Orientations

Les points cardinaux

Les points cardinaux sont les 4 points imaginaires qui définissent les directions du Nord, de l’Est, du Sud et de l’Ouest.

Le Nord

Il existe deux “types” de nord : le nord magnétique et le nord géographique. Lorsque que l’on utilise une boussole, celle-ci va être attirée par le nord magnétique alors que lorsque l’on regarde une carte, celle-ci est orientée suivant le pole nord géographique La différence entre le nord magnétique et le nord géographique est appelée déclinaison magnétique.

Dans l’hémisphère nord, l’étoile polaire est située très proche de l’axe de rotation de la Terre, elle reste à la même position dans le ciel quelle que soit l’heure de la nuit et quel que soit le jour de l’année alors que toutes les autres étoiles semblent tourner autour d’elle. En traçant une ligne verticale de l’étoile polaire jusqu’à l’horizon, on a une très bonne approximation de la direction du Nord.

L’Est

Le lever du Soleil se fait dans la direction de l’Est. En fait, le soleil ne se lève à l’Est que durant 2 jours dans l’année, pendant les deux équinoxes. L’été, le Soleil reste plus longtemps visible dans le ciel, il se lève au Nord-Est alors que l’hiver celui-ci se lève au Sud-Est

Le sud

Dans l’hémisphère sud, il n’existe pas d’étoile brillante située à proximité du prolongement de l’axe de rotation de la Terre. Pour déterminer la position du Sud, on peut s’aider d’une constellation très célèbre dans l’hémisphère Sud, la croix du Sud. Il faut ensuite reporter entre 4 et 5 fois la distance qui sépare les deux étoiles de la partie la plus grande de la croix (Acrus et Gacrux).

L’Ouest

L’Ouest est la direction où se couche le soleil. Comme pour l’Est, le soleil ne se couche exactement à l’Ouest que pendant les équinoxes, sinon, il se couchera au Nord-Ouest l’été et au Sud-Ouest l’hiver.

Observations

Quant à l’orientation de l’île, l’ingénieur l’avait déterminée approximativement par la hauteur et la position du soleil, ce qui mettait à l’est la baie de l’Union et tout le plateau de Grande-Vue. 

Jules Verne in L’Ile mystérieuse

Alors que le nord semble être la direction de référence lorsqu’il s’agit de cartographie, il n’apparaît pas aussi important lorsqu’il est ramené à une orientation naturelle. En effet, parce que s’orienter, c’est d’abord repérer des éléments du monde extérieur pour se positionner dans l’espace, le repère le plus évident, à notre latitude, est d’abord le soleil. Tout sujet positionné à cette latitude perçoit le même mouvement du soleil : il décrit un arc de cercle qui part de l’est à l’aube (oriens ), s’érige au sud à midi, puis s’effondre à l’ouest le soir (occidens), sans passer par le nord. Le soleil ne se trouve donc jamais de façon visible au nord. Le nord reste voilé.

Cela vaut aussi pour les Japonais qui se trouvent à une même latitude ; l’est se disant higashi (東, ひがし), mot qui provient de himukashi signifiant face au soleil, et l’ouest, nishi (西, にし), mot qui provient de inishi, là où le soleil a disparu.

Sémiotiques

Ainsi ô Juges de la République, & Pilotes de ce Navire, qui aveuglez de vos passions, & en la nuict de vos intentions mauvaises, vous avez perdu le Nort, parmy l’obscurité de vos malices.

Sermons et saincts exercices tres-doctes et eloquents sur toutes les Evangiles du sainct Caresme

Orient

Pour les occidentaux, l’orient symbolise l’origine du monde. La prière liturgique chrétienne se pratique dans la direction de l’orient (ad orientem), parce qu’elle vise le soleil qui est le symbole du Christ. Les églises étaient édifiées dans la direction de l’est jusqu’au XVe siècle et les cartes du Moyen Âge représentaient l’est vers le haut.

Le quadrilatère solsticial

Depuis les origines et jusqu’au XVe siècle, dans tous les pays chrétiens, l’édifice de l’église était adapté à une prière communautaire dirigée vers l’est, c’est ce qu’on a appelé l’orientation. Car l’attente du soleil levant (symbole du Christ ressuscité) est un trait essentiel de la prière et de la spiritualité chrétienne. Le soleil montant est souvent comparé à un oiseau. Le mazdéisme assimile le soleil à un coq qui annonce le lever du jour, et les clochers chrétiens portent encore cet oiseau qui symbolise la vigilance de l’âme en attendant la seconde venue du Christ, la naissance de la Grande Aurore. 

