Savoir et sagesse

Chapitre VI.1 du Zhuangzi

知天之所為,知人之所為者,至矣。知天之所為者,天而生也;知人之所為者,以其知之所知,以養其知之所不知,終其天年而不中道夭者,是知之盛也。雖然,有患。夫知有所待而後當,其所待者特未定也。庸詎知吾所謂天之非人乎?所謂人之非天乎?且有真人,而後有真知。

Savoir faire la part de l’action du ciel et de l’action de l’homme, voilà l’apogée.

— Savoir ce qu’on a reçu du ciel, et ce qu’on doit y ajouter de soi, voilà l’apogée.

— Le don du ciel, c’est la nature reçue à la naissance. Le rôle de l’homme, c’est de chercher, en partant de ce qu’il sait, à apprendre ce qu’il ne sait pas ; c’est d’entretenir sa vie jusqu’au bout des années assignées par le ciel, sans l’abréger par sa faute. Savoir cela, voilà l’apogée.

— Et quel sera le critère de ces assertions, dont la vérité n’est pas évidente ? Sur quoi repose la certitude de cette distinction du céleste et de l’humain dans l’homme ? Sur l’enseignement des Hommes Vrais. D’eux provient le Vrai Savoir.

Traduction de Léon Wieger. Tchoang Tzeu, Chapitre VI

Commentaire

La notion de ciel ( 天 tiān) est omniprésente dans les diverses traditions philosophiques chinoises. L’interprétation communément reçue aujourd’hui est qu’il ne s’agit pas d’un être transcendant. Zhuang Zi est généralement considéré comme un auteur immanentiste, pour qui n’existe aucune transcendance. Toutefois, cette manière de s’exprimer suppose une opposition entre deux niveaux de réalité qui ne sont justement pas pensés comme tels par les Chinois. Le 道 dào est absolument partout et traverse la terre comme le ciel, circule en permanence de l’un à l’autre. Le ciel est ici présenté comme ce qui produit la nature (生 shēng). Il est à noter que le mot nature relève de la même intuition que les termes équivalents en latin (natura) ou en grec (physis) puisque le caractère exprime originairement la croissance d’une plante (phyo).
Ce paragraphe est intéressant aussi parce qu’il met en évidence que l’homme est destiné à chercher le savoir et non à se satisfaire d’une sagesse limitée. Nous avons ici un témoignage d’une attitude qu’il est légitime de rapprocher de la philosophie occidentale, en tant qu’elle se distingue de la sagesse. L’homme véritable est celui qui assume le caractère incomplet de la connaissance humaine et qui malgré cela continue de chercher

tiānciel, jour, journée, temps, saison, univers
rénpersonne, homme, être humain, homo sapiens
wéifaire, administrer; gouverner, construire, devenir, se transformer en, diviser en, diviser en, être, prendre quelque chose comme, agir comme, servir comme, se comporter comme
shēngêtre né, naitre, donner naissance, accoucher, vie, existence, élève, cru, pousser, grandir
zhēnvraiment, réellement, vrai, véritable

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