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Le tai chi chuan, une boxe pour les doux

La poussée de Cheng Man Ching

Élimine l’oreille

Il est inconcevable pour les non-initiĂ©s d’apprĂ©hender comment un boxeur de tai chi chuan formĂ© uniquement Ă  la relaxation physique et mentale puisse combattre un homme musclĂ©. La relaxation est, en fait, le secret, et le degrĂ© d’accomplissement d’un pratiquant est mesurĂ© par sa capacitĂ© Ă  se dĂ©tendre. Les plus avancĂ©s parviennent Ă  un calme mental qui est en soi une grande force.

Le professeur Cheng dit souvent que le tai chi chuan est un processus mental qui Ă©limine la peur, qui est le plus grand ennemi de l’homme. La peur rend un homme rigide, le prive de souplesse et paralyse le corps et l’esprit. Lorsqu’un Ă©lève pratique les mouvements de tai chi, on lui apprend Ă  faire face Ă  un ennemi imaginaire qui est fort et fĂ©roce. Mais quand il fait face Ă  un adversaire, il doit imaginer qu’il n’y a personne devant lui.

L’apparence du professeur Cheng en tant que maĂ®tre de tai chi chuan est trompeuse. Il arbore rouflaquettes et moustache. La robe longue chinoise et les chaussures Ă  semelle en tissu sont sa tenue de tous les jours. Ă€ l’occasion, il enfile la tenue en forme de robe qu’il a conçue lui-mĂŞme. Il est plus que discret; il a l’air lent.

C’Ă©tait ainsi qu’il me regardait lorsque je l’ai appelĂ© un soir d’automne il y a trois ans. Il est venu rĂ©pondre lui-mĂŞme Ă  la porte. Ses propos Ă©tait dĂ©tendus et relaxants et il se dĂ©plaçait lentement. Je me demandais si je n’avais pas fait une erreur.

Ce n’est qu’après avoir pratiquĂ© le tai chi chuan pendant un an que j’ai compris pourquoi le maĂ®tre marchait ainsi. Il ne marchait pas vraiment. Il se dĂ©plaçait de la manière tranquille, continue et dĂ©tendue qui caractĂ©rise le tai chi chuan et qui Ă©tait devenu une partie de sa vie.

Le jeu de jambes est d’une importance capitale pour un pratiquant de tai chi chuan. C’est Ă  ses pieds, ou plutĂ´t Ă  ses semelles, que son poids et sa force doivent aller. De ses semelles jaillissent sa puissance et son Ă©lan. Sa poussĂ©e est destinĂ©e Ă  «dĂ©raciner» son adversaire ou Ă  le dĂ©sĂ©quilibrer pour qu’il perde son Ă©quilibre mental. Mais de telles “poussĂ©es” ne peuvent ĂŞtre administrĂ©es que si elles viennent directement des semelles.

ĂŠtre «poussé» par le professeur Cheng est inoubliable. J’ai d’abord vĂ©cu l’expĂ©rience dans la maison d’un ami oĂą quatre AmĂ©ricains Ă©taient Ă©galement prĂ©sents. Ă€ titre d’explication, le professeur Cheng m’a demandĂ© de me tenir Ă  environ 50 cm du mur et de placer mes mains sur ses bras pour le pousser. Je n’Ă©tais pas novice en boxe chinoise. J’avais consacrĂ© des annĂ©es de mes jours d’Ă©cole Ă  l’apprentissage de la «boxe de la grue» et j’avais Ă©tĂ© poussĂ© par des hommes puissants plusieurs fois auparavant dans ma vie. Mais avant de pouvoir exercer une pression sur ses bras, j’ai rebondi et frappĂ© le mur avec un bruit sourd. Ce fut une horrible perte d’Ă©quilibre. N’ayant pas rĂ©ussi Ă  me stabiliser, j’ai vacillĂ© vers la droite et j’ai percutĂ© une porte vitrĂ©e Ă  1 m de distance. Ce fut l’une de ses poussĂ©es les plus douces.

Maintenant que j’Ă©tudie depuis trois ans le tai chi chuan , je sais que ce n’est pas seulement sa force qui m’a poussĂ© si fort. C’Ă©tait ma propre force rĂ©flĂ©chie sur ses mains sensibles. C’Ă©tait le dĂ©sir de gagner et d’user de force rapidement qui m’a dĂ©fait.

Portrait du professeur Cheng Man Ching

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