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Zhang Sanfeng

Zhang Sanfeng, statue en bronze, dynastie Ming

et les origines antiques du tai-chi-chuan

Traduction de l’article Zhang, San-Feng and the Ancient Origins of Taijiquan de David Silver paru dans YMAA le 22/11 et 1/12/2008

David Silver est un Ă©crivain, un Ă©diteur et un rĂ©alisateur vidĂ©o pour YMAA Publication Center, et il est le co-scĂ©nariste de Sunrise Tai Chi et de Sunset Tai Chi. Il Ă©tudie et enseigne le qi gong avec le Dr. Yang, Jwing-Ming et il est un dĂ©butant pĂ©renne de tai-chi-chuan .

L’origine du tĂ ijĂ­quĂĄn  est une question polĂ©mique et controversĂ©e. Certains identifient la famille ChĂ©n comme la source du tĂ ijĂ­quĂĄn dans les annĂ©es 1600 et d’autres localisent plus avant l’art avec les arts internes bouddhistes, taoĂŻstes  et maĂźtre ćŒ”äž‰è± Zhāng Sānfēng. Les deux sont corrects. Et aucun d’entre eux n’a créé le tĂ ijĂ­quĂĄn. Nous allons plonger dans les documents historiques existants  et les dĂ©couvertes archĂ©ologiques pour tenter de clarifier cette question controversĂ©e. La plupart des articles sur cette question ne s’intĂ©ressent qu’aux 500 derniĂšres annĂ©es, mais je pense qu’il est essentiel de comprendre les racines prĂ©-historiques du tĂ ijĂ­quĂĄn. J’Ă©cris cela comme un chercheur de vĂ©ritĂ©, et j’hĂ©site Ă  me cramponner trop Ă©troitement aux opinions populaires. Nous allons reconstituer la comprĂ©hension la plus claire possible basĂ©e sur des preuves factuelles disponibles. Je vise Ă  reconnaĂźtre et Ă  honorer les rĂ©alisations profondes de l’ancienne culture chinoise, et j’Ă©cris avec le plus grand respect sur la philosophie tĂ ijĂ­. Certains choisissent de prĂ©tendre que Zhāng  ait jamais existĂ©, et que les arts internes n’ont que quelques centaines d’annĂ©es. Ces chercheurs peuvent ĂȘtre déçu par la mythologie confuse autour de Zhāng et ne sont peut-ĂȘtre pas conscients de la longue histoire du 逊生 yǎngshēng («les principes pour nourrir la vie») et du 慧抟 nĂšigƍng («le travail interne») antĂ©rieurs au tĂ ijĂ­quĂĄn . Ce sont les Ă©lĂ©ments essentiels qui font du tĂ ijĂ­quĂĄn un art “interne”. L’histoire de Zhāng Sānfēng a Ă©galement Ă©tĂ© obscurcie par de nombreuses lĂ©gendes rĂ©visionnistes et par des batailles politiques pour revendiquer l’origine du tĂ ijĂ­quĂĄn. L’ existence de Zhāng  est vĂ©rifiĂ©e par des documents historiques, qui parlent de lui comme ayant vĂ©cu entre la fin de la dynastie des Song et au dĂ©but des Ming, il serait nĂ© en 1242 et aurait vĂ©cu jusqu’Ă  la fin des annĂ©es 1400. Il est dĂ©crit dans diverses sources comme un praticien taoĂŻste, hautement accompli et respectĂ©, de l’alchimie interne (慧äžčæ°ŁćŠŸ nĂšidān qĂŹgƍng). Seuls quelques documents mentionnent son Ă©pĂ©e et son arc, et la fameuse Ă©pitaphe  Ă©crite par é»ƒćź—çŸČ HuĂĄng ZƍngxÄ« est parfois considĂ©rĂ©e comme l’un des seuls liens entre Zhāng  et les arts martiaux.

L’Ă©cole ć°‘æž— ShĂ olĂ­n Ă©tait connue par son pugilat de premier plan  … il y avait quelque chose qui s’appelait  l’Ă©cole interne … qui avait commencĂ© avec ćŒ”äž‰è± Zhāng Sānfēng de la dynastie Song, et Sānfēng Ă©tait un alchimiste des montagnes du Wudang.

