujours par le non-agir que l’on devient le maître de l’empire. Celui qui aime à agir est incapable de devenir le maître de l’empire.

聖人常無心,以百姓心為心。善者,吾善之﹔不善者,吾亦善之﹔德善。 信者,吾信之﹔不信者,吾亦信之﹔德信。聖人在天下,歙歙焉,為天下 渾其心,百姓皆注其耳目,聖人皆孩之。

Chapitre XLIX

Le Saint n’a point de sentiments immuables. Il adopte les sentiments du peuple. Celui qui est vertueux, il le traite comme un homme vertueux ; celui qui n’est pas vertueux, il le traite aussi comme un homme vertueux. C’est là le comble de la vertu. Celui qui est sincère, il le traite comme un homme sincère ; celui qui n’est pas sincère, il le traite aussi comme un homme sincère. C’est là le comble de la sincérité. Le Saint, vivant dans le monde, reste calme et tranquille, et conserve les mêmes sentiments pour tous. Les cent familles attachent sur lui leurs oreilles et leurs yeux. Le Saint regarde le peuple comme un enfant.

出生入死。生之徒十有三﹔死之徒十有三。人之生,動之于死地,亦十有 三。夫何故?以其生生之厚。蓋聞善攝生者,路行不遇兕虎,入軍不被甲 兵。兕無所投其角,虎無所措其爪,兵無所容其刃。夫何故?以其無死地 。

Chapitre L

L’homme sort de la vie pour entrer dans la mort. Il y a treize causes de vie et treize causes de mort. A peine est-il né que ces treize causes de mort l’entraînent rapidement au trépas. Quelle en est la raison ? C’est qu’il veut vivre avec trop d’intensité. Or j’ai appris que celui qui sait gouverner sa vie ne craint sur sa route ni le rhinocéros, ni le tigre. S’il entre dans une armée, il n’a besoin ni de cuirasse, ni d’armes. Le rhinocéros ne saurait où le frapper de sa corne, le tigre où le déchirer de ses ongles, le soldat où le percer de son glaive. Quelle en est la cause ? Il est à l’abri de la mort !

道生之,德畜之,物形之,勢成之。是以萬物莫不尊道而貴德。道之尊, 德之貴,夫莫之命而常自然。故道生之,德畜之﹔長之育之﹔成之熟之﹔ 養之覆之。生而不有,為而不恃,長而不宰。是謂玄德。

Chapitre LI

Le Tao produit les êtres, la Vertu les nourrit. Ils leur donnent un corps et les perfectionnent par une secrète impulsion. C’est pourquoi tous les êtres révèrent le Tao et honorent la Vertu. Personne n’a conféré au Tao sa dignité, ni à la Vertu sa noblesse : ils les possèdent éternellement en eux-mêmes. C’est pourquoi le Tao produit les êtres, les nourrit, les fait croître, les perfectionne, les mûrit, les alimente, les protège. Il les produit et ne se les approprie point ; il les fait ce qu’ils sont et ne s’en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres. C’est là ce qu’on appelle une vertu profonde.

天下有始,以為天下母。既得其母,以知其子,復守其母,沒身不殆。塞 其兌,閉其門,終身不勤。開其兌,濟其事,終身不救。見小曰明,守柔 曰強。用其光,復歸其明,無遺身殃﹔是為習常。

Chapitre LII

Le principe du monde est devenu la mère du monde. Dès qu’on possède la mère, on connaît ses enfants. Dès que l’homme connaît les enfants et qu’il conserve leur mère, jusqu’à la fin de sa vie il n’est exposé à aucun danger. S’il clôt sa bouche, s’il ferme ses oreilles et ses yeux, jusqu’au terme de ses jours, il n’éprouvera aucune fatigue. Mais s’il ouvre sa bouche et augmente ses désirs, jusqu’à la fin de sa vie, il ne pourra être sauvé. Celui qui voit les choses les plus subtiles s’appelle éclairé ; celui qui conserve la faiblesse s’appelle fort. S’il fait usage de l’éclat (du Tao) et revient à sa lumière, son corps n’aura plus à craindre aucune calamité. C’est là ce qu’on appelle être doublement éclairé.