Méridien

Si l’est paraît valorisé en Occident, l’Orient valorise aussi le sud car il manifeste une grande lumière. Certaines cartes antiques et médiévales chinoises sont ainsi axées selon la position méridienne du soleil. Lorsque les cartes japonaises représentent le nord vers le haut, c’est en raison de la présence du palais impérial, qui fait face au midi dans les villes. Dans ce sens, les habitants ne doivent jamais s’orienter vers le nord car ils feraient face à l’Empereur. Ils doivent préférer le sud.

Chinois et Japonais parlent encore aujourd’hui de l’axe sud-nord, et non, nord-sud, comme en Occident. En chinois, diriger ou enseigner se dit 指南 zhǐnán, ce qui signifie pointer (指 zhǐ) vers le sud 南 nán.

Ce sens, qui fait dos au nord, se retrouve aussi dans l’invention chinoise du char montre-sud (2600 AEC) qui, comme son nom l’indique, était orienté vers le sud.

Il existait aussi des poissons ou tortues montre-sud, ancêtres de la boussole, qui étaient employées à des fins divinatoires ou médicales, leurs têtes étant dirigées vers le sud.

Septentrion

À notre latitude, s’il existe des variations culturelles qui valorisent plus ou moins un des quatre points cardinaux, repérables selon la longitude, le nord est globalement minoré.

Fascinés par le spectacle du ciel étoilé, les anciens ont remarqué, sur la voûte céleste, des figures apparemment fixes, les constellations. 

La Grande Ourse

La Grande Ourse est la troisième constellation du ciel par son étendue. Ses étoiles les plus brillantes, Dubhe, Merak, Phecda, Megrez, Alioth, Mizar et Alkaid, sont visibles à l’œil nu et elles dessinent une grande figure surnommée la Grande casserole ou le Grand chariot.

Le Grand chariot

Aux latitudes européennes, le Grand chariot présente la particularité de ne jamais se coucher, elle est circumpolaire et elle survole l’horizon nord avant de remonter à l’est. Ainsi, quelle que soit la nuit de l’année ou l’heure de la nuit, en vous tenant face à un horizon nord dégagé et en balayant le ciel du regard, vous trouverez inévitablement les sept étoiles de la Grande casserole, d’où l’intérêt de les utiliser pour partir à la découverte des autres constellations. Une méthode très connue permet de déterminer l’emplacement de l’Étoile polaire : en traçant la ligne des Gardes de la Grande casserole, prolongée dans le sens Merak-Dubhe d’une distance égale environ à cinq fois la distance entre ces deux étoiles, on tombe sur l’Étoile polaire.

Les changements saisonniers correspondent à la position de rotation de la Grande Ourse dans le ciel
四季变化对应于北斗七星在天空的旋转位置

斗柄东指,天下皆春;斗柄南指,天下皆夏;斗柄西指,天下皆秋;斗柄北指,天下皆冬。

鹖冠子·环流

Que le manche du Boisseau s’oriente vers l’est et le printemps emplit tout sous le ciel
Qu’il s’orient vers le Sud et l’été s’installe
Qu’il s’oriente ver l’ouest et l’automne survient
Qu’il s’oriente vers le nord et l’hiver arrive

En astronomie chinoise, ses sept étoiles principales correspondent au Boisseau du Nord (北斗, Běidǒu) ou sept étoiles de Beidou (北斗七星, Běidǒu qī xīng), un des plus anciens astérismes utilisés dont l’orientation était utilisée pour suivre le cycle des saisons.

Dans le domaine des armes et des armures, le Boisseau du Nord est couramment rencontré sur les lames d’épée, souvent sous la forme de sept bouchons en laiton qui sont insérés dans la lame, parfois avec des lignes les reliant.

Cela se voit le plus souvent sur les sabres chinois, appelés « sept étoiles jian » par les collectionneurs mais ils apparaissent également sur les 偃月刀 yǎnyuèdāo, et, plus rarement, les lames de sabre et les fers de lance. Le motif est également courant sur les épées droites de Corée et du Vietnam.

La Grande Ourse dans le taoïsme

La Grande Ourse est considérée comme le trône de 上帝 Shàngdì, la divinité suprême dans l’ancienne religion chinoise de la dynastie Shang au taoïsme ultérieur. 