– çŽ‹ćŸć—ćą“ćż—é“­ Épitaphe Pour WĂĄng ZhēngnĂĄn (1669)
Le début de L'art de la guerre dans un livre de bambou classique du rÚgne de l'empereur Qianlong
Le dĂ©but de L’art de la guerre dans un livre de bambou classique du rĂšgne de l’empereur Qianlong

Il est important de se rendre compte qu’il Ă©tait trĂšs courant de devenir artiste martial dans la Chine ancienne , car c’Ă©tait une Ă©poque violente oĂč l’on pouvait, en voyageant, rencontrer des bandits locaux, des chefs de guerre et des envahisseurs Ă©trangers . Ceci Ă©tait particuliĂšrement vrai pour Zhāng Ă  la lumiĂšre de la tradition taoĂŻste qui est de voyager seul d’un monastĂšre Ă  l’autre pour Ă©tudier. En outre, il est trĂšs frĂ©quent dans la culture taoĂŻste et bouddhiste de tenir un registre prĂ©cis de tous les vĂ©nĂ©rables maĂźtres de l’enseignement. Bien qu’ils ne soient pas largement connus de la sociĂ©tĂ© civile, beaucoup d’entre eux existent concernant Zhāng  et ses capacitĂ©s de mĂ©ditation et de guĂ©rison:

  • çŠȘçŽ„éĄŻæ•™ç·š ChĂĄn xuĂĄn xiǎn jiĂ o biān, les documents rassemblĂ©s du bouddhisme et du taoĂŻsme, de æ‰Ź æș„ YĂĄng Pǔ;
  • 瓊花集 QiĂłng huā jĂ­, la collection de fleur de jade, par æ›č睿 CĂĄo RuĂŹ;
  • ć€ä»Šćœ–æ›žé›†æˆ GǔjÄ«n tĂșshĆ« jĂ­chĂ©ng, la grande collection des livres anciens et modernes;
  • 靑æșȘ暇筆 QÄ«ng xÄ« xiĂĄ bǐ, les Ă©crits occasionnels du courant clair, par ć§šçŠ YĂĄo FĂș;
  • 繗ćČćŒŻç·š BĂ ishǐ huĂŹbiān, une collection d’anecdotes, par çŽ‹ćœ» WĂĄng QĂ­;
  • é™œè„żé€šćż— XiĂĄxÄ« tƍng zhĂŹ, une histoire cohĂ©sive du Shaanxi, par èłˆæŒąćŸ© Jiǎ HĂ nfĂč;

pour n’en nommer que quelques-uns. Plusieurs poĂšmes d’hommage Ă  Zhāng  existent aussi Ă  partir des annĂ©es 1400 EC. La biographie la plus cohĂ©rente de Zhāng Sānfēng est le 性ćČłć€Șć’Œć±±ćż— DĂ yuĂš tĂ ihĂ© shānzhĂŹ, ou l’histoire de la Grande Montagne Taihe Ă©ditĂ© par ä»»è‡Ș枣 RĂšn ZĂŹyuĂĄn en 1431. Il y a un certain nombre d’autres sources qui signalent Ă©galement l’existence de Zhāng Sānfēng:

  • çš‡æ˜Žæ©ć‘œäž–ćœ• HuĂĄngmĂ­ng ēnmĂŹng shĂŹlĂč, les enregistrements des commandes impĂ©riales attribuĂ©es aux empereurs de ćŒ ćź‡ćˆ Zhāng YǔchĆ«;
  • 犅玄星教猖 ChĂĄnxuĂĄn xiǎnjiĂ obiān, les documents recueillis sur le bouddhisme et sur le taoĂŻsme par 杚æș„ YĂĄng Pǔ;
  • ć€§æ˜Žäž€ç»Ÿćż— DĂ mĂ­ng yÄ«tǒngzhĂŹ, l’histoire cohĂ©sive du Grand Ming par 李莀 Lǐ XiĂĄn en 1461;
  • ćŒ äž‰äž°é—èżčèź° Zhāng Sānfēng yĂ­jÄ« jĂŹ, le Monument des LĂ©gendes Zhang San-Feng dans le Temple taoĂŻste Jintai du ComtĂ© de Baoji  datĂ© de 1462;
  • èŽ”ć·žć›Ÿç»æ–°ćż— GuĂŹzhƍu tĂșjÄ«ng xÄ«nzhĂŹ, les Annales des Classements et Archives de Guizhou par 瀋陜 Shěn YĂĄng;
  • èŽ”ć·ž 通濗 GuĂŹzhƍu tƍngzhĂŹ, ou une histoire cohĂ©sive de Guizhou en 1597 par çŽ‹æŸèłą WĂĄng ShĂčxiĂĄn.