使我介然有知,行于大道,唯施是畏。大道甚夷,而人好徑。朝甚除,田 甚蕪,倉甚虛﹔服文采,帶利劍,厭飲食,財貨有餘﹔是為盜夸。非道也 哉!

Chapitre LIII

Si j’étais doué de quelque connaissance, je marcherais dans la grande Voie. La seule chose que je craigne, c’est d’agir. La grande Voie est très unie, mais le peuple aime les sentiers. Si les palais sont très brillants, les champs sont très incultes, et les greniers très vides. Les princes s’habillent de riches étoffes ; ils portent un glaive tranchant ; ils se rassasient de mets exquis ; ils regorgent de richesses. C’est ce qu’on appelle se glorifier du vol ; ce n’est point pratiquer le Tao.

善建者不拔,善抱者不脫,子孫以祭祀不輟。修之于身,其德乃真﹔修之 于家,其德乃餘﹔修之于鄉,其德乃長﹔修之于國,其德乃豐﹔修之于天 下,其德乃普。故以身觀身,以家觀家,以鄉觀鄉,以國觀國,以天下觀 天下。吾何以知天下然哉?以此。

Chapitre LIV

Celui qui sait fonder ne craint point la destruction ; celui qui sait conserver ne craint point de perdre. Ses fils et ses petits-fils lui offriront des sacrifices sans interruption. Si (l’homme) cultive le Tao au dedans de lui-même, sa vertu deviendra sincère. S’il le cultive dans sa famille, sa vertu deviendra surabondante. S’il le cultive dans le village, sa vertu deviendra étendue. S’il le cultive dans le royaume, sa vertu deviendra florissante. S’il le cultive dans l’empire, sa vertu deviendra universelle. C’est pourquoi, d’après moi-même, je juge des autres hommes ; d’après une famille, je juge des autres familles ; d’après un village, je juge des autres villages ; d’après un royaume, je juge des autres royaumes ; d’après l’empire, je juge de l’empire. Comment sais-je qu’il en est ainsi de l’empire ? C’est uniquement par là.

含「德」之厚,比于赤子。毒蟲不螫,猛獸不據,攫鳥不搏。骨弱筋柔而 握固。未知牝牡之合而朘作,精之至也。終日號而不嗄,和之至也。知和 曰「常」,知常曰「明」。益生曰「祥」。心使氣曰「強」。物壯則老, 謂之不道,不道早已。

Chapitre LV

Celui qui possède une vertu solide ressemble à un nouveau-né qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux, ni les griffes des bêtes féroces, ni les serres des oiseaux de proie. Ses os sont faibles, ses nerfs sont mous, et cependant il saisit fortement les objets. Il ne connaît pas encore l’union des deux sexes, et cependant certaines parties (de son corps) éprouvent un orgasme viril. Cela vient de la perfection du semen. Il crie tout le jour et sa voix ne s’altère point ; cela vient de la perfection de l’harmonie (de la force vitale). Connaître l’harmonie s’appelle être constant. Connaître la constance s’appelle être éclairé. Augmenter sa vie s’appelle une calamité. Quand le cœur donne l’impulsion à l’énergie vitale, cela s’appelle être fort. Dès que les êtres sont devenus robustes, ils vieillissent. C’est ce qu’on appelle ne pas imiter le Tao. Celui qui n’imite pas le Tao périt de bonne heure.

知者不言,言者不知。塞其兌,閉其門,挫其銳,解其紛,和其光,同其 塵,是謂「玄同」。故不可得而親,不可得而疏﹔不可得而利,不可得而 害﹔不可得而貴,不可得而賤。故為天下貴。

Chapitre LVI

L’homme qui connaît (le Tao) ne parle pas ; celui qui parle ne le connaît pas. Il clôt sa bouche, il ferme ses oreilles et ses yeux, il émousse son activité, il se dégage de tous liens, il tempère sa lumière (intérieure), il s’assimile au vulgaire. On peut dire qu’il ressemble au Tao. Il est inaccessible à la faveur comme à la disgrâce, au profit comme au détriment, aux honneurs comme à l’ignominie. C’est pourquoi il est l’homme le plus honorable de l’univers.

