L’effet Dunning-Kruger

L’effet Dunning-Kruger, aussi appelé effet de surconfiance, est un biais cognitif par lequel les moins qualifiés dans un domaine pourraient surestimer leur compétence.

Ce phénomène a été décrit au moyen d’une série d’expériences dirigées par les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger. Leurs résultats ont été publiés en décembre 1999 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology.

Dunning et Kruger attribuent ce biais à une difficulté métacognitive des personnes non qualifiées qui les empêche de reconnaître exactement leur incompétence et d’évaluer leurs réelles capacités. Cette étude suggère aussi les effets corollaires : les personnes les plus qualifiées auraient tendance à sous-estimer leur niveau de compétence et penseraient à tort que des tâches faciles pour elles le sont aussi pour les autres.

Les études sur l’effet Dunning-Kruger ont généralement porté sur des participants nord-américains, mais des études sur des participants japonais suggèrent que les différences culturelles ont un rôle dans l’apparition de l’effet. L’étude de 2001 intitulée « Divergent Consequences of Success and Failure in Japan and North America : An Investigation of Self-improving Motivations and Malleable Selves » a indiqué que les Japonais avaient tendance à sous-estimer leurs capacités et à voir les sous-performances (échecs) comme une opportunité d’améliorer leurs capacités à une tâche donnée, augmentant ainsi leur valeur pour le groupe social.

Mais comment marquer la différence entre ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas ?

La frontière entre les deux évolue au cours du temps. On a d’ailleurs vu se déployer la dynamique typique de l’effet dit « Dunning-Kruger ». Il s’agit d’un biais cognitif identifié depuis fort longtemps et qui fut étudié empiriquement en 1999 par deux psychologues américains, David Dunning et Justin Kruger. Cet effet s’articule en un double paradoxe : d’une part, pour mesurer son incompétence, il faut être… compétent ; et d’autre part, l’ignorance rend plus sûr de soi que la connaissance. Ce n’est en effet qu’en creusant une question, en s’informant, en enquêtant sur elle, qu’on la découvre plus complexe qu’on ne l’eût soupçonné. 

Etienne Klein

C’est le paradoxe auquel se confronte le débutant qui aborde les arts internes :

  • dans un premier temps pour le choisir il devra évaluer les compétences d’un professeur alors qu’il n’a pas le niveau pour le faire,
  • dans un deuxième temps il sera tenter de s’auto-évaluer alors que dans ce contexte, également, il n’a pas une expérience suffisante pour le faire.

Lorsque l’on aborde l’étude des arts internes on commence par mémoriser ce qu’il y a de plus externe, c’est à dire les enchaînements, les chorégraphies et le plus souvent on en ignore les aspects les plus internes qui relèvent d’une expérimentation qui s’inscrit dans le temps long. On peut avoir ainsi l’illusion d’une certaine maitrise alors que l’on n’a même pas abordé le travail interne, cette illusion peut chez certains perdurer longtemps.

La courbe Dunning-Kruger

La courbe Dunning-Kruger naît à partir des résultats des expériences portées par les psychologues américains. Sa signification : le débutant affiche une grande confiance infondée appelée auto-surévaluation, ainsi qu’une sous-estimation des experts. Il gravit alors la montagne de la stupidité. En commençant à acquérir des compétences, il redescend jusqu’à la vallée de l’humilité parfois nommée vallée du désespoir . Ses compétences continuent à se construire et sa confiance revient petit à petit, mais, cette fois, elle est fondée sur une auto-évaluation réaliste de ses compétences. Il atteint alors le plateau de la consolidation sur lequel il va continuer de progresser dans le domaine en question. Ce que révèle ce schéma, c’est que la personne incompétente ne reconnaît son incompétence antérieure et ses anciennes lacunes qu’en améliorant significativement ses connaissances.

Dans l’apprentissage des arts internes, on peut penser qu’une personne est atteinte du syndrome Dunning-Kruger si elle intègre une école et pense tout savoir mieux que les autres élèves qui y pratiquent depuis plusieurs années et y ont acquis une certaine habilité (功夫 gōng fu). Elle peut considérer les autres comme des incapables et ne pas comprendre l’intérêt de certains procédés. Nous qui pratiquons dans une petite commune rurale, nous l’observons souvent chez des personnes venant de grandes villes ou très diplômées et qui peuvent avoir un apriori condescendant. Au fur et à mesure, elle va découvrir la pratique et redescendre sur terre ou gagner en humilité, étape fondamentale pour acquérir ensuite les compétences (功力 gōng lì) nécessaires.

De nombreux facteurs mentaux doivent être pris en compte lors de la pratique du taijiquan (太極拳 tài jí quán), et la façon dont les gens réagissent naturellement peut devenir un écueil, en particulier lorsqu’ils interagissent avec un partenaire ou un adversaire.  Dans le processus d’apprentissage, l’élève passe de la pensée novice Quoi ? à J’étais autrefois aveugle et maintenant je vois, puis à Hum, il y a là, plus que ce que je pensais, puis Ah non, je ne vais jamais y arriver, puis vient OK, ça commence à avoir un sens, et Faites-moi confiance, c’est compliqué à mesure que l’on s’approche de la maîtrise.

Dans les arts internes, les novices peuvent être amenés à sentir leur souffle (氣 qì) circuler, ou à mobiliser l’intention (用意  yòng yì), ainsi que d’autres concepts qui sont susceptibles d’auto-illusion et de les inviter à gravir la montagne de la stupidité, en particulier dans les premières étapes de l’étude. Pendant la pratique en solo, il y a peu de retour d’information disponible pour savoir si on comprend et si on utilise correctement les concepts. La pratique avec un partenaire, et bien sur l’avis d’un professeur compétent, permet de valider ou d’invalider nos ressentis.

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