On peut aussi entrevoir la naissance, la vie et la mort de Zhāng Sānfēng dans les sources littĂ©raires de l’Ă©poque. Dans le poĂšme « Chanson Ă  la dĂ©rive », Zhāng Sānfēng Ă©crit:

Chanson dĂ©rivante, chanson Ă  la dĂ©rive, flĂąnant aprĂšs quarante-huit ans, combien de temps ai-je encore ? Pendant seize ans, je me suis attardĂ© Ă  Heng Mountain, errant entre Yan et Zhao comme vagues sur l’eau. Je vais aller Ă  la montagne de Penglai et je chante le Cantique du Dao. Ceci a Ă©tĂ© Ă©crit en 1294 EC, selon Yunshui ji äș‘氎集 YĂșn shuǐ jĂ­, ou la Collection des Nuages et de l’Eau, qui est un recueil de poĂšme attribuĂ© Ă  Zhāng Sānfēng. Il indique que Zhāng est nĂ© en 1247, il Ă©tait ĂągĂ© de 48 ans, et il n’avait peut-ĂȘtre pas encore reçu la vĂ©ritable transmission du Dāo. Zhāng a laissĂ© de nombreux Ă©crits, mais peu ont Ă©tĂ© traduit en anglais. Ceux-ci ont Ă©tĂ© compilĂ©es par æŽè„żæœˆ Lǐ XÄ«yuĂš sous la dynastie des Qing dans un livre intitulĂ© les «ƒuvres ComplĂštes du noble Zhang Sanfeng”, qui est conservĂ© dans les «SĂ©lections du Canon taoĂŻste».

SchĂ©ma reprĂ©sentant les pĂ©riodes solaires qui correspondent, dans les calendriers traditionnels d'ExtrĂȘme-Orient, Ă  vingt-quatre divisions de 15° de la course du Soleil le long de l'Ă©cliptique.
Les 24 périodes solaires

Selon

  • le ćźéžĄé‡‘ć°è§‚çą‘ BǎojÄ« jÄ«ntĂĄiguān bēi, ou  “Monument du temple Jingtai” de Baoji,
  • le 焄珊掿濗 XiĂĄngfĂș xiĂ nzhĂŹ ou “les annales du comtĂ© de Xiangfu” par ćŠ›é€šæ’ LĂŹ TƍnghĂ©ng,
  • le 盛äșŹé€šćż— ShĂšngjÄ«ng tƍngzhĂŹ, ou “l’Histoire CohĂ©sive de Shengjing”  par E Gui,
  • le éƒŽć·žæ€»ćż— Chēnzhƍu zǒngzhĂŹ, ou “l’Histoire CohĂ©sive de Chenzhou” de 陈昭 ChĂ©n zhāo,

Zhāng a Ă©tĂ© observĂ©e Ă  la fin de l’annĂ©e du rĂšgne de 怩éĄș  TiānshĂčn (1457-1464). Ce dĂ©lai est en accord avec le moment oĂč l’inscription impĂ©riale en bronze a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  Zhāng Sānfēng, en 1459. Cette observation supposĂ©e tardive est l’une des raisons pour lesquelles Zhāng aurait vĂ©cu si longtemps. L’ histoire officielle des Ming dĂ©crit que Zhāng Sānfēng Ă©tait un excentrique mais aussi un alchimiste trĂšs accompli , admirĂ© par les ImpĂ©riaux et la population en gĂ©nĂ©ral. Il fut convoquĂ© par le premier empereur Ming  æœ±ć…ƒ ç«  ZhĆ« YuĂĄnzhāng (1328-1398) en 1391, par le troisiĂšme empereur æœ±æŁŁ ZhĆ«dĂŹ (1360-1424) en 1412, et par le sixiĂšme empereur Ming 朱焁镇 ZhĆ« QĂ­zhĂšn (1427-1464) pour son inscription impĂ©riale en bronze en 1459. (Zhang Tingyu) Mais, on ne l’a jamais trouvĂ© lorsqu’il a Ă©tĂ© convoquĂ©. Au cours des annĂ©es 1300, Zhāng est devenu un taoĂŻste entiĂšrement rĂ©alisĂ© : un «immortel», ce qui signifie un Ă©veillĂ©. Et si l’on est prĂȘt Ă  croire que c’est la mĂȘme personne qui apparaĂźt dans ces documents, il a vĂ©cu alors grĂące Ă  sa pratique du qi gong plus de 200 ans. Il est possible qu’il ait eut une espĂ©rance de vie supĂ©rieure Ă  la moyenne jusqu’au dĂ©but et au milieu des annĂ©es 1300, et que les histoires sur lui ont continuĂ© de se propager le siĂšcle suivant. C’Ă©tait un moine qui Ă©tait profondĂ©ment versĂ© dans le taoĂŻsme, le confucianisme et le bouddhisme. Dans son ć€§é“è«– DĂ dĂ o LĂčn, «Sur la Grande Voie”, il a dĂ©clarĂ© que ces religions ont la mĂȘme origine et partagent la tendance Ă  dĂ©velopper le caractĂšre moral et Ă  “cultiver le Tao.” Il a pratiquĂ© les arts martiaux internes au mont Wudang avec son professeur ç«éŸ™é•‡ä»» Huǒl Long ZhĂšn RĂšn. Plus tard dans sa vie, la lĂ©gende veut qu’aprĂšs avoir assistĂ© Ă  la cĂ©lĂšbre “bataille entre un serpent et une grue”, Zhāng ait dĂ©veloppĂ© un style d’art martial qui lui permettait de s’opposer Ă   des adversaires plus rapides et plus jeunes, avec quatre principes de base: utiliser le calme contre l’action, le doux contre le dur, le lent contre le rapide et l’unique contre le multiple. Cependant, Zhāng Ă©tait seulement l’un des milliers de moines qui pratiquaient les arts internes et les arts martiaux Ă  Wudang, , cela ne relevait probablement pas de sa seule crĂ©ation. Les notions de douceur, d’Ă©coute et coller ont Ă©tĂ© discutĂ©s dans le ćŠç¶“ JiĂ n jÄ«ng , le Classique de l’EpĂ©e de  äżžć€§çŒ· YĂș DĂ yĂłu au environ de 1550. Il est clair que ces principes qui sont maintenant associĂ©s au tĂ ijĂ­quĂĄn  faisaient partie d’un style d’art martial qui a prĂ©cĂ©dĂ© l’Ă©poque de 陈王ćș­ ChĂ©n WĂĄngtĂ­ng.

