Dans son œuvre Automat, réalisée en 1927, Edward Hopper représente une jeune femme seule dans une sorte de cafétéria américaine, un Automate lieu où les gens pouvaient directement acheter leur nourriture auprès de machines. Le titre de la toile crée un parallèle entre le lieu où se déroule la scène et la jeune femme qui pourrait être elle aussi un automate avec ses yeux sans expression et son geste mécanique.
La solitude de la jeune femme est renforcée par le fait que le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face d’elle. Seule la coupe de fruit tranche par ses couleurs vives. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître la rue derrière la femme laissant la place à une immense étendue de nuit où ne se reflètent que les lampes de l’automat.
Ce qui ne peut danser au bord des lèvres s’en va hurler au fond de l’âme
Christian Bobin in L’Autre Visage
L’œuvre est froide, ses couleurs, la lumière faite par des néons, l’organisation de la scène, les vêtements de la femme accentuent ce sentiment même si la cafétéria a un radiateur en fonte. La jeune femme, perdue dans ses pensées, est au centre de la toile. Tout converge vers elle et intensifie sa séparation avec le monde et semble ne pas pouvoir en sortir.
La rivalité des deux couleurs, rose divers et noir partout égal, exprime ce qui est sans doute le sujet profond du tableau, comme celui de bien d’autres œuvres d’Edward Hopper, le conflit des forces de vie, qui font que le personnage s’obstine à attendre, qu’il maintient son intégrité, et d’une force de destruction, qui suscite le découragement, qui le réduit à n’être qu’un figurant accordé au génie du lieu, d’un de ces lieux urbains, banals et impersonnels, que choisit de peindre l’artiste qui se veut le témoin de la transformation de la société américaine.
L’immobilité et l’hébétude du personnage témoignent de sa réification, font qu’il paraît en peinture ce que le titre du tableau affirme qu’il est devenu à force d’absence à lui-même, un « automate ».