以正治國,以奇用兵,以無事取天下。吾何以知其然哉?以此:天下多忌 諱,而民彌貧﹔人多利器,國家滋昏﹔人多伎巧,奇物滋起﹔法令滋彰, 盜賊多有。故聖人云:「我無為,而民自化﹔我好靜,而民自正﹔我無事 ,而民自富﹔我無欲,而民自朴」。

Chapitre LVII

Avec la droiture, on gouverne le royaume ; avec la ruse, on fait la guerre ; avec le non-agir, on devient le maître de l’empire. Comment sais-je qu’il en est ainsi de l’empire ? Par ceci. Plus le roi multiplie les prohibitions et les défenses, et plus le peuple s’appauvrit ; Plus le peuple a d’instruments de lucre, et plus le royaume se trouble ; Plus le peuple a d’adresse et d’habileté, et plus l’on voit fabriquer d’objets bizarres ; Plus les lois se manifestent, et plus les voleurs s’accroissent. C’est pourquoi le Saint dit : Je pratique le non-agir, et le peuple se convertit de lui-même. J’aime la quiétude, et le peuple se rectifie de lui-même. Je m’abstiens de toute occupation, et le peuple s’enrichit de lui-même. Je me dégage de tous désirs, et le peuple revient de lui-même à la simplicité.

其政悶悶,其民淳淳﹔其政察察,其民缺缺。禍兮,福之所倚,福兮,禍 之所伏。孰知其極?其無正也。正復為奇,善復為妖。人之迷,其日固久 。是以聖人方而不割,廉而不劌,直而不肆,光而不耀。

Chapitre LVIII

Lorsque l’administration (paraît) dépourvue de lumières, le peuple devient riche. Lorsque l’administration est clairvoyante le peuple manque de tout. Le bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Qui peut en prévoir la fin ? Si le prince n’est pas droit, les hommes droits deviendront trompeurs, et les hommes vertueux, pervers. Les hommes sont plongés dans l’erreur, et cela dure depuis bien longtemps ! C’est pourquoi le Saint est juste et ne blesse pas (le peuple). Il est désintéressé et ne lui fait pas de tort. Il est droit et ne le redresse pas. Il est éclairé et ne l’éblouit pas.

治人事天,莫若嗇。夫為嗇,是謂早服﹔早服謂之重積德﹔重積德則無不 克﹔無不克則莫知其極﹔莫知其極,可以有國﹔有國之母,可以長久﹔是 謂深根固柢,長生久視之道。

Chapitre LIX

Pour gouverner les hommes et servir le ciel, rien n’est comparable à la modération. La modération doit être le premier soin de l’homme. Quand elle est devenue son premier soin, on peut dire qu’il accumule abondamment la vertu. Quand il accumule abondamment la vertu, il n’y a rien dont il ne triomphe. Quand il n’y a rien dont il ne triomphe, personne ne connaît ses limites. Quand personne ne connaît ses limites, il peut posséder le royaume. Celui qui possède la mère du royaume peut subsister longtemps. C’est ce qu’on appelle avoir des racines profondes et une tige solide. Voilà l’art de vivre longuement et de jouir d’une existence durable.

治大國,若烹小鮮。以道蒞天下,其鬼不神﹔非其鬼不神,其神不傷人﹔ 非其神不傷人,聖人亦不傷人。夫兩不相傷,故德交歸焉。

Chapitre LX

Pour gouverner un grand royaume, (on doit) imiter (celui qui) fait cuire un petit poisson. Lorsque le prince dirige l’empire par le Tao, les démons ne montrent point leur puissance. Ce n’est point que les démons manquent de puissance, c’est que les démons ne blessent point les hommes. Ce n’est point que les démons ne (puissent) blesser les hommes, c’est que le Saint lui-même ne blesse point les hommes. Ni le Saint ni les démons ne les blessent ; c’est pourquoi ils confondent ensemble leur vertu.