真歊 Zhēnwǔ, le guerrier vĂ©ritable

Le temple Qianzai du village Tang (ć”æ‘) dans le comtĂ© de Boai (ćšçˆ±ćŽż), est Ă  environ 50 km de l’actuel village ChĂ©n. Des recherches rĂ©centes, basĂ©es sur une histoire nouvellement dĂ©couverte de la famille Li , ont mis Ă  jour des documents identifiant clairement les Ă©vĂ©nements autour de 1650. Deux frĂšres Li s’Ă©taient mariĂ©s dans la famille ChĂ©n.

ćƒèœœ ćŻș, le Temple Qianzai  fut le berceau du tai-chi-chuan … Li Yuanshan dĂ©crit dans la prĂ©face que les frĂšres Li ä»Č ZhĂČng et 俥 XĂŹn, et leur cousin ChĂ©n WĂĄngtĂ­ng ont créé ć€Ș极 ć…»ç”Ÿ ㊟, le taiji yangshen gong , ou« l’art taiji de cultiver la vie, 捁侉 ćŒ 通 臂 ㊟ ShĂ­sān shĂŹ tƍng bĂŹ gƍng, « la boxe des Treize Postures. » (王興äșž WĂĄng XĂŹngyĂ ) Le Temple Qianzai Ă©tait un temple de synthĂšse du bouddhisme, du taoĂŻsme et du confucianisme. Les trois Ă©tudiĂšrent ensemble les arts martiaux et la philosophie , et devinrent frĂšres jurĂ©s, en prenant ćš 慬 æ­Š 道, l’abbĂ© Bogong Wudao, comme leur maĂźtre ć€Ș极 闹, Ă  la porte de Taiji  du Temple Qianzai. Apparemment ChĂ©n fut autorisĂ© Ă  nommer l’art aprĂšs que les trois partenaires et leur maĂźtre le considĂšre comme le vainqueur. Mais, selon Li Xiangyi (et le chercheur 蘧鉎 QĂș jiĂ n ) « l’art de wuji pour cultiver la vie » et « la boxe des treize postures » avait Ă©tĂ© créé par le prĂȘtre 捁抛 ShĂ­ lĂŹ  (614 Ă  741) du Temple Qianzai, ou æŽé“ć­ Lǐ DĂ ozi, qui avait maĂźtrisĂ© les trois enseignements:

  • l捃金 çżŒ æ–č QiānjÄ«n YĂŹfāng , “les prescriptions rĂ©visĂ©es qui valent mille piĂšces d’or”,
  • ćŻŒćŒ• dǎo yǐn  “en guidant et en tirant” et
  • 搐çșł tǔ nĂ   “expulser l’ancien souffle et aspirer le nouveau.”

