De nombreuses histoires
Les exploits pugilistiques de Yang Lushan firent d’incroyables histoires allĂ©guĂ©es comme Ă©tant vraies. Le prince Dwan en Ă©tait sceptique. Ainsi, lors de la premiĂšre soirĂ©e de Yang Ă la cour impĂ©riale, le jeune prince a lĂąchĂ© deux chiens fĂ©roces. Les chiens sont venus Ă ses jambes mais ont soudainement hurlĂ© en retraite. Yang a continuĂ© comme si de rien n’Ă©tait. Le lendemain matin, les chiens ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans leurs chenils, refusant de manger.
D’autres boxeurs en poste Ă la cour ont estimĂ© que leurs emplois lucratifs Ă©taient en danger en raison de la prĂ©sence de Yang. Ils se sont liguĂ©s contre lui. Un soir, alors que Yang passait dans une ruelle dĂ©serte Ă l’extĂ©rieur de la cour, plus d’une centaine de boxeurs aigris l’ont attaquĂ© avec des batons, des pierres et des briques. Yang s’accroupit et se couvrit la tĂȘte de sa capuche, sans essayer de se dĂ©fendre. Pour toutes les personnes prĂ©sentes, il avait Ă©tĂ© rĂ©duit en bouillie. Mais il ne l’Ă©tait pas. Le lendemain matin, il vaquait Ă ses occupations Ă la cour comme d’habitude tandis que ceux qui l’avait battu gĂ©missaient dans leur lit, leurs corps meurtris et douloureux.
Aussi fantastiques que ces histoires puissent paraĂźtre, elles rĂ©vĂšlent le principe cardinal du tai chi chuan: cette force et cette violence qui blessent, ne blessent que celui qui attaque. Les pratiquants de tai chi chuan se mĂ©fient tellement de la nature de retour de flamme de la force qu’ils dĂ©veloppent un toucher si lĂ©ger et hĂ©sitant qu’il semble provenir d’une main sans os.
Tous les mouvements du tai chi chuan entraĂźnent l’Ă©lĂšve Ă ĂȘtre aussi souple qu’un enfant. Les mains d’un boxeur de tai chi accompli ont gĂ©nĂ©ralement une peau claire et lisse. C’est l’oeuvre du “qi”, dirait le professeur Cheng. Ses mains sont aussi belles que celles d’une jeune fille.
La notion de “qi” est difficile Ă expliquer. C’est du souffle mais ce ne l’est pas. C’est la circulation sanguine mais pas tout Ă fait. C’est peut-ĂȘtre la concentration mentale. Ce pourrait ĂȘtre un pouvoir intĂ©rieur mĂ» par la volontĂ©. Personne ne sait avec certitude. Je suis certain d’une seule chose. Plus je connais le tai chi chuan, moins je tiens Ă le soumettre Ă une analyse scientifique.
Le professeur Cheng, bien que n’Ă©tant pas un scientifique, a toujours utilisĂ© la physique pour prouver ses arguments. Il pense que le tai chi chuan est l’une des plus grandes inventions de la Chine et devrait ĂȘtre introduit en Occident. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a organisĂ© deux manifestations impressionnantes Ă l’ambassade britannique et Ă la mission militaire amĂ©ricaine Ă Chungking. Dans les deux cas, de solides gaillards expĂ©rimentĂ©s dans la boxe occidentale ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s pour rĂ©futer sa rĂ©sistance. Aucun de leurs coups n’a pu arriver Ă destination. Au lieu de pouvoir le frapper, ils ont Ă©tĂ© envoyĂ©s