Sérendipité

La sérendipité est un concept qui désigne la capacité de l’être humain à faire des trouvailles heureuses, sans avoir planifié sa découverte. La sérendipité, c’est trouver ce que l’on ne cherchait pas. Ce concept permet de parler de l’existence de découvertes non-anticipées.

On peut parler de sagacité accidentelle ou, pour l’Académie, de fortuité. Ce concept se distingue de la simple découverte par hasard. En effet, la sérendipité renvoie au fait que, par une certaine disponibilité intellectuelle, l’être humain est capable d’inventer quelque chose à partir d’une erreur ou du hasard, d’en tirer une conclusion intellectuelle pour produire quelque chose de nouveau. La sérendipité demande un esprit préparé.

En d’autres termes, la sérendipité est l’art de profiter d’occurrences inattendues. Ainsi, Christophe Colomb n’a pas fait découvrir l’Amérique à l’Europe par un complet hasard. L’explorateur cherchait une nouvelle route maritime pour atteindre les Indes. Son entreprise aboutit à la découverte d’un nouveau continent.

La chance est la faculté de saisir les bonnes occasions.

 Douglas MacArthur 

La sérendipité met aussi en œuvre cette intelligence que les Grecs nommaient métis, ensemble d’attitudes mentales qui combinent le flair, la sagacité, la prévision, la souplesse d’esprit, la débrouillardise, l’attention vigilante, le sens de l’opportunité.

Quelle n’a pas été [..] ma surprise de découvrir qu’il n’existe pas de terme français correspondant à serendipity et qu’il convient de le rendre selon le contexte par au moins deux périphrases : « découverte heureuse ou inattendue » ; « don de faire des trouvailles ». Ce mot désigne donc aussi bien l’objet trouvé si cher aux surréalistes, que la faculté, par eux développée au plus haut point, de découvrir ces objets. Et la révélation de cette double signification sonna en moi comme une trouvaille qui en redoubla le charme phonétique et, déjouant mes craintes, échoua à l’effacer.

Joël Gayraud in La Peau de l’ombre

Étymologie

Sérendipité est un terme rare, emprunté à l’anglais. Ce terme aurait été inventé par Horace Walpole (1717–1797), écrivain et homme politique anglais du XVIIIe siècle, dans une lettre écrite à Horace Mann du 28 janvier 1754. Horace Walpole aurait tiré ce terme de la lecture d’un conte oriental, Les voyages et aventures de trois princes de Serendip, qui raconte l’histoire de trois princes naviguant en quête de fortune vers l’île de la soie, nommée Serendip. Ce nom serait en réalité une déformation de Sri Lanka. Tout au long de leur voyage, les princes font des découvertes incroyables sur l’île et apprennent des choses sans l’avoir prévu.

Horace Walpole explique son invention en ces termes : J’ai lu il y a quelque temps un conte de fées idiot, qui s’appelle Les trois princes de Serendip : alors que leurs Seigneuries voyageaient, elles faisaient sans cesse des découvertes, par accident et sagacité, de faits qu’elles ne cherchaient pas : par exemple, l’une d’entre elles découvrit qu’une mule borgne de l’œil droit avait suivi récemment la même route, parce que l’herbe avait été mangée uniquement sur le côté gauche, alors qu’elle y était plus maigre que sur le côté droit – maintenant comprenez-vous ce qu’est la sérendipité ? Un des cas les plus remarquables de cette sagacité accidentelle (car vous devez observer qu’aucune découverte d’une chose que vous recherchez relève de cette description) a été », ajoute encore Walpole, le fait de « Lord Shaftesbury qui, à l’occasion d’un dîner chez Lord Chancelier Clarendon, devina l’existence du mariage entre le Duc d’York et Mrs Hyde à partir des égards que sa propre mère témoignait à celle-ci.

Le terme de sérendipité a connu une longue éclipse après la mort de Walpole. Il devient ensuite l’apanage des littéraires, puis se diffuse dans le domaine scientifique à partir du milieu des années 1930.  