大國者下流,天下之交也,天下之牝。牝常以靜勝牡,以靜為下。故大國 以下小國,則取小國﹔小國以下大國,則取大國。故或下以取,或下而取 。大國不過欲兼畜人,小國不過欲入事人。夫兩者各得所欲,大者宜為下 。

Chapitre LXI

Un grand royaume (doit s’abaisser comme) les fleuves et les mers, où se réunissent (toutes les eaux de) l’empire. Dans le monde, tel est le rôle de la femelle. En restant en repos, elle triomphe constamment du mâle. Ce repos est une sorte d’abaissement. C’est pourquoi, si un grand royaume s’abaisse devant les petits royaumes, il gagnera les petits royaumes. Si les petits royaumes s’abaissent devant un grand royaume, ils gagneront le grand royaume. C’est pourquoi les uns s’abaissent pour recevoir, les autres s’abaissent pour être reçus. Ce que désire uniquement un grand royaume, c’est de réunir et de gouverner les autres hommes. Ce que désire uniquement un petit royaume, c’est d’être admis à servir les autres hommes. Alors tous deux obtiennent ce qu’ils désiraient. Mais les grands doivent s’abaisser !

道者萬物之奧。善人之寶,不善人之所保。美言可以市尊,美行可以加人 。人之不善,何棄之有?故立天子,置三公,雖有拱璧以先駟馬,不如坐 進此道。古之所以貴此道者何?不曰求以得,有罪以免耶?故為天下貴。

Chapitre LXII

Le Tao est l’asile de tous les êtres ; c’est le trésor de l’homme vertueux et l’appui du méchant. Les paroles excellentes peuvent faire notre richesse, les actions honorables peuvent nous élever au-dessus des autres. Si un homme n’est pas vertueux, pourrait-on le repousser avec mépris ? C’est pour cela qu’on avait établi un empereur et institué trois ministres. Il est beau de tenir devant soi une tablette de jade, ou d’être monté sur un quadrige ; mais il vaut mieux rester assis pour avancer dans le Tao. Pourquoi les anciens estimaient-ils le Tao ? N’est-ce pas parce qu’on le trouve naturellement sans le chercher tout le jour ? n’est-ce pas parce que les coupables obtiennent par lui la liberté et la vie ? C’est pourquoi (le Tao) est l’être le plus estimable du monde.

為無為,事無事,味無味。大小多少,報怨以德。圖難于其易,為大于其 細。天下難事,必作于易,天下大事,必作于細。是以聖人終不為大,故 能成其大。夫輕諾必寡信,多易必多難。是以聖人猶難之,故終無難矣。

Chapitre LXIII

(Le sage) pratique le non-agir il s’occupe de la non-occupation, et savoure ce qui est sans saveur. Les choses grandes ou petites, nombreuses ou rares, (sont égales à ses yeux). Il venge ses injures par des bienfaits. Il commence par des choses aisées, lorsqu’il en médite de difficiles ; par de petites choses, lorsqu’il en projette de grandes. Les choses les plus difficiles du monde ont nécessairement commencé par être aisées. Les choses les plus grandes du monde ont nécessairement commencé par être petites. De là vient que, jusqu’à la fin, le Saint ne cherche point à faire de grandes choses ; c’est pourquoi il peut accomplir de grandes choses. Celui qui promet à la légère lient rarement sa parole. Celui qui trouve beaucoup de choses faciles éprouve nécessairement de nombreuses difficultés. De là vient que le Saint trouve tout difficile ; c’est pourquoi, jusqu’au terme de sa vie, il n’éprouve nulles difficultés.

其安易持,其未兆易謀,其脆易泮,其微易散,為之于未有,治之于未亂 。合抱之木,生于毫末﹔九層之臺,起于累土﹔千里之行,始于足下。為 者拜之,執者失之,是以聖人無為,故無敗,無執,故無師。民之從事, 常于几成而敗之﹔慎終如始,則無敗事。是以聖人欲不欲,不貴難得之貨 ﹔學不學,復眾人之所過。以輔萬物之自然,而不敢為。