Sur la base des inscriptions de la tablette de pierre trouvĂ©e dans les articles de Qu, l’art de Shi Li souligne:

拿 äžș 霾 腐 æ‹ł äžș 民生 ä»„æŸ”ć…‹ćˆš èˆć·± 从 äșș

Ne soyez pas intimider par la futillitĂ© , le pugilat c’est pour la vie et la santĂ©. La douceur surmonte la duretĂ©, abandonnez-vous et suivez l’adversaire . (Qu Jian, 2006) MalgrĂ© cette revendication lĂ©gitime d’une progression naturelle des arts internes et des 13 vieux modĂšles vers l’Ă©tude et le dĂ©veloppement du tĂ ijĂ­quĂĄn au temple Qianzai, il est important de se rappeler que dĂ©jĂ  au 4e ou 5e siĂšcle AEC, les Ă©crits rassemblĂ©s connus sous le nom de DĂ odĂ©jÄ«ng  contenait les mots:

Le doux vainc le dur, le souple surmonte le fort.

Et plus tĂŽt au 6e siĂšcle AEC, Sun Tzu Ă©crivait dans l’art de la guerre

L’eau, douce, et sans rĂ©sistance, peut dĂ©placer d’Ă©normes rochers dans un ruisseau de montagne en raison de la puissance de sa position stratĂ©gique et son Ă©lan … Les angles aigus entravent le mouvement.  Les formes arrondies se dĂ©ploient et circulent La victoire dĂ©coule inĂ©vitablement de la stratĂ©gie appropriĂ©e et les forces suivent alors naturellement le Dao.

Diagramme tiré de Liushu benyi (1370) de Zhao Huiqian, représenté dans l'édition de Siku Quanshu (1751).
Diagramme tirĂ© de Liushu benyi (1370) de Zhao Huiqian, reprĂ©sentĂ© dans l’Ă©dition de Siku Quanshu (1751).

Le concept du Tao (道 dĂ o), la voie naturelle, est exposĂ© ici 200 ans avant Bouddha, et 600 ans avant JĂ©sus. Quel est l’anciennetĂ©  de la philosophie du ć€Șæ„” tĂ ijĂ­ ? La crĂ©ation du premiĂšre symbole yÄ«n~yĂĄng du tĂ ijĂ­ tĂș est parfois attribuĂ© Ă  è¶™æ’èŹ™ ZhĂ o HuÄ«qiān (1351-1395 ), intitulĂ© 〩㜰è‡Ș然æČłćœ– tiāndĂŹ zĂŹrĂĄn hĂ© tĂș (le diagramme du fleuve de la nature du ciel et de la terre ). Mais le yin~yang est connu pour ĂȘtre beaucoup plus ancien. En 1993, les textes du 郭ćș— GuƍdiĂ n ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans une tombe de la province du Hubei. Il s’agit de la version la plus ancienne connue du é“ćŸ·ç¶“ DĂ odĂ©jÄ«ng, datĂ©e du 4e ou 3e siĂšcle AEC, qui contient beaucoup plus de texte que le  DĂ odĂ©jÄ«ng que l’on connaissait dĂ©jĂ . Sur les 12 072 caractĂšres Ă©crits sur des tablettes de bambou, 2.000 correspondent Ă  l’actuel DĂ odĂ©jÄ«ng. En fait, le nom de è€ć­ Lǎozǐ signifie tout simplement «vieux maĂźtre», ce recueil de texte a Ă©tĂ© Ă©crit par un auteur inconnu, ou plusieurs, au 4e ou 5siĂšcle AEC. ou plus tĂŽt (c’est curieusement proche de l’Ă©poque du Bouddha, Siddhartha Gautama qui atteint l’illumination au NĂ©pal dans l’Inde antique). Les concepts de tĂ ijĂ­, yÄ«n~yĂĄng, et wĂșjĂ­ existaient bien avant l’Ă©poque de Zhāng Sānfēng.

Il est largement reconnu que l’histoire de Zhāng a Ă©tĂ© Ă©levĂ© au rang de lĂ©gende comme un moyen d’affirmer la fiertĂ© nationale chinoise Ă  une Ă©poque oĂč le bouddhisme de l’Inde-NĂ©pal Ă©tait trĂšs rĂ©pandu en Asie. Le bouddhisme entra lentement en Chine par la Route de la Soie au cours du premier siĂšcle, et l’enseignement de Bodhidharma (達摩 DĂĄmĂł), le 28e patriarche du bouddhisme, au environ de 500 EC, a affectĂ© la Chine si profondĂ©ment qu’Ă  un moment donnĂ©, il y avait plus de 10 000 temples bouddhistes Ă  travers Chine. TaoĂŻsme et tĂ ijĂ­quĂĄn Ă©taient considĂ©rĂ©s comme «chinois indigĂšne», et ont donc parfois Ă©tĂ© disculpĂ©s pour des raisons politiques plus que le bouddhisme indien importĂ© . A la fin de l’Ăąge d’or de la Chine , dans le dernier siĂšcle de la dynastie des Tang, l’empereur taoĂŻste  ć”æ­Šćź—æŽç‚Ž TĂĄng wǔzƍng lǐ yĂĄn (814846) a jugĂ© que le bouddhisme Ă©tait une religion Ă©trangĂšre qui Ă©tait nuisible Ă  la sociĂ©tĂ© chinoise. Il saisit les biens des riches temples bouddhistes, il les a fermĂ©s, et il renvoya les moines et les nonnes Ă  la sociĂ©tĂ© laĂŻque. Un Ă©dit impĂ©rial pendant la «Grande persĂ©cution anti-bouddhiste” de 842-845 a dĂ©clarĂ© la procĂ©dure engagĂ©e contre le bouddhisme comme suit:

