La gravité est responsable de plusieurs manifestations naturelles ; les marées, l’orbite des planètes autour du Soleil, la sphéricité de la plupart des corps célestes en sont quelques exemples. D’une manière plus générale, la structure à grande échelle de l’Univers est déterminée par la gravitation. À l’échelle microscopique, la gravitation est la plus faible des quatre interactions fondamentales de la physique ; elle devient dominante au fur et à mesure que l’échelle de grandeur augmente. .
Tout au long de l’histoire de la Terre, la vie a évolué pour survivre aux conditions changeantes, telles que les changements du climat et de l’habitat. Cependant, un facteur constant de l’évolution depuis le début de la vie sur Terre est la force de gravité. En conséquence, tous les processus biologiques sont habitués à la force de gravité toujours présente et même de petites variations de cette force peuvent avoir un impact significatif sur la santé, la fonction et le système des organismes.
Le centre de gravité chez Bergson réside toujours dans l’acte par lequel il se ramasse, se retire au plus profond de soi-même, y donne, pour employer une de ses expressions favorites, le coup de sonde …
Charles Du Bos in Journal
Cette force d’attraction, la gravité, engage concrètement notre attachement à la planète Terre. Elle nous empêche de nous envoler sans pour autant nous scotcher à sa surface mais plutôt en rendant possible une infinité de mouvements.
Une morale constructive
La gravité permet de traduire toute analyse structurelle d’un édifice en un principe que l’on peut assimiler globalement à la descente de charges. L’architecture existe parce que monter un centimètre est plus difficile que de l’étaler horizontalement. Le problème est de le mettre debout : c’est quand il s’est dressé que l’animal est devenu un homme.
L’arc-boutant
Un arc-boutant est un élément d’ossature particulier à l’architecture gothique. C’est un étai formé d’un arc en maçonnerie qui contre-bute la poussée latérale des voûtes à croisée d’ogives et les achemine vers le pilier de culée ou contrefort. Ce dernier est le plus souvent couronné d’un pinacle, ce qui permet, en constituant un poids important au-dessus de l’étai, d’asseoir vers le bas la poussée transversale reçue via l’arc-boutant, tout en allégeant visuellement ce dernier.
L’arc caténaire
L’idée de l’arc caténaire est simple. Elle part de l’observation de la forme que prend une chaine ou une corde lorsqu’on la laisse pendre en la tenant à ses deux extrémités : c’est l’arc caténaire. Or la seule façon qu’a une chaine d’exercer une force est suivant sa longueur : la chaine prend donc une forme telle qu’en tout point la résultante des forces de poids et de tension est le long de la chaine. Cela signifie que si l’on fabrique une arche de la même forme réalisée en matériau dur et en position inversée avec la pointe en haut, les forces seront toujours dans l’axe du matériau mais en compression et l’arche sera de ce fait très solide. L’arc caténaire inversé tient tout seul, il n’a pas besoin de contreforts pour compenser une quelconque poussée latérale.
Antoni Gaudí appréciait particulièrement l’esthétique de l’arc caténaire et il l’a abondamment utilisé dans ses réalisations.
Les modèles funiculaires
Dans les cas de bâtiments plus complexes Antoni Gaudí réalisait des modèles funiculaires formés d’un assemblage plus ou moins compliqué de différentes chaines pendantes auxquelles sont accrochés des poids aux bons endroits représentant les charges qu’aura à supporter la voûte. Il suffit ensuite de noter et reporter les formes que prend l’ensemble des chaines pour obtenir les formes inversées de la voûte correspondante.
Ttoutes les formes sont développées à partir de la transformation de figures géométriques de base sans discontinuités, comme Gaudí les a trouvé dans la nature.
Les paraboloïdes, hyperboloïdes et hélicoïdes, variant constamment l’incidence de la lumière, ont une richesse de nuances qui leur est propre, qui rend l’ornementation, et même le modelage superflus
Antoni Gaudí
Des hyperboloïdes sont aussi utilisés au sommet des colonnes à l’endroit où elles rejoignent les voûtes. C’est effectivement la meilleure solution pour capter au mieux les poussées.
L’animal lutte contre la gravité
La gravité a eu un effet sur le développement de la vie animale depuis le premier organisme unicellulaire . La taille des cellules biologiques uniques est inversement proportionnelle à la force du champ gravitationnel exercé sur la cellule. La gravité est un facteur limitant de la croissance des cellules individuelles. Les cellules qui étaient naturellement plus grandes que la taille que la gravité seule autoriserait devaient développer des moyens de protection contre la sédimentation interne. Plusieurs de ces méthodes sont basées sur le mouvement protoplasmique, la forme mince et allongée du corps cellulaire, l’augmentation de la viscosité cytoplasmique et une gamme réduite de gravité spécifique des composants cellulaires par rapport au plasma au sol.
Les effets de la gravité sur les organismes à cellules multiples sont considérablement plus drastiques. Pendant la période où les animaux ont d’abord évolué pour survivre sur terre, une méthode de locomotion dirigée et donc une forme de squelette interne ou externe aurait été nécessaire pour faire face à l’augmentation de la force de gravité due à l’affaiblissement de la force de flottabilité ascendante. Chez les vertébrés terrestres plus grands, les forces gravitationnelles influencent les systèmes musculo-squelettiques , la distribution des fluides et l’hydrodynamique de la circulation .
Anatomie et ligne de force
Situé entre la hanche et la cheville, le genou est une articulation de dialogue, c’est une plaque tournante capable d’harmoniser les tensions dans le membre inférieur. Il est fait pour résister aux efforts de compression venant du haut et venant du bas. Les travées osseuses ont des lignes de force dirigées de telle façon qu’elles permettent à la structure de supporter les contraintes en statique comme en dynamique. Cette architecture rappelle celle des arcs en ogive, faits pour soutenir de lourdes charges.
Pour aligner correctement le membre inférieur en extension le genou doit faire face à des forces parfois contradictoires. En posture debout, un élan vers le ciel apparaît . Le tronc tend vers l’ouverture et donc vers une certaine extension de colonne vertébrale qui demande une légère extension de hanche sous tendue par un début de rotation externe de cette articulation.
Suivant notre type, la projection du centre de gravité du corps au sol est très variable. Le chemin des forces descendantes et montantes ( poids du corps, réaction du sol) et donc nos tensions ne se font pas de la même manière. Il est essentiel de reconnaître les mécanismes prioritaires sur lesquels nous fonctionnons.
L’équilibre de l’être humain
Combien de fois a-t-on dit de l’homme qu’il était vertical (gravité) et frontal (esthétique). Et combien de fois faudra-t-il répondre que l’homme n’agit que dans le déséquilibre permanent, dans la projection de son poids, dans le porte-à-faux. […] L’homme toujours en mouvement rompt à chaque instant la position de stabilité.
Claude Parent
Nous sommes capables d’adopter une infinité de postures correspondantes chacune à un état d’équilibre du corps. La station verticale présente un intérêt particulier car elle correspond à l’attitude fondamentale de l’espèce humaine. La réalisation de tous les actes quotidiens nécessite en premier lieu de disposer d’une posture stable.
L’équilibre de l’homme ne diffère pas des règles fondamentales de la physique. L’équilibre statique est maintenu lorsque la somme des forces et des moments de forces agissant sur le corps est nulle. D’une part, la force gravitationnelle attire la masse vers le centre de la terre. D’autre part, les forces de réactions soutiennent le corps. Elles sont réparties entre les zones de contacts de l’homme et de l’environnement et peuvent être représentées par une force résultante dont le point d’application est le centre de pression.
Pour que l’équilibre soit maintenu dans la station debout il faut qu’à chaque instant la verticale abaissée du centre de gravité du corps (point situé près de l’articulation sacro-vertébrale) tombe dans le quadrilatère formé par les pieds et les deux lignes qui réunissent respectivement les talons et les deux pointes.
Marcelle Bourgat in Technique de la danse
Maintenir son équilibre est essentiel pour notre autonomie. Bien que cela puisse paraître simple, le maintien de l’équilibre s’avère être une activité particulièrement complexe. Cette difficulté est notamment liée au fait que l’homme évolue dans un champ gravitationnel qui le déséquilibre en permanence en l’attirant vers le centre de la Terre. À cette difficulté vient s’ajouter des perturbations inhérentes à l’activité biologique du corps telles que la respiration, les battements cardiaques ou encore l’activité péristaltique. Des perturbations induites par le mouvement lui même constituent également des perturbations qui peuvent affecter le contrôle de l’équilibre.
Lorsque nous sommes debout et en contact avec l’environnement que par le biais de nos soles plantaires, seules deux forces s’appliquent à notre corps : notre poids et la résultante des forces de réaction au sol. Ces forces sont respectivement appliquées au centre des masses et au centre des pressions.
- Le centre des masses, aussi appelé centre d’inertie, est le barycentre des masses du corps (des segments corporels). Dans le référentiel galiléen, le champ de gravitation est considéré comme constant : le centre des masses est alors assimilé au centre de gravité qui est le point d’application de la résultante des forces de gravité.
- Le centre des pressions est, quant à lui, le barycentre des forces de réaction au sol. Dans cette configuration, les conditions de l’équilibre statique impliquent :
- que les résultantes des forces de réaction au sol et du poids du participant soient de même intensité et de sens opposé ;
- que le centre des masses soit situé sur la verticale passant par le centre des pressions.
Le corps humain peut être assimilé à un ensemble de segments mobiles les uns par rapport aux autres. Ainsi, une même position du centre des pressions, et de la projection du centre des masses au sol, peut résulter d’une infinité de configurations segmentaires. La position relative des segments corporels et le maintien de l’équilibre ne procèdent donc pas nécessairement des mêmes mécanismes. De ce fait, si la posture et l’équilibre constituent deux aspects intimement liés, leurs relations ne sont toutefois pas biunivoques.
Afin de garantir le maintien de l’équilibre statique de ce système déformable, des conditions additionnelles aux deux conditions précédentes sont nécessaires. Il faut ainsi que les centres de rotations articulaires et les centres de gravité de chaque segment corporel soient alignés sur la ligne de gravité. Cependant, notamment du fait de la forme des os, cette condition n’est en pratique pas réalisable. Il est par exemple connu que la ligne de gravité passe en avant de l’axe de rotation de la cheville en posture érigée. Dans ce cas, afin de contrer le déséquilibre vers l’avant, l’intervention de forces internes d’origines musculaires et ligamentaires s’avère nécessaire. En somme, le maintien de l’équilibre en position orthostatique constitue un phénomène physiologique actif. À ces effets perturbateurs de la gravité, s’ajoutent des perturbations endogènes liées au mouvement lui même et aux phénomènes végétatifs (respiration, fonctionnement de la pompe cardiaque, péristaltisme).
Il lui semblait avoir trouvé son vrai centre de gravité, occuper maintenant le cœur de lui-même, être enfin au siège de son identité. Il en résultait un bien-être tel qu’il n’en avait jamais connu.
Roger Martin Du Gard in Les Thibault : La Mort du père
À l’écoute de la gravité
Notre physiologie humaine possède un équipement sensoriel incroyablement sensible à cette donnée gravitationnelle, l’utilisant pour permettre de multiples perceptions, représentations et mouvements dans l’espace. Les récepteurs vestibulaires situés dans l’oreille interne, les otolithes, fonctionnent comme mesure de la gravité. Ils constituent une centrale inertielle embarquée qui utilise la gravité et donc la verticale comme référence, offrant d’excellentes conditions de repérage et de représentation pour la gamme élargie de mouvements à la fois fluides et complexes de notre vie de tous les jours. Nous sommes merveilleusement équipés pour jouer avec la gravité et développer des capacités de repérage, de perception et de mouvement à partir de cette donnée. Ces otolithes détectent le moindre mouvement d’inclinaison de la tête, permettent le repérage de la verticale subjective dans l’immobilité ou encore nous aident à courir en gardant notre rayon visuel parfaitement horizontal, sans bouger la tête.
Cette gravité, invariant de l’espace terrestre, influence nos plus profondes perceptions. Au contact de cette présence gravitationnelle nous nous sommes progressivement équipés, dans le temps long de la morphogenèse, d’un référentiel externe géocentrique, celui de la terre, comme un fil à plomb externe de grande précision embarqué et toujours disponible.
D’autres récepteurs vestibulaires, trois canaux semi-circulaires, sont triangulés dans les trois directions de l’espace : ils nous offrent un référentiel euclidien fondamental, inscrit dans notre corps, enrichissant notre physiologie perceptive par de grandes possibilités de repérage dans l’espace géométrique. Ils nous servent de référence pour les mouvements propres du corps dans le cadre d’un système égocentré qui nous permet les manipulations spatiales et l’appréciation des trois directions de l’espace. Notons que la plupart des animaux sont capables de réaliser un codage égocentrique, mais seuls les primates et l’homme possèdent ce codage allocentrique, qui permet des manipulations mentales et les relations entre les objets.
Nous possédons ainsi un équipement sensoriel incroyablement adapté à la planète, d’une grande sensibilité, outillage d’une grande disponibilité pour l’action, et support de capacités de perception très performantes, comme par exemple la capacité de stabiliser les images sur la rétine pendant que l’on tourne la tête en faisant tourner ensemble les deux yeux, ou encore la possibilité de continuer à voir vertical l’obélisque de la place de la Concorde, si nous penchons la tête tout en le regardant.
Nos perceptions sensorielles, enchevêtrées de significations, dessinent les limites fluctuantes de l’environnement où nos vivons, elles en disent l’étendue et la saveur.
David Le Breton, La saveur du monde, pag
De l’observation de toute cette richesse de notre physiologie sensitive et perceptive, émerge un savoureux sentiment d’adaptation à la planète où s’entremêlement les données concrète de masse, le temps long de notre morphogenèse, la richesse de notre équipement physiologique. Notre planète est active par sa donne gravitationnelle et l’immense richesse de l’appareillage perceptif qui y est directement lié40.