Chapitre LXIV

Ce qui est calme est aisé à maintenir ; ce qui n’a pas encore paru est aisé à prévenir ; ce qui est faible est aisé à briser ; ce qui est menu est aisé à disperser. Arrêtez le mal avant qu’il n’existe ; calmez le désordre avant qu’il n’éclate. Un arbre d’une grande circonférence est né d’une racine aussi déliée qu’un cheveu ; une tour de neuf étages est sortie d’une poignée de terre ; un voyage de mille lis a commencé par un pas ! Celui qui agit échoue ; celui qui s’attache à une chose la perd. De là vient que le Saint n’agit pas, c’est pourquoi il n’échoue point. Il ne s’attache à rien, c’est pourquoi il ne perd point. Lorsque le peuple fait une chose, il échoue toujours au moment de réussir. Soyez attentif à la fin comme au commencement, et alors vous n’échouerez jamais. De là vient que le Saint fait consister ses désirs dans l’absence de tout désir. Il n’estime point les biens d’une acquisition difficile. Il fait consister son étude dans l’absence de toute étude, et se préserve des fautes des autres hommes. Il n’ose pas agir afin d’aider tous les êtres à suivre leur nature.

古之善為道者,非以明民,將以愚之。民之難治,以其智多。故以智治國 ,國之賊﹔不以智治國,國之福。知此兩者,亦稽式。常知稽式,是謂「 玄德」,「玄德」深遠﹔與物反矣,然后乃至大順。

Chapitre LXV

Dans l’antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao ne l’employaient point à éclairer le peuple ; ils l’employaient à le rendre simple et ignorant. Le peuple est difficile à gouverner parce qu’il a trop de prudence ; Celui qui se sert de la prudence pour gouverner le royaume, est le fléau du royaume. Celui qui ne se sert pas de la prudence pour gouverner le royaume, fait le bonheur du royaume. Lorsqu’on connaît ces deux choses, on est le modèle (de l’empire). Savoir être le modèle (de l’empire), c’est être doué d’une vertu céleste. Cette vertu céleste est profonde, immense, opposée aux créatures. Par elle on parvient à procurer une paix générale.

江海之所以能為百谷王者,以其善下之,故能為百谷王。是以聖人欲上民 ,必以言下之﹔欲先民,必以身后之。是以聖人處上而民不重,處前而民 不害。是以天下樂推而不厭。以其不爭,故天下莫能與之爭

Chapitre LXVI

Pourquoi les fleuves et les mers peuvent-ils être les rois de toutes les eaux ? Parce qu’ils savent se tenir au-dessous d’elles. C’est pour cela qu’ils peuvent être les rois de toutes les eaux. Aussi lorsque le Saint désire d’être au-dessus du peuple, il faut que, par ses paroles, il se mette au-dessous de lui. Lorsqu’il désire d’être placé en avant du peuple, il faut que, de sa personne, il se mette après lui. De là vient que le Saint est placé au-dessus de tous et il n’est point à charge au peuple ; il est placé en avant de tous et le peuple n’en souffre pas. Aussi tout l’empire aime à le servir et ne s’en lasse point. Comme il ne dispute pas (le premier rang), il n’y a personne dans l’empire qui puisse le lui disputer.

天下皆謂我道大,似不肖。夫唯大,故似不肖﹔若肖,久矣其細也夫!我 有三寶,持而保之。一曰慈,二曰儉,三曰不敢為天下先。慈故能勇﹔儉 故能廣﹔不敢為天下先,故能成器長。今舍慈且勇﹔舍儉且廣﹔舍后且先 ﹔死矣!夫慈以戰則勝,以守則固。天將救之,以慈衛之。

Chapitre LXVII

Dans le monde tous me disent éminent, mais je ressemble à un homme borné. C’est uniquement parce que je suis éminent, que je ressemble à un homme borné. Quant à (ceux qu’on appelle) éclairés, il y a longtemps que leur médiocrité est connue ! Je possède trois choses précieuses : je les tiens et les conserve comme un trésor. La première s’appelle l’affection ; la seconde s’appelle l’économie ; la troisième s’appelle l’humilité, qui m’empêche de vouloir être le premier de l’empire. J’ai de l’affection, c’est pourquoi je puis être courageux. J’ai de l’économie, c’est pourquoi je puis faire de grandes dépenses. Je n’ose être le premier de l’empire, c’est pourquoi je puis devenir le chef de tous les hommes. Mais aujourd’hui on laisse l’affection pour s’abandonner au courage ; on laisse l’économie pour se livrer à de grandes dépenses ; on laisse le dernier rang pour rechercher le premier : Voilà ce qui conduit à la mort. Si l’on combat avec un cœur rempli d’affection, on remporte la victoire ; si l’on défend (une ville), elle est inexpugnable. Quand le ciel veut sauver un homme, il lui donne l’affection pour le protéger.