… 260 500 moines et nonnes sont de retour dans le monde, et sont considĂ©rĂ©s comme les mĂ©nages qui paient l’impĂŽt. Le nombre des refuges et ermitages qui sont dĂ©truits  dĂ©passe les quarante mille …

SimultanĂ©ment, il a largement promu le taoĂŻsme, et pendant cette pĂ©riode, toute manifestation publique de pratique de l’art religieux et martial Ă©taient exclusivement taoĂŻste. Les pratiques bouddhistes durent se cacher ou ont Ă©tĂ© absorbĂ©es dans le taoĂŻsme. Le tĂ ijĂ­quĂĄn est Ă©troitement associĂ© Ă  la montagne Wudang, le lieu de l’illumination de Zhāng, parce que la pratique des arts internes en tant qu’aspect essentiel de l’Ă©tude taoĂŻste a une histoire d’au moins 2 000 ans Ă  Wudang. D’une grande ampleur et impressionnant jusque dans les dĂ©tail, la montagne de Wudang et ses temples sont la mĂ©taphore parfaite du tĂ ijĂ­quĂĄn lui-mĂȘme. La chaĂźne de montagnes de Wudang au nord-ouest de la province du Hubei, qui s’Ă©tend sur 321 kilomĂštres carrĂ©s, se compose de 72 pics avec 72 temples rupestres, deux douzaines d’autres chefs-d’Ɠuvre architecturaux, de nombreux lacs, riviĂšres, et d’une belle forĂȘt qui Ă  ce jour abrite plus de 600 herbes chinoises. Comme le tĂ ijĂ­quĂĄn, le complexe Wudang est un monument de la culture chinoise ancienne aux grandes rĂ©alisations spirituelles. Dans les temps anciens, la montagne Ă©tait connue comme ć€Șć’Œć±± TĂ ihĂ© shān. Entre le 8e et le 4e siĂšcles AEC, (æ˜„ç§‹æ—¶ä»Ł  la pĂ©riode des Printemps et Automnes), le royaume de Chu a utilisĂ© les montagnes de Wudang pour repousser l’invasion de l’armĂ©e Qin . Le nom Wudang provient d’une citation antique qui dĂ©crit le rĂŽle dĂ©fensif de la montagne; ” éžæ­ŠçœŸäžé˜»æŒĄäč‹ Fēi wǔ zhēn bĂč zǔdǎng zhī» oĂč wu signifie «martial» et dang signifie “rĂ©sistance”: “seuls les vrais arts martiaux peuvent fournir une rĂ©sistance.”. MĂȘme dans les temps anciens, les arts martiaux de Wudang Ă©taient vĂ©nĂ©rĂ©s. Les praticiens de tous les styles de tĂ ijĂ­quĂĄn doivent respecter  ChĂ©n WĂĄngtĂ­ng. (et la famille Li) ainsi que le style ChĂ©n de  tĂ ijĂ­quĂĄn, qui est clairement la source premiĂšre de tous les autres styles de la famille moderne. Mais, il est probable que la famille ChĂ©n a ajoutĂ© les techniques du tĂ ijĂ­quĂĄn Ă  leur  “poing canon ” familial prĂ©existant (ç‚źæ¶ pĂ o chuĂ­), alors que le tĂ ijĂ­quĂĄn s’est rĂ©pandu Ă  travers la Chine, en dĂ©veloppant une sĂ©rie de mouvements provenant de “é•żæ‹ł zhǎng quĂĄn” , (Poing long, une rĂ©fĂ©rence Ă  la longue riviĂšre sinueuse, un autre nom pour le Yangtze). Autour de 800 EC, un philosophe nommĂ© èš±ćźŁćčł Xǔ XuānpĂ­ng est crĂ©ditĂ© du dĂ©veloppement d’un long GƍngfĆ« de 37 postures, qui comprenait:t:

