Vide et vacuité en esthétique chinoise

Luna et Vivre de paysage, photographie de Dominique Clergue

La forme simple du vide est la pause musicale ou la brume en tant qu’interruption, suspension, dans la continuité visuelle ou sonore ; une forme plus subtile en est ce qui renvoie à un espace sans limites, à l’espace infini, comme la coda en musique ou le prolongement au-delà du cadre en peinture, l’échappée hors du contexte en poésie. L’inachevé provient de ce moment, de cet espace, indéfinis et révélant une pluralité de possibles ; sa supériorité naît de cette absence d’énoncé borné, limitatif, alors virtuellement riche, suggestive.

Orphée initié

Orphée et Eurydice opéra-danse de Pina Bausch, au Teatro Real

Cheminant trois fois vers un semblable aval, ce livre longe le fleuve musical qui descend des bruits du Monde vers le sens des langues et les performances des sciences ; une voie chantante comparable traverse les mouvements des foules ou les émotions du corps pour s’épanouir en paroles. Ainsi coule un flot sonore entre les puissances ou la force des choses et les appels échangés en signes codés ; ainsi chute, en cascade, la descente de l’énergie vers l’information, l’intervalle géant qui sépare le dur et le doux.

Dongxiao

Le dongxiao est fabriqué à partir d’une longue tige de bambou d’environ 1,2 pouce de diamètre. Tous les nœuds naturels doivent être retirés à l’intérieur pour créer un alésage légèrement conique ouvert aux deux extrémités. À l’extrémité supérieure, une encoche avec un bord tranchant y est découpée. Cinq trous pour les doigts, un trou pour le pouce et plusieurs trous d’aération sont percés dans le tube ; le placement du premier trou d’évent après le dernier trou pour les doigts détermine la longueur acoustique de la flûte. 

Mettre en jeu tous ses sens

En jouant de la petite cithare sous un arbre, peinture murale, Dunhuang, grotte 85, fin des Tang

L’Histoire de la poésie chinoise: de Florence Hu-Sterk déroule un fil d’Ariane dans le corpus monumental et encore peu connu de la poésie chinoise. Il tente d’offrir un panorama aussi complet que possible de cette poésie, des origines à la fin de la dynastie des Song (XIIIe). Durant cette période en effet, se développe une écriture poétique d’une richesse qui restera inégalée par la suite.

Le roi de Qin brise la formation

Peinture murale commémorant la victoire du général Zhang Yichao sur les Tibétains en 848, grotte de Mogao 156, fin de la dynastie Tang, détail

La musique du roi de Qin brisant la formation de bataille est une musique martiale de la dynastie Tang louant les grandes réalisations militaires de l’empereur Taizong.

L’erhu

Erhu, Yang Xue

L’erhu est un instrument de musique traditionnel chinois à cordes frottées.

La chambre de l’aile ouest

Illustration de La chambre de l’aile ouest

西廂記 xīxiāng jì

La chambre de l’aile ouest est interprétée ici au guqin par Feng Qiuhuang.

L’Histoire du pavillon d’Occident est une pièce du dramaturge Wang Shifu, écrite aux environs de 1300. Elle appartient au genre zaju.

En Chine, le théâtre chanté est apparu autour du XIIIe siècle de notre ère et a connu son plein épanouissement sous la dynastie mongole des Yuan (1279-1368).
Le corpus qui nous est parvenu, constitué de cent-soixante-deux livrets, est d’une diversité et d’une richesse telles qu’on le considère depuis longtemps comme l’expression la plus haute du génie théâtral chinois. Destinés à un public populaire et alternant des récitatifs en langue vernaculaire et des airs chantés, ces drames nous offrent un éclairage unique sur la manière dont les Chinois ont envisagé la place de l’homme au sein de la société. Nous y retrouvons ainsi exprimés les sentiments, les valeurs, les croyances, les conflits individuels et collectifs, ainsi que les ressources morales dont l’individu confronté aux situations les plus extrêmes devait se montrer capable.


    Lithophone de jade avec décoration de dragon

    Lithophone de jade avec décoration de dragon, détail

    Ce 磬 qìng a été, selon son inscription, réalisée en 1761. Il appartenait à l’origine à un ensemble de lithophones  (磬 qìng)  qui faisaient partie des efforts de l’empereur Qing pour rendre la musique rituelle plus appropriée et orthodoxe par rapport à dynasties antérieures.

    Sur la plage, les oies se posent

    Vol, Machida Yasuo

    Sur la plage, les oies se posent est une pièce célèbre pour guqin. Dans la tradition chinoise, les bancs de sable ou les plages et les oies sauvages sont des symboles de l’exil. D’autres suggèrent que la mélodie suggère le détachement des choses du monde, l’admiration pour les oies, des animaux nobles et libres.

    Ballade en montagne

    Maisons dans un paysage montagneux, encre et couleur sur papier, Pu Quan

    新乐府·行山·岭

    Le concert « Nouveau Palais de la musique – Parcours des montagnes » fait de l’esprit des monts et eaux traditionnels chinois un vecteur musical de communication avec le monde, il emprunte subtilement les procédés de représentation de la montagne (山 shān) de la peinture traditionnelle chinoise de paysage (山水画 shān shuǐ huà), évoquant l’ensemble thématique de l’album à travers les éléments versant, cime (岭 lǐng), pic, vallée, colline, arrière-montagne, marche en montagne (行山 xíng shān).

    Les cinq musiciens issus d’horizons différents avec entre les mains des instruments confectionnés de matériaux naturels, unité de l’homme et de l’instrument, à travers notes musicales, mélodies, rythmes et timbres sonores spécifiques narrent l’histoire de deux voyageurs issus de contrées différentes au Moyen-Orient qui, d’étrangeté à familiarité avec le peuple montagnard autochtone, de méfiance à confiance, pénètrent en les montagnes luxuriantes à la découverte des pics mystérieux et sommets abrupts.

    En Chine, l’œuvre est moins l’expression d’un génie individuel que participation au mouvement du cosmos, à cet ordre qui unit la terre, le ciel et l’homme, le 道 dào. Un même souffle de vie anime tous les êtres, pris dans le dynamisme des transformations (易 yì) incessantes dont le vide (虚 xū) est le lieu. C’est à ressaisir cet influx spirituel, ce rythme, que le peintre doit collaborer. L’inspiration est ce rare moment où la fusion avec la nature a lieu ; dès lors le pinceau va avec aisance se mettre en marche. Aucun labeur. La peinture, disent les Chinois, émane du cœur, 心 xīn.

    On verra souvent dans les lavis de la dynastie Song le peintre, assis sur une terrasse promontoire devant un paysage ouvert largement ; au loin des pics montagneux perdus dans la brume ; dans la vallée, inaperçue mais entendue, la rivière, paysage se dit montagne et eaux,  山水 shān shu ; près du peintre un petit serviteur, fournira pinceau, encre et papier, une fois la contemplation du sage achevée.

    La musique en Chine

    Le guzheng, un instrument de musique à cordes pincées traditionnel chinois

    La musique en Chine a toujours interféré avec l’ordre de l’univers, d’une part, et avec l’organisation de toute la civilisation chinoise depuis la nuit des temps, d’autre part. En effet, toute civilisation en Chine est basée sur la musique d’origine céleste exprimant l’harmonie universelle, et les rites d’origine terrestre exprimant l’ordre universel.