Avec les sciences cognitives et l’avènement du web il a même connu une seconde vie. Originellement, précise le Grand Dictionnaire , ce terme a été introduit dans l’usage scientifique par le physiologiste W.B. Cannon (1945) et surtout, en ce sens précis, par le sociologue R.K. Merton à partir d’un terme épistolaire de H. Walpole. Désormais, dans le contexte de la recherche d’information on entend par sérendipité, une heureuse rencontre du hasard et de la nécessité, qui, par la grâce de l’intuition comme de la capacité d’inférence de l’utilisateur, lui permet de trouver et par là même de compiler, les bonnes informations sur un sujet donné, participant ainsi directement au processus d’élaboration de la connaissance. De ce fait, la sérendipité concourt à la maîtrise de l’entropie informationnelle.

Selon moi, chaque relation amoureuse cache de la sérendipité, ou ce que j’appelle synchronicité. Nous avons une tendance innée à rencontrer des gens qui nous enseignent ce que nous avons besoin de savoir sur la vie, sur l’amour et sur nous-mêmes. Même lorsque les relations se finissent mal, nous apprenons toujours quelque chose à notre propos que nous n’aurions pas imaginé, que nous ne cherchions pas.

David Richo in Le pouvoir des coïncidences

Exemples

  • L’exemple le plus célèbre de sérendipité est la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming (1881 – 1955). En effet, le scientifique britannique se rend compte que, dans des boîtes de Petri dans lesquelles il avait fait pousser des staphylocoques, certaines zones avait été épargnées par la bactérie, grâce à l’invasion fortuite d’un champignon, le Penicillium notatum. 
  • Le téflon a été découvert en 1938 par le chimiste américain Roy Plunkett (1910 – 1994) alors qu’il travaillait sur la conception d’un nouveau réfrigérant en refroidissant dans de la neige carbonique un gaz, du tétrafluoroéthylène.
  • Le post-it est né de l’invention fortuite d’un antidérapant peu efficace au milieu des années 1960 par Spencer Silver, reprise par Art Silver au milieu des années 1970 qui l’applique sur de petites feuilles de papier adhésif.  

L’accident naît de la conscience du désordre du monde, du dépouillement du réel par la rationalité occidentale dont il procède, comme invention d’une irruption mortifère d’une série de causalités dont le hasard est le détonateur.

David Le Breton in Passions du risque

Admettre l’accident comme ayant un pouvoir esthétique et voire même fonctionnel est une manière de prendre en compte le désordre du monde. C’est également l’imperfection qui donnerait envie d’explorer l’aléatoire, d’accepter la différence et le droit de créer en dehors des conventions. La recherche à tout prix de rationalisme a laissé peu de place à l’imperfection, à quelque chose qui ne répondrait pas à des exigences fonctionnelles, matérielles ou bien techniques — ou au doute.

S’adapter aux choses en les harmonisant voilà la vertu.
S’accommoder en les épousant voilà le Tao.

Zhuangzi

Plus qu’une méthode, plus qu’une charmante idée, et bien plus qu’un hasard, la sérendipité est une philosophie et une manière de vivre. Ce n’est sans doute pas un hasard si elle nous vient d’un Orient éloigné dans le temps et l’espace, la sagesse orientale accordant une grande importance à l’idée de chemin, de voie, de sentier. Bouddha disait à ses disciples : Tu ne peux pas voyager sur un chemin sans être toi même le chemin . Il y a dans Les Dits du Bouddha, mais aussi dans le Le livre de la voie et de la vertu plus ancien, de nombreuses réflexions sur l’idée que le chemin se construit en marchant, que la vie est elle-même un chemin et que le sage, prince ou esclave, est celui qui a compris que chemin et marche ne constituent qu’une seule et même réalité.

Quel est donc le contraire de Serendip, une terre méridionale d’épices et de chaleur, de verdure luxuriante et de colibris, baignée par la mer, baignée de soleil ? Pensez à un autre monde dans le Grand Nord, aride, gelé, froid, un monde de silex et de pierre. Appelez-le Zembla. Ergo : zemblanité, le contraire de la sérendipité, la faculté de faire des découvertes malheureuses, malchanceuses et attendues par dessein. Sérendipité et zemblanité : les pôles jumeaux de l’axe autour duquel nous tournons.

William Boyd 

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