善為士者不武﹔善戰者不怒﹔善勝敵者不與﹔善用人者為之下。是謂不爭 之德,是謂用人之力,是謂配天古之極。

Chapitre LXVIII

Celui qui excelle à commander une armée, n’a pas une ardeur belliqueuse. Celui qui excelle à combattre ne se laisse pas aller à la colère. Celui qui excelle à vaincre ne lutte pas. Celui qui excelle à employer les hommes se met au-dessous d’eux. C’est là ce qu’on appelle posséder la vertu qui consiste à ne point lutter. C’est ce qu’on appelle savoir se servir des forces des hommes. C’est ce qu’on appelle s’unir au ciel. Telle était la science sublime des anciens.

用兵有言:「吾不敢為主而為客﹔不敢進寸而退尺。」是謂行無行﹔攘無 臂﹔扔無敵﹔執無兵。禍莫大于輕敵,輕敵几喪吾寶。故抗兵相若,哀者 勝矣。

Chapitre LXIX

Voici ce que disait un ancien guerrier : Je n’ose donner le signal, j’aime mieux le recevoir. Je n’ose avancer d’un pouce, j’aime mieux reculer d’un pied. C’est ce qui s’appelle n’avoir pas de rang à suivre, de bras à étendre, d’ennemis à poursuivre, ni d’arme à saisir. Il n’y a pas de plus grand malheur que de résister à la légère. Résister à la légère, c’est presque perdre notre trésor. Aussi, lorsque deux armées combattent à armes égales, c’est l’homme le plus compatissant qui remporte la victoire.

吾言甚易知,甚易行。天下莫能知,莫能行。言有宗,事有君。夫唯無知 ,是以不我知。知我者希,則我者貴。是以聖人被褐而懷玉。

Chapitre LXX

Mes paroles sont très faciles à comprendre, très faciles à pratiquer. Dans le monde personne ne peut les comprendre, personne ne peut les pratiquer. Mes paroles ont une origine, mes actions ont une règle. Les hommes ne les comprennent pas, c’est pour cela qu’ils m’ignorent. Ceux qui me comprennent sont bien rares. Je n’en suis que plus estimé. De là vient que le Saint se revêt d’habits grossiers et cache des pierres précieuses dans son sein.

知,不知,上矣﹔不知,知,病也。聖人不病,以其病病。夫唯病病,是 以不病。

Chapitre LXXI

Savoir et (croire qu’on) ne sait pas, c’est le comble du mérite. Ne pas savoir et (croire qu’on) sait, c’est la maladie (des hommes). Si vous vous affligez de cette maladie vous ne l’éprouverez pas. Le Saint n’éprouve pas cette maladie, parce qu’il s’en afflige. Voilà pourquoi il ne l’éprouve pas.

民不畏威,則大威至。無狎其所居,無厭其所生。夫唯不厭,是以不厭。 是以聖人自知不自見﹔自愛不自貴。故去彼取此。

Chapitre LXXII

Lorsque le peuple ne craint pas les choses redoutables, ce qu’il y a de plus redoutable (la mort) vient fondre sur lui. Gardez-vous de vous trouver à l’étroit dans votre demeure, gardez-vous de vous dégoûter de votre sort, Je ne me dégoûte point du mien, c’est pourquoi il ne m’inspire point de dégoût. De là vient que le Saint se connaît lui-même et ne se met point en lumière ; il se ménage et ne se prise point. C’est pourquoi il laisse ceci et adopte cela.

勇于敢則殺,勇于不敢則活。此兩者,或利或害。天之所惡,孰知其故? 是以聖人猶難之。天之道,不爭而善勝,不言而善應,不召而自來,繕然 而善謀。天網恢恢,疏而不失。

Chapitre LXXIII

Celui qui met son courage à oser, trouve la mort. Celui qui met son courage à ne pas oser, trouve la vie. De ces deux choses, l’une est utile, l’autre est nuisible. Lorsque le ciel déteste quelqu’un, qui est-ce qui pourrait sonder ses motifs ? C’est pourquoi le Saint se décide difficilement à agir. Telle est la voie (la conduite) du ciel. Il ne lutte point, et il sait remporter la victoire. Il ne parle point, et (les êtres) savent lui obéir. Il ne les appelle pas, et ils accourent d’eux-mêmes. Il paraît lent, et il sait former des plans habiles. Le filet du ciel est immense, ses mailles sont écartées et cependant personne n’échappe.