  • La Grande Ourse indique la bonne orientation pour effectuer la méditation ou les rituels à travers le mouvement apparent du manche de la grande louche tout au long de l’année.
  • La Grande Ourse était présumée avoir de puissants pouvoirs d’exorcisme en tant que divinité du Nord et du monde souterrain. Dans les rituels taoïstes du tonnerre (雷法 Léifǎ), le tonnerre est invoqué de la direction vers laquelle pointe la Grande Ourse (appelée 命門 Mìngmén, la porte de la force vitale) afin d’expulser les démons.
  • La Grande Ourse reçoit des invocations du postulant qui demande pardon pour ses péchés et pour que son nom soit effacé du registre des morts (死籍 Sǐjí).
  • La Grande Ourse ouvre la voie vers le ciel, sa septième étoile s’appelle 天關 Tiānguān, la Passe du Ciel, à la fois dans la méditation et le rituel. 

La Grande Ourse a donc une double nature : elle est liée à la vie et à la mort et est associée à l’idée de passage. Il sépare également le bien du mal et accorde des punitions et des récompenses. Tous les symboles qui représentent le lien entre l’unité et la multiplicité lui sont étroitement liés.

Lors des rituels taoïstes d’adoration des divinités astrales (步罡踏斗 bù gāng tà dòu), dans les Monts du Dragon et du Tigre, le maître rituel, portant des chaussures nuages, place sur le sol le diagramme de la Grande Ourse qui symbolise les neuf couches du ciel. Accompagné d’une mélodieuse musique taoïste, le maître rituel visualise les Neuf Cieux, et arpente la Grande Ourse selon les positions des étoiles et des 28 constellations ainsi que le diagramme des Neuf Palais et des Huit Trigrammes. C’est de cette manière que les âmes des taoïstes peuvent monter aux Neuf Cieux pour remettre des pétitions aux esprits, ou les contrôler, détruire le mal et invoquer le tonnerre.

La Petite Ourse

L’Étoile polaire

Alpha Ursae Minoris est l’étoile la plus brillante de la constellation de la Petite Ourse. Elle est connue pour correspondre avec une bonne précision à la direction du pôle nord céleste, ce qui lui vaut l’appellation commune d’Étoile polaire ou plus simplement de Polaire. Du fait de sa position quasiment confondue avec la direction de l’axe de rotation terrestre, toutes les autres étoiles du ciel paraissent tourner autour d’elle, et dans l’hémisphère nord elle ne se couche jamais, tandis qu’elle n’est jamais visible dans l’hémisphère sud. Les chinois la nomme 北极星 běi jí xīng.

Le Petit chariot 

La Petite Ourse est une constellation de l’hémisphère céleste nord. Le Petit chariot par contraste au Grand chariot de la Grande Ourse est, tout comme l’autre Ourse, formé de sept étoiles principales. 

Comme la Petite Ourse est formée de sept étoiles, le mot latin pour nord est septentrio, issu de septem (sept) et de triones (bœufs), sur la base de sept bœufs conduisant une charrue, à qui les sept étoiles ressemblent également. Ce nom a cependant été aussi rattaché aux étoiles principales de la Grande Ourse. L’ours se dit par ailleurs arktos en grec, d’où le nom de cercle arctique qu’on donnait au cercle des étoiles circumpolaires toujours visibles.

En astronomie chinoise, les principales étoiles de la Petite Ourse étaient divisées entre deux astérismes : 勾陳 Gòuchén (Place courbe) et 北極 Běijí (litt. Pôle Nord). Ces deux astérismes incarnent le cœur du Palais pourpre, siège du pouvoir suprême. L’astérisme du pôle Nord est un constitué de cinq étoiles situé, son étoile la plus brillante est dénommée l’Empereur (帝 dì).

Le nord de la boussole

Si les cartes du Moyen Âge font figurer l’est en haut, l’axe de rotation de la Terre entraîne une lecture de la carte peu conventionnelle ; en plaçant le nord en haut, la lecture est plus conforme au sens habituel et occidental de gauche à droite. Aussi, la majorité des cartographes avaient remarqué qu’au-delà de toute symbolique, l’étoile polaire ne bougeait pas, ce qui facilitait leurs représentations du monde. De la même façon, les grands navigateurs occidentaux du XVe siècle employaient cette étoile comme un repère fiable de navigation, car fixe et permanent dans le ciel, la nuit. L’emploi de la boussole paraît ici évident car son aiguille indique toujours le nord, malgré des conditions météorologiques ou des obstacles pouvant empêcher de voir l’étoile polaire. Si le nord est valorisé depuis l’utilisation de la boussole en tant qu’outil d’orientation, il manifeste une tentative de rationalisation du monde à partir d’une cartographie plus précise. À partir du moment où le nord est établi de façon pérenne, il devient le repère géométrique à partir duquel les déplacements s’élaborent à la surface du globe, et ce, au-delà de toute pensée mystique et religieuse.

Énumération

À partir du XIIe siècle, les portulans sont ainsi recouverts de « roses des vents » avec le nord dirigé vers le haut et une couleur la plupart du temps rouge. Les autres points cardinaux s’enroulaient à partir du nord dans le sens horaire, en marquant des angles géométriques afin de préciser encore les directions. Si le nord possède donc une valeur culturelle, en tant qu’il représente le point de référence, aujourd’hui, il nous semble qu’il manifeste un élan rationnel, qui s’éloigne d’une orientation plus sensible et symbolique, où l’orient, à notre latitude, était préféré avant.

Tout juste arrivé de Shanghai, le malheureux émissaire des Fils du Dragon vient d’être atteint par une flèche empoisonnée. Il danse et chante en proférant des propos incohérents. Il semble avoir perdu le nord ! Pourtant, si on lit de plus près les paroles qui accompagnent sa gigue effrénée, on s’aperçois qu’elles correspondent aux quatre points cardinaux dans l’ordre où ils sont donnés traditionnellement en Chine. La transcription toung si nan peï donnée par Hergé ou par Tchang Tchong-Jen est celle de l’Ecole Française d’Extrême-Orient.

Est, ouest, sud, nord, ordre chinois des points cardinaux

Enfin, l’énumération des points cardinaux en Chine montre le nord (北 běi) à la fin, préférant l’est ‘東 dōng) en premier, puis l’ouest (西 xī) et le sud (南 nán).

Le caractère 方 fāng ne signifie pas seulement direction ou point cardinal  mais également côté, méthode, moyen, carré, en ce moment. Il s’agit donc d’une étendue ouverte plutôt que d’un point fixe. Cette conception en aire et non en point permet d’intégrer le centre (中 zhōng) aux quatre points cardinaux habituels, car ce centre ne peut être réduit à un point et doit être considéré comme un espace, celui de l’empereur (帝 dì), celui de l’empire de Chine (中國 zhōng guó).  

Le syntagme chinois 五方 wǔ fāng désigne la totalité de l’univers. Son énumération se fait dans l’ordre suivant : Est, Ouest, Sud, Nord, Centre. Dans la tradition chinoise classique, les wufang sont  intégrés dans des séries complexes de symboles qui associent l’espace avec divers éléments : les météores, les couleurs, le corps humain, les montagnes, les notes, etc. Cette théorie des cinq agirs (五行 wǔ xíng) articule la pensée et la méta-géographie chinoises.

Car c’est dans ce palais du « Milieu Juste » que l’empereur réalisait le lien le plus sacré de la spiritualité laïque chinoise : relier le Ciel et la Terre, l’espace et le temps. Là, lui était solennellement donné lecture des messages qui seraient ensuite psalmodiés aux défunts dans le Temple des Ancêtres de la dynastie régnante. Là, chaque année, à la fête du printemps (nouvel an lunaire chinois), lui étaient rituellement présentées la charrue impériale et la mesure à grains remplie de semences à l’aide desquelles il irait ranimer la terre et relancer le cycle des labours en traçant le premier sillon au

Temple du Dieu du Sol. Là, l’empereur examinait toutes les adresses votives qui seraient déclamées lors des cérémonies rythmant le cours de l’année sur cette gigantesque boussole rituelle qu’était la capitale entière : au solstice d’hiver dans le Temple du Ciel (situé au Sud), au solstice d’été dans le Temple de la Terre (situé au Nord), à l’équinoxe de printemps au Temple de la Lune (situé à l’Ouest), et à l’équinoxe d’automne dans le Temple du Soleil (situé à l’Est).

Enfin, élevant l’axe royal Nord-Sud, le redressant à la verticale, l’empereur atteignait au niveau sublime de sa tâche d’harmonisation: assurer le lien entre le haut et le bas, entre son « père » et son peuple, entre le Ciel unique et l’infinie terre chinoise. En écho avec son nom, la position du Palais du Milieu manifeste l’importance de ce rôle. Ici, au centre géométrique de la Cité Pourpre, qui est au milieu de la ville impériale, elle-même au cœur de la ville capitale qui est symboliquement au centre du pays, à la croisée mystérieuse de l’horizontalité politique et de la verticalité spirituelle, battait le cœur du centre du milieu de l’empire du même nom.

Cyrille J.-D. Javary in Dans la cité pourpre interdite

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