Qu'est-ce qui caractérise un bon professeur d'arts martiaux ?

Traduction de l’article de Jonathan Bluestein « What Constitutes a Good Martial Arts Teacher? » paru dans Cook Ding’s Kitchen.

Ce qui est demandé pour être un professeur d’arts martiaux dans la société d’aujourd’hui est malheureusement très faible. Tout imbécile peut se présenter comme tel. Beaucoup inventent leurs propres titres, certificats et diplômes, tandis que d’autres les reçoivent de ceux qui l’ont fait auparavant. J’ai donc écrit cet article pour deux raisons:

  1. Pour que ce soit une source d’inspiration pour les professeurs d’arts martiaux dans le monde entier, afin qu’ils puissent répondre à des attentes plus élevées pour eux-mêmes.
  2. Pour aider les pratiquants novices et ceux qui découvrent les arts martiaux à savoir ce qu’il faut rechercher chez un enseignant.

Toutes les exigences que vous lirez ci-dessous, je les exige en premier lieu de moi-même, et aussi de mes propres étudiants lorsqu’ils souhaitent enseigner. En cela est décrit la principale qualité attendu d’un enseignant, et d’un leader quel qu’il soit: donner l’exemple.

Parlons de ce dernier. Il devrait être entendu que chaque enseignant d’arts martiaux est, par définition, un parent. Peu importe que l’on se considère comme tel. Les étudiants qui s’engagent dans la pratique des arts martiaux sous votre contrôle sont prêts à apprendre des choses qu’ils ne connaissent pas, et souvent ils n’en ont pas la moindre idée. La plupart des étudiants qui persisteront (même les plus âgés) auront tendance à vous considérer comme un parent; c’est-à-dire une personne qui les guide à travers l’inconnu. Dans ce processus, le résultat de leur état d’esprit sera qu’ils prendront exemple sur vous en toutes les choses, et pas seulement pour les arts martiaux. Vous n’en entendrez pas parler de la plupart d’entre eux, mais certainement que vous en percevrez les conséquences. Le meilleur et le pire des professeurs d’arts martiaux se reflètent, sur le plan personnel, dans le comportement de leurs élèves en dehors des cours. Vos élèves prendront note mentalement de chaque geste, mot, acte ou démarche que vous effectuez, parce qu’ils vous ont ouvert leur pensée et leur esprit émotionnel. Le professeur d’arts martiaux doit donc être presque un saint dans ses relations quotidiennes avec les autres êtres humains, au moins autant que ses étudiants puissent en témoigner, car tout relâchement affectera négativement la vie des autres. Nous ne sommes pas tous parfaitement bien élevés, et certains arrivent à enseigner avec un passé plus sombre, mais une fois que l’on est enseignant, il faut aspirer à être plus grand pour le bien de ses élèves.

Ce que m’a dit un de mes professeurs, Sifu Sapir Tal (Jook Lum Southern Mantis) en donne un bon exemple. Il avait arrêté de fumer peu après avoir commencé à enseigner, réalisant qu’il ne pouvait pas donner le mauvais exemple à ses élèves, qui le voyaient parfois avec ses cigarettes. Sinon, quand de mauvaises habitudes ne peuvent être abandonnées, elles doivent rester cachées.

Le cadre d’un exemple inclut la connaissance. Une éducation. Sur ce qui est pertinent pour son art et sa pratique, bien sûr, mais d’une manière très holistique et complète. Un enseignant ignorant forme des disciples naïfs et mal informés.

Un enseignant devrait pouvoir nommer son style et dire ses origines exactes (non, ‘kung fu’ et ‘wushu’ ne sont pas des noms de styles, mais des termes généraux pour divers arts martiaux chinois. ‘jujutsu’, ‘karaté’ ainsi que d’autres ont aussi de nombreux sous-styles). Il doit parler couramment le jargon et la terminologie particulière du style. Les mouvements, les méthodes et les techniques doivent être compris à différents niveaux – martial, physiologique, anatomique, kinésiologique, biologique, psychologique, philosophique, historique, et plus encore. En tout cela, l’enseignant doit s’être adonné à son étude avant de devenir un tuteur des autres. De nombreuses professions exigent une seule spécialisation, mais le glorieux métier d’enseignant des arts martiaux exige une formation dans plusieurs domaines d’études.

L’enseignant devrait toujours nommer publiquement son professeur, le professeur de son professeur, et ainsi de suite sur au moins deux ou trois générations avant lui. Tous les styles d’arts martiaux devraient avoir une histoire. Même les styles «complètement nouveaux» doivent être basés sur des connaissances passées qui proviennent de quelque part. Ne pas rendre hommage à ses ancêtres martiaux est tout à fait honteux. Je connais de nombreux enseignants qui, à cause du mauvais sang qui coule dans leur famille d’arts martiaux, s’abstiennent de mentionner ces origines. De telles personnes ne sont pas dignes d’être appelées des enseignants. Il est à prévoir que, le moment venu, ils souffriront de mauvaises relations avec leur propre progéniture martiale. Bien que l’on ne puisse pas demander à chaque enseignant d’arts martiaux de toujours maintenir une bonne relation avec son professeur, avoir cette relation est préférable et important. De même, il est également préférable que l’enseignant continue d’avoir son propre professeur, même lorsqu’il est plus âgé.

On dot pouvoir s’attendre à ce que tout homme qui se dit enseignant ait consacré au moins quatre ou cinq années consécutives à étudier avec son professeur principal. C’est pour s’assurer que ses connaissances et compétences dans son «art martial de base» aient suffisamment mûri avant qu’il ne commence à enseigner. Ceci à son tour devrait être démontré dans la capacité martiale. Il devrait être versé dans la totalité ou la plupart des méthodes et techniques de l’art, et être capable d’expliquer en détail chacun d’entre eux. On ne s’attend pas à ce qu’un enseignant soit le plus grand combattant du monde, mais au moins en classe, l’enseignant doit avoir la capacité de réaliser chaque technique avec un élève résistant,  dans le contexte correct pour lequel cette technique a été créée. En outre, il devrait mettre en évidence la «saveur» de l’art martial qu’il enseigne, d’une manière qui montre clairement que c’est bien ce style et non quelque chose sans rapport.

Le langage d’un enseignant devrait être clair et honnête. Trop d’enseignants sont occupés à intriguer avec leurs étudiants et à user de ruses pour manipuler les autres. Confucius a déclaré: « L’homme honnête est toujours paisible, égal à lui-même, serein et tranquille. Les gens malhonnêtes vivent dans le trouble, et des inquiétudes secrètes dévorent leur cœur. » Les malhonnêtes sont inaptes à être des enseignants. La malhonnêteté dans le monde des arts martiaux est une maladie sociale qui cause beaucoup de souffrances. Les gens investissent souvent leur vie dans la formation d’un art, et les dommages causés par les enseignants malhonnêtes affectent particulièrement ces personnes. Chaque enseignant devrait considérer qu’un acte de malhonnêteté à son sujet, une mauvaise interprétation dirigée, peut envoyer une personne bien intentionnée à errer sur le mauvais chemin pour la vie. De tels actes sont au-delà de la cruauté. L’imprécision n’est guère mieux que la malhonnêteté, car elle permet aux naïfs et aux non-initiés de d’avoir des interprétations erronées. Bien que certaines réponses puissent être trouvées sans aide par l’étudiant, il devrait savoir clairement pour lui où il doit aller. Sans savoir à quoi s’attendre, la plupart seront désorientés.

À cet égard , Il est important de garder à l’esprit que ce qui est évident pour nous en tant qu’enseignants est pas moins évident pour la plupart des élèves. Un enseignant devrait savoir éviter l’erreur psychologique trop commune de considérer l’autre comme il se considère. C’est vrai pour l’entendement, mais cela concerne aussi la personnalité de chaque individu dans ce qu’elle a d’unique , sa façon d’apprendre, son histoire et ses antécédents, son état de santé, etc. Il est très important de prendre en compte les différents objectifs des élèves. , qui ne correspondent pas toujours à ce qu’il a en tête. Pour ma part, je m’intéresse beaucoup aux aspects martiaux de mes arts, mais avec honnêteté et bon sens, je dois admettre que beaucoup de mes étudiants ne sont pas très enthousiastes à propos de ces sujets. Il est donc de ma responsabilité de présenter un esprit de libéralisme et d’acceptation décent, permettant à ces personnes de trouver ce qu’ils cherchent en suivant mon enseignementi, tout en les gardant dans les limites de la raison et du bon goût. Alors qu’ils devraient «suivre le programme», il y a une limite à imposer ses propres aspirations, vision et idées à ses élèves.

Il devrait être clair pour tout enseignant qu’être indulgent vis à vis d’une politique sans prétention est contraire à l’esprit des arts martiaux. Un enseignant ne doit pas agir comme un parlementaire. Les promesses doivent être tenues. La conduite personnelle est primordiale. Le rang ou le statut ne devrait pas être remis à une personne sur la base de «contrats», de  «faveurs» ou de préférences personnelles. Les nominations officielles se feront mieux faites sans cela. L’argent, bien qu’important pour gagner sa vie, ne devrait jamais être le facteur décisif dans une relation enseignant-élève. Les frais de scolarité devraient refléter la valeur réelle, mais aussi être juste et raisonnable envers les étudiants. Les contrats sont pour les avocats, pas pour les artistes martiaux. Les compétitions et leur gestion sont excellents pour les affaires, le statut et la célébrité – pas pour le développement personnel. Les étudiants ne devraient pas payer pour les compétitions, et leur sécurité personnelle est plus importante que telle ou telle médaille ou trophée. Le fait d’exiger plus d’argent d’étudiants expérimentés n’est rien d’autre que de la cupidité, et c’est honteux. La vente d’accessoires et de vêtements est agréable, mais un enseignant devrait rester enseignant et ne jamais franchir la ligne pour devenir propriétaire d’un magasin à temps partiel.

Enfin, un bon enseignant devrait permettre à l’étudiant de poser poliment et de manière appropriée des questions concernant l’art et les enseignements d’une multitude de façons. Les esprits curieux doivent être encouragés. Un étudiant devrait avoir un accès complet au corps de l’enseignant – être capable de demander ouvertement à l’enseignant de démontrer une méthode ou une technique donnée, de les observer et aussi de toucher le corps de l’enseignant pendant qu’il les démontre. Le contact direct est l’une des clés les plus importantes pour établir une transmission complète d’un art martial.

Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde, et le monde vous remboursera avec gentillesse.

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