民不畏死,奈何以死懼之?若使民常畏死,而為奇者,吾得執而殺之,孰 敢?常有司殺者殺。夫代司殺者殺,是謂代大匠斲,夫代大匠斲者,希有 不傷其手矣。

Chapitre LXXIV

Lorsque le peuple ne craint pas la mort, comment l’effrayer par la menace de la mort ? Si le peuple craint constamment la mort, et que quelqu’un fasse le mal, je puis le saisir et le tuer, et alors qui osera (l’imiter) ? Il y a constamment un magistrat suprême qui inflige la mort. Si l’on veut remplacer ce magistrat suprême, et infliger soi-même la mort, on ressemble à un homme (inhabile) qui voudrait tailler le bois à la place d’un charpentier. Lorsqu’on veut tailler le bois à la place d’un charpentier, il est rare qu’on ne se blesse pas les mains.

民之飢,以其上食稅之多,是以飢。民之難治,以其上之有為,是以難治 。民之輕死,以其上求生之厚,是以輕死。夫唯無以生為者,是賢于貴生 。

Chapitre LXXV

Le peuple a faim parce que le prince dévore une quantité d’impôts. Voilà pourquoi il a faim. Le peuple est difficile à gouverner parce que le prince aime à agir. Voilà pourquoi il est difficile à gouverner. Le peuple méprise la mort parce qu’il cherche avec trop d’ardeur les moyens de vivre. Voilà pourquoi il méprise la mort. Mais celui qui ne s’occupe pas de vivre est plus sage que celui qui estime la vie.

人之生也柔弱,其死也堅強。草木之生也柔脆,其死也枯槁。故堅強者死 之徒,柔弱者生之徒。是以兵強則滅,木強則折。強大處下,柔弱處上。

Chapitre LXXVI

Quand l’homme vient au monde, il est souple et faible ; quand il meurt, il est roide et fort. Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres ; quand ils meurent, ils sont secs et arides. La roideur et la force sont les compagnes de la mort ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie. C’est pourquoi, lorsqu’une armée est forte, elle ne remporte pas la victoire. Lorsqu’un arbre est devenu fort, on l’abat. Ce qui est fort et grand occupe le rang inférieur ; ce qui est souple et faible occupe le rang supérieur.

天之道,其猶張弓歟?高者抑之,下者舉之﹔有餘者損之,不足者補之。 天之道,損有餘而補不足。人之道,則不然,損不足以奉有餘。孰能有餘 以奉天下,唯有道者。是以聖人為而不恃,功成而不處,其不欲見賢。

Chapitre LXXVII

La voie du ciel (c’est-à-dire le ciel) est comme l’ouvrier en arcs, qui abaisse ce qui est élevé, et élève ce qui est bas ; qui ôte le superflu, et supplée à ce qui manque. Le ciel ôte à ceux qui ont du superflu pour aider ceux qui n’ont pas assez. Il n’en est pas ainsi de l’homme : il ôte à ceux qui n’ont pas assez pour donner à ceux qui ont du superflu. Quel est celui qui est capable de donner son superflu aux hommes de l’empire ? Celui-là seul qui possède le Tao. C’est pourquoi le Saint fait (le bien) et ne s’en prévaut point. Il accomplît de grandes choses et ne s’y attache point. Il ne veut pas laisser voir sa sagesse.

天下莫柔弱于水,而攻堅強者,莫之能勝,以其無以易之。弱之勝強,柔 之勝剛,天下莫不知,莫能行。是以聖人云:「受國之垢,是謂社稷主﹔ 受國不祥,是為天下王。」正言若反。

Chapitre LXXVIII

Parmi toutes les choses du monde, il n’en est point de plus molle et de plus faible que l’eau, et cependant, pour briser ce qui est dur et fort, rien ne peut l’emporter sur elle. Pour cela rien ne peut remplacer l’eau. Ce qui est faible triomphe de ce qui est fort ; ce qui est mou triomphe de ce qui est dur. Dans le monde il n’y a personne qui ne connaisse (cette vérité), mais personne ne peut la mettre en pratique. C’est pourquoi le Saint dit : Celui qui supporte les opprobres du royaume devient chef du royaume. Celui qui supporte les calamités du royaume devient le roi de l’empire. Les paroles droites paraissent contraires (à la raison).