  • jouer de la guitare
  • le simple fouet
  • s’accroĂźtre jusqu’aux sept Ă©toiles
  • la dame de Jade active les navettes
  • une forte tape sur le cheval
  • le Phoenix bat des ailes

Les 37 postures de Xǔ XuānpĂ­ng ont-elles Ă©tĂ© créées en 800 EC sur la base des 13 postures de Qianzai 100 ans auparavant ? Il est plus probable que ces mouvements basiques d’autodĂ©fense Ă©taient largement pratiquĂ©s, peut-ĂȘtre surtout dans la province du Hubei, et le crĂ©dit de les marier avec la thĂ©orie tĂ ijĂ­ ne peut pas ĂȘtre attribuĂ© Ă  une seule personne. Le “tĂ ijĂ­ quĂĄn Chang” existait dans de nombreuses variantes, et a fini par devenir le tĂ ijĂ­quĂĄn. D’autres formes de la mĂȘme Ă©poque comme le “Style cĂ©leste inné», les «Neuf petits cieux» et le « Kung Fu  acquis” peuvent aussi montrer des similitudes avec ce qui allait devenir le tĂ ijĂ­quĂĄn. Les principes de la douceur, de coller, d’adhĂ©rer et d’utiliser le propre Ă©lan de l’adversaire contre lui-mĂȘme ont Ă©tĂ© Ă©tablis dans ces styles martiaux prĂ©curseurs. L’enseignement de Bodhidharma au temple bouddhiste Shaolin, qui dĂ©taille la thĂ©orie de l’utilisation de l’esprit pour diriger le souffle afin de dynamiser le corps physique, est largement considĂ©rĂ© comme l’origine des arts martiaux internes.

Figures du daoyin sur le parchemin de Mawangdui
ć°ŽćŒ•ćœ– dǎoyǐn tĂș sur le parchemin de Mawangdui

Il faut aussi tenir compte non seulement des mouvements spĂ©cifiquement martiaux du  tĂ ijĂ­quĂĄn, mais Ă©galement des principes du qi gong (de la culture de l’Ă©nergie), qui sont aussi un aspect essentiel du tĂ ijĂ­quĂĄn et de tous les arts martiaux internes. Le qi gong des cinq animaux de ćŽäœ— HuĂĄ TuĂł aux alentours de 250 EC  peut Ă©galement ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un prĂ©curseur influent des mouvements lents et naturels de la forme tĂ ijĂ­quĂĄn, et l’on sait que des exercices antĂ©rieurs d’animaux chamaniques ont existĂ©. Les mouvements du ć°ŽćŒ•ćœ– dǎoyǐn tĂș et les exercices de respiration dĂ©crits sur le rouleau de 马王栆 MǎwĂĄngduÄ«, datĂ© d’environ 200 AEC, indiquent que le concept de mouvements lents et fluides coordonnĂ©s avec la respiration et la circulation du souffle dans tout le corps prĂ©cĂšde Zhāng et ChĂ©n d’au moins 1500 ans, et est antĂ©rieure Ă  l’arrivĂ©e de Bodhidharma.

Le vajra et la cloche dans le bouddhisme Vajrayana

La clochette, en gĂ©nĂ©ral tenue en mĂȘme temps que le vajra dans l’une des mains principales, reprĂ©sente le principe fĂ©minin, lĂ  oĂč le vajra reprĂ©sente le principe masculin, la perfection de la sagesse et l’expĂ©rience directe de la vacuitĂ©.

