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Cerveau et silence

Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818, huile sur toile, Caspar David Friedrich

Le silence corporel dans lequel je plonge chaque fois que je me rends au dojo est loin d’ĂȘtre spĂ©cifique Ă  la mĂ©ditation zen. En fait cet Ă©tat s’intĂšgre dans un concept plus gĂ©nĂ©ral, celui du wu-wei, qui peut se traduire par le « ne rien faire » ou le « non-agir » et qui a influencĂ© l’ensemble de la culture asiatique sur plusieurs millĂ©naires. Selon la lĂ©gende, ce « ne rien faire » fut le conseil laconique et mystĂ©rieux que donna le sage Lao Tseu aux souverains de la pĂ©riode des Royaumes Combattants qui luttaient pour l’hĂ©gĂ©monie en Chine et se livraient Ă  des guerres sanglantes au IV’ siĂšcle avant notre Ăšre. Que faire pour sortir du cercle vicieux de la violence ? La rĂ©ponse paradoxale de Lao Tseu fut de ne rien faire du tout, de rester dans le wu-wei. La force finit toujours par se retourner contre elle-mĂȘme, seul le « non-agir » peut briser le cercle de la violence. Vingt-trois siĂšcles plus tard, Gandhi marchera dans les pas de Lao Tseu avec son principe de la non-violence.

Michel Le Van Quyen in Cerveau et silence
 En respiration profonde, les battements cardiaques sont fortement couplés aux phases d'expiration et d'inspiration
En respiration profonde, les battements cardiaques sont fortement couplĂ©s aux phases d’expiration et d’inspiration

On l’a vu, pratiquĂ©e rĂ©guliĂšrement, la respiration profonde amĂ©liore l’ensemble de notre condition physique et psychique
 Mais pourquoi est-elle Ă  ce point bĂ©nĂ©fique ? Un des arguments avancĂ©s par les spĂ©cialistes est que le cƓur y manifeste une activitĂ© trĂšs singuliĂšre. En effet, en situation de calme et de bien-ĂȘtre, le cƓur produit un rythme spĂ©cial, capable de synchroniser de multiples autres systĂšmes physiologiques (les ondes cĂ©rĂ©brales, le systĂšme barorĂ©flexe qui gĂšre la pression sanguine, le systĂšme immunitaire, la digestion).

En un mot, il devient un vĂ©ritable chef d’orchestre du corps entier, et d’une maniĂšre qui ne laisse pas de me surprendre : ici, le cƓur n’agit pas comme un mĂ©tronome, battant rĂ©guliĂšrement l’air de sa baguette pour diriger l’organisme d’un tempo mĂ©canique. Tout au contraire, la courbe du rythme cardiaque d’une personne en bonne santĂ©, au repos, est Ă©trangement irrĂ©guliĂšre, avec un intervalle de temps entre deux battements consĂ©cutifs en constante Ă©volution. On appelle cela la variabilitĂ© du rythme cardiaque.

Ce phĂ©nomĂšne a fascinĂ© les physiologistes du XIXe siĂšcle : lorsque vous inspirez, le cƓur accĂ©lĂšre pour favoriser les Ă©changes gazeux ; lorsque vous expirez, il ralentit. Ce ralentissement des battements cardiaques s’effectue par l’intermĂ©diaire du nerf vague, qui se trouve stimulĂ© par l’abdomen lorsqu’on expire. DĂšs que la respiration se fait profonde, la variabilitĂ© cardiaque devient fortement dĂ©pendante de la respiration (i.e., expiration et inspiration) et ses larges oscillations sont contrĂŽlĂ©es par l’activitĂ© parasympathique. C’est ce que les mĂ©decins dĂ©signent par le terme d’« arythmie sinusale respiratoire ».

Des mesures plus prĂ©cises dĂ©montrent que, sous l’influence d’une respiration lente et profonde, la variabilitĂ© de la frĂ©quence cardiaque dessine alors une onde ample et rĂ©guliĂšre. C’est prĂ©cisĂ©ment cette onde qui influence les autres systĂšmes de notre organisme.

Michel Le Van Quyen in Cerveau et silence

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