和大怨,必有餘怨﹔報怨以德,安可以為善?是以聖人執左契,而不責于 人。有德司契,無德司徹。天道無親,常與善人

Chapitre LXXIX

Si vous voulez apaiser les grandes inimitiés des hommes, ils conserveront nécessairement un reste d’inimitié. Comment pourraient-ils devenir vertueux ? De là vient que le Saint garde la partie gauche du contrat et ne réclame rien aux autres, C’est pourquoi celui qui a de la vertu songe à donner, celui qui est sans vertu songe à demander. Le ciel n’affectionne personne en particulier. Il donne constamment aux hommes vertueux.

小國寡民。使有什伯之器而不用﹔使民重死而不遠徙。雖有舟輿,無所乘 之,雖有甲兵,無所陳之。使民復結繩而用之。甘其食,美其服,安其居 ,樂其俗。鄰國相望,雞犬之聲相聞,民至老死,不相往來。

Chapitre LXXX

(Si je gouvernais) un petit royaume et un peuple peu nombreux, n’eût-il des armes que pour dix ou cent hommes, je l’empêcherais de s’en servir. J’apprendrais au peuple à craindre la mort et à ne pas émigrer au loin. Quand il aurait des bateaux et des chars, il n’y monterait pas. Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas. Je le ferais revenir à l’usage des cordelettes nouées. Il savourerait sa nourriture, il trouverait de l’élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages. Si un autre royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s’entendissent de l’un à l’autre, mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin.

信言不美,美言不信。善者不辯,辯者不善。知者不博,博者不知。聖人 不積,既以為人己愈有,既以與人己愈多。天之道,利而不害﹔聖人之道 ,為而不爭。

Chapitre LXXXI

Les paroles sincères ne sont pas élégantes ; les paroles élégantes ne sont pas sincères. L’homme vertueux n’est pas disert ; celui qui est disert n’est pas vertueux. Celui qui connaît (le Tao) n’est pas savant ; celui qui est savant ne le connaît pas. Le Saint n’accumule pas (les richesses). Plus il emploie (sa vertu) dans l’intérêt des hommes, et plus elle augmente. Plus il donne aux hommes et plus il s’enrichit. Telle est la voie du ciel, qu’il est utile aux êtres et ne leur nuit point. Telle est la voie du Saint, qu’il agit et ne dispute point.


Tao Te King de Lao Tseu, traduction de Stanislas Julien aux éditions la Bibliothèque DigitaleTao Te King de Lao Tseu, traduction de Stanislas Julien aux éditions la Bibliothèque DigitaleLivre de la voie et de la vertu de Lao Tseu, traduction de Claude Larre chez Desclée de Brouwer dans la collection Les carnetsLivre de la voie et de la vertu de Lao Tseu, traduction de Claude Larre chez Desclée de Brouwer dans la collection Les carnetsTao Te King, Le livre de la voie et de la vertu, de Lao-Tseu, postface de Catherine Despeux, traduction de Stanislas Julien au Mille et une nuits dans la petite collectionTao Te King, Le livre de la voie et de la vertu, de Lao-Tseu, postface de Catherine Despeux, traduction de Stanislas Julien au Mille et une nuits dans la petite collectionTao Te king de Lao Tseu, traduit et commenté par Marcel Conche aux Presses Universitaires de FranceTao Te king de Lao Tseu, traduit et commenté par Marcel Conche aux Presses Universitaires de FranceLao Tseu, Mes mots sont faciles à comprendre, Conférences sur le Tao Te King de Cheng Man Ching, traduction en anglais de Tam Gibbs, traduction en français de Serge Mairet Lao Tseu, Mes mots sont faciles à comprendre, Conférences sur le Tao Te King de Cheng Man Ching, traduction en anglais de Tam Gibbs, traduction en français de Serge Mairet

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