Il est communĂ©ment admis que les moines ont Ă©tudiĂ© auprĂšs des diffĂ©rents temples taoĂŻstes, confucĂ©ens et  bouddhistes, les plus populaires de ces derniers Ă©tant ceux de Shaolin. Un ancien enchaĂźnement du kung-fu de Shaolin datant de peu de temps aprĂšs l’Ă©poque de Bodhidharma a une ressemblance frappante avec le tĂ ijĂ­quĂĄn, dans ses mouvements doux, fluides, lents, accentuĂ©e par des rafales rapides de ç™Œć‹  fā jĂŹn (puissance d’Ă©mission). Cet enchaĂźnement é‡‘ćˆšæ‹ł JÄ«ngāng quĂĄn, vieux de 1500 ans , est aussi connu comme le poing (quĂĄn) Vajra (JÄ«ngāng), qui signifie «diamant”, ou “coup de foudre”, il a des racines dans le bouddhisme. Le vajra est une arme mĂ©tallique courte qui se double d’un symbole reprĂ©sentant la fermetĂ© indestructible de l’esprit et du pouvoir spirituel, et la nature transcendantale de la rĂ©alitĂ©. Dans le rituel bouddhiste, le vajra symbolise le principe masculin dans la main droite et la cloche symbolise le principe fĂ©minin, qui est tenu dans la gauche, leur interaction conduit Ă  l’illumination. Dans le tĂ ijĂ­quĂĄn de style ChĂ©n, une forme de main apparentĂ©e est frĂ©quemment utilisĂ©e dans le mouvement nommĂ© «pilons de Vajra» (é‡‘ćˆšæŁçą“ JÄ«ngāng dǎo duĂŹ). Alors, qui a créé le tĂ ijĂ­quĂĄn  et quand a-t-il Ă©tĂ© créé? Personne ne peut rĂ©pondre complĂštement Ă  cette question de savoir quand exactement la philosophie du tĂ ijĂ­ a Ă©tĂ© fusionnĂ©e avec les arts martiaux. La preuve de cet Ă©vĂ©nement est absente, parce qu’il ne peut pas ĂȘtre attribuĂ© Ă  une seule personne ou Ă  un moment prĂ©cis. C’est exactement pour cette raison que Zhāng Sānfēng est considĂ©rĂ© comme le fondateur et le patriarche du tĂ ijĂ­quĂĄn, car il reprĂ©sente la sagesse de la Chine ancienne elle-mĂȘme. C’Ă©tait un pratiquant taoĂŻste accompli, et populaire Ă  son Ă©poque, il a incarnĂ© les arts internes: le nĂšigƍng, le tuÄ« nĂĄ, le dǎoyǐn, le yǎngshēng et la philosophie tĂ ijĂ­ :  l’essence du tĂ ijĂ­quĂĄn. Ces anciennes pratiques chamaniques sont millĂ©naires.

Magister Peditum (Insigne du magister militum praesentalis.) Page 4 de la Notitia Dignitatum (5e siĂšcle EC)
Insigne du magister militum praesentalis in Notitia Dignitatum (5e siĂšcle EC)

Les dĂ©couvertes archĂ©ologiques rĂ©centes de symboles yÄ«n~yĂĄng taillĂ©s dans des carapaces de tortues et dans la pierre sont estimĂ©s Ă  pas moins de 5000 ans, il semble que les concepts fondamentaux de la philosophie du tĂ ijĂ­ yÄ«n~yĂĄng , comme la nature spiralĂ©e de l’Ă©nergie crĂ©atrice, ainsi que l’observation et l’harmonisation avec les cycles naturels, existent depuis des millĂ©naires. (Les lecteurs intĂ©ressĂ©s par l’histoire ancienne peuvent ĂȘtre intriguĂ©s que des vestiges de la culture maya datant de 5000 ans  en AmĂ©rique centrale contiennent un symbole similaire au yin~yang *). Ces concepts fondamentaux  de tĂ ijĂ­ existaient dĂ©jĂ  depuis des milliers d’annĂ©es lorsque Zhāng  et ChĂ©n les ont popularisĂ©, et il y avait probablement des centaines de maĂźtres dont les noms sont perdus dans l’histoire qui pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme Ă©galement responsable de la transmission des principes dans les arts internes et Ă  l’origine du tĂ ijĂ­quĂĄn. Il est Ă©vident que de nombreuses personnes ont contribuĂ© Ă  l’Ă©volution du tĂ ijĂ­quĂĄn au cours de plusieurs siĂšcles. Comme l’histoire le met en Ă©vidence, il devient clair que les principes essentiels des arts internes, les 13 modĂšles de base, et la thĂ©orie du tĂ ijĂ­quĂĄn qui sont attribuĂ©s Ă  ChĂ©n, et plus tĂŽt Ă  Zhāng , ont des racines dans la Chine prĂ©-historique. En pratiquant le tĂ ijĂ­quĂĄn et son parent le qi gong, nous nous connectons aujourd’hui Ă  cet enseignement prĂ©cieux qui a Ă©tĂ© transmis de maĂźtre Ă  Ă©lĂšve depuis des milliers d’annĂ©es. Les praticiens de tous styles, revendiquent tous la propriĂ©tĂ© de l’art du tĂ ijĂ­quĂĄn , plus de preuves se dĂ©voileront, que nous espĂ©rons voir traduites en anglais, plus nous dĂ©couvrirons une histoire exhaustive dĂ©taillĂ©e. A une querelle de lignĂ©e, nous prĂ©fĂ©rerons plutĂŽt pratiquer humblement et aspirer Ă  atteindre la sagesse que l’on retrouve au sein du tĂ ijĂ­quĂĄn.

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