
L’arc et le pinceau
Extraits
Patiemment, Yuxi lui a expliqué que toutes choses du monde sont lisibles selon un certain ordre, et que cet ordre inapparent, qui n’est rien moins que la condition d’existence des choses, se retrouve partout. C’est ainsi qu’il existe cinq agents (le Bois木 mù se dresse, souple et fort, comme l'arbre qui tire su... More, le Feu
Ivan P. Kamenarovic in Itinéraire d’un lettré chinois火 huǒ représente la force de transformation et d'animati... More, la Terre土 tǔ, représente le support, le milieu fécond qui reço... More, le Métal金 jīn représente la condensation, la prise d'une forme d... More et l’Eau水 shuǐ est la source de vie ; docile, elle se prête à t... More), cinq orients (l’Est, le Sud, le Centre, l’Ouest et le Nord), cinq notesLes 五音 wǔ yīn sont utilisées pour rendre compte de l'... More de musique, cinq vertus cardinales (l’humanité
仁 rén est un concept essentiel de l'éthique du confucian... ren , le sens des Rites li , la confiance xin , le sens du devoir yi et l’intelligence zhi
徵 zhi est une vibration créatrice d’harmonie ; elle sus... More ), cinq viscères principaux (le foie肝 gān est un organe plein. Interne et vital, mais ,actif ..., le cœur
心 xīn est un organe yīn appartenant à l’élément feu... More, la rate脾 pí fait partie des organes pleins, elle est reliée à ..., les poumons肺 fèi est l'un des cinq organes pleins. Il est abondance ... et les reins肾shèn fait partie des organes pleins, il est relié à la...), cinq sentiments (la colè re, la joie, la concentration, la tristesse悲 bēi
• Le sentiment du poumon
• La tristesse ... et la peur恐 kǒng est attraction vers le bas, repliement dans les pr...), cinq saveurs五味 wǔ wèi Nouilles à la gelée de haricots mungo avec... More (l’acide酸 suān perce et transperce, opiniâtrement, les substance... More, l’amerLa saveur 苦 kǔ est liée à l'élément feu et au cœur, ... More, le doux甘 gān, c'est un goût sucré ou sans goût prononcé. More, l’âcre辛 xīn évoque l'amertume et la souffrance, le châtiment ... More et le salé鹹 xián est la saveur de l'eau devenant saumâtre en plong... More), et la liste peut s’allonger indéfiniment dans tous les domaines imaginables. La graphie archaïque du chiffre cinq, un grand X encadré de deux traits horizontaux, évoque à la fois l’idée de circulation et l’importance du centre. Tout ce qui se trouve classé par cinq est donc englobé sous une loi commune qui en manifeste l’analogie profonde. Le cinq, dont la portée est on le voit universelle, est par ailleurs mis en rapport avec l’éducation.

‒ Est-ce en vertu de ces correspondances, demanda un jour Xiaoyi, que la pièce d’honneur de la maison est orientée face au Sud, qu’à table la place d’honneur est aussi face au Sud, et que la porte principale de la ville est la porte centrale de son côté Sud ?
‒ Exactement. Tu mets là le doigt sur ce qu’ont en commun la maison, la table et la ville. Un petit enfant, un animal peuvent ne pas s’en apercevoir, mais un humain accompli ne saurait l’ignorer sans tomber soit dans l’incohérence de la sottise, soit dans la violence de la barbarie. La table se trouve dans la maison, celle-ci à son tour est située dans la ville, elle-même insérée dans un pays. Il n’est donc pas étonnant qu’il existe des analogies entre les trois. De même, les règles qui président au fonctionnement harmonieux de notre corps
Ivan P. Kamenarovic in Itinéraire d’un lettré chinois體 tǐ : corps, forme, santé 身 shēn : corps, corporel, ... sont analogues à celles qui permettent à notre famille de fonctionner harmonieusement. Elles sont analogues aussi à celles grâce auxquelles à son tour la société toute entière fonctionne harmonieusement. Nous étudierons ensemble des textes qui montrent tout cela. » Et Yuxi d’expliquer
Présentation
L’époque des Tang (618-907) a brillé en Chine d’un éclat inégalé, et le très long règne de l’Empereur Xuanzong, de 712 à 756, passe aux yeux de beaucoup pour un âge d’or. La généralisation du système des examens, destiné à recruter une élite sur une base assez large, a entraîné un brassage social inconnu auparavant. Elle a aussi permis à l’éducation de reposer sur un socle commun, par-delà les différences sociales, géographiques ou religieuses.
Pour nous faire pénétrer dans cette société raffinée, Ivan P. Kamenarovic’ met en scène la formation de trois garçons issus de milieux divers : l’un vient d’une famille de lettrés-fonctionnaires, l’autre est un jeune aristocrate, le troisième est socialement sans position. Ils n’ont évidemment pas les mêmes pointsLes 穴 xué, constituent la porte d'entrée permettant d'ac... de vue sur le monde qui les entoure, ni sur l’avenir qu’ils espèrent, mais ils s’initient ensemble au maniement de l’arc et aux subtilités du pinceau. À travers l’itinéraire de ces trois garçons depuis leur apprentissage de l’alphabet jusqu’à leur premier poste, l’auteur raconte la vie quotidienne d’une civilisation à son apogée, qui a essaimé notamment en Corée, au Viêt-Nam, au Japon et dont les traces ne s’effacèrent plus.
Docteur en Philosophie, diplômé de chinois aux Langues’O, enseignant à l’université, Ivan P. Kamenarovic est l’auteur de nombreuses traductions du chinois classique et de plusieurs ouvrages de sinologie. Il a publié notamment aux Belles Lettres La Chine classique dans la collection des Guides des civilisations.
Les enfants des lettrés chinois avaient bien de la chance : un professeur privé leur apportait la culture à domicile. C’est l’opportunité que nous offre Ivan Kamenarovic en nous faisant partager les leçons de trois jeunes garçons venus d’horizons différents telles qu’elles étaient dispensées à l’époque des Tang (618-907). En leur compagnie, nous apprenons la signification des grands textes de la culture classique confucéenne. En écoutant les réponses graduées de leur maître à leurs questions, nous comprenons pourquoi la formation lettrée consistait aussi à apprendre à « peindre des poèmes et écrire des peintures », à jouer de la cithare, à tirer à l’arc, chaque discipline contribuant à percevoir « les correspondances mystérieuses qui tissent un lien entre les choses », de manière à rendre le monde plus harmonieux. À l’issue de ce parcours didactique, nos trois compagnons d’études sont devenus des lettrés accomplis brillamment admis au Collège des Fils de l’État. Nous les quittons avec regrets car, grâce à ce livre agréable, intelligent et finement documenté, ils nous ont familiarisés avec cet univers des lettrés qui fut si longtemps, et reste toujours, l’âme de la Chine.
Cyrille J.-D. Javary in Le Monde des Religions