Le silence corporel dans lequel je plonge chaque fois que je me rends au dojo est loin d’ĂȘtre spĂ©cifique Ă la mĂ©ditation zen. En fait cet Ă©tat s’intĂšgre dans un concept plus gĂ©nĂ©ral, celui du wu-wei, qui peut se traduire par le « ne rien faire » ou le « non-agir » et qui a influencĂ© l’ensemble de la culture asiatique sur plusieurs millĂ©naires. Selon la lĂ©gende, ce « ne rien faire » fut le conseil laconique et mystĂ©rieux que donna le sage Lao Tseu aux souverains de la pĂ©riode des Royaumes Combattants qui luttaient pour l’hĂ©gĂ©monie en Chine et se livraient Ă des guerres sanglantes au IV’ siĂšcle avant notre Ăšre. Que faire pour sortir du cercle vicieux de la violence ? La rĂ©ponse paradoxale de Lao Tseu fut de ne rien faire du tout, de rester dans le wu-wei. La force finit toujours par se retourner contre elle-mĂȘme, seul le « non-agir » peut briser le cercle de la violence. Vingt-trois siĂšcles plus tard, Gandhi marchera dans les pas de Lao Tseu avec son principe de la non-violence.
Michel Le Van Quyen in Cerveau et silence

On l’a vu, pratiquĂ©e rĂ©guliĂšrement, la respiration profonde amĂ©liore l’ensemble de notre condition physique et psychique⊠Mais pourquoi est-elle Ă ce point bĂ©nĂ©fique ? Un des arguments avancĂ©s par les spĂ©cialistes est que le cĆur y manifeste une activitĂ© trĂšs singuliĂšre. En effet, en situation de calme et de bien-ĂȘtre, le cĆur produit un rythme spĂ©cial, capable de synchroniser de multiples autres systĂšmes physiologiques (les ondes cĂ©rĂ©brales, le systĂšme barorĂ©flexe qui gĂšre la pression sanguine, le systĂšme immunitaire, la digestion).
En un mot, il devient un vĂ©ritable chef d’orchestre du corps entier, et d’une maniĂšre qui ne laisse pas de me surprendre : ici, le cĆur n’agit pas comme un mĂ©tronome, battant rĂ©guliĂšrement l’air de sa baguette pour diriger l’organisme d’un tempo mĂ©canique. Tout au contraire, la courbe du rythme cardiaque d’une personne en bonne santĂ©, au repos, est Ă©trangement irrĂ©guliĂšre, avec un intervalle de temps entre deux battements consĂ©cutifs en constante Ă©volution. On appelle cela la variabilitĂ© du rythme cardiaque.
Ce phĂ©nomĂšne a fascinĂ© les physiologistes du XIXe siĂšcle : lorsque vous inspirez, le cĆur accĂ©lĂšre pour favoriser les Ă©changes gazeux ; lorsque vous expirez, il ralentit. Ce ralentissement des battements cardiaques s’effectue par l’intermĂ©diaire du nerf vague, qui se trouve stimulĂ© par l’abdomen lorsqu’on expire. DĂšs que la respiration se fait profonde, la variabilitĂ© cardiaque devient fortement dĂ©pendante de la respiration (i.e., expiration et inspiration) et ses larges oscillations sont contrĂŽlĂ©es par l’activitĂ© parasympathique. C’est ce que les mĂ©decins dĂ©signent par le terme d’« arythmie sinusale respiratoire ».
Des mesures plus prĂ©cises dĂ©montrent que, sous l’influence d’une respiration lente et profonde, la variabilitĂ© de la frĂ©quence cardiaque dessine alors une onde ample et rĂ©guliĂšre. C’est prĂ©cisĂ©ment cette onde qui influence les autres systĂšmes de notre organisme.
Michel Le Van Quyen in Cerveau et silence
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