Notes sur la mélodie des choses et autres textes
V. Compare un jour un tableau sur fond d’or du Trecento à l’une des nombreuses compositions ultérieures des premiers maîtres italiens, où les personnages se rassemblent pour une Santa Conversazione devant le paysage lumineux et dans l’air léger de l’Ombrie. Le fond d’or isole chacun d’eux, le paysage brille derrière eux comme une âme qu’ils possèdent en commun et d’où ils tirent leur sourire et leur amour.
Rainer maria Rilke in Notes sur la mélodie des choses et autres textes
VI. Et puis pense à la vie elle-même. Rappelle-toi que les hommes ont des gestes nombreux et excessifs et qu’ils usent de mots incroyablement grands. S’ils pouvaient un seul instant être aussi tranquilles et riches que les beaux saints de Marco Basaiti, tu pourrais faire autrement que de trouver derrière eux aussi le paysage qu’ils ont en commun.
Rainer maria Rilke in Notes sur la mélodie des choses et autres textes
VII. Car il y a des instants où un homme se détache calmement et clairement de sa splendeur. Ce sont des fêtes rares que tu n’oublieras jamais. Tu aimes désormais cet être. C’est-à-dire que tu t’efforces de reproduire de tes mains animées de tendresse les contours de sa personnalité, telle que tu l’as perçue à ce moment.
VIII. L’art fait la même chose. C’est la continuation, moins modeste, de l’amour.
Rainer maria Rilke in Notes sur la mélodie des choses et autres textes
C’est l’amour de Dieu. Il n’a pas le droit de s’arrêter à l’individu, qui n’est que la porte de la vie. Il doit le traverser. Il n’a pas le droit de se lasser. Pour s’accomplir, il doit œuvrer là où tous ne sont qu’Un. Et quand il comble cet Unique de ses présents, c’est sur tous que se répand une richesse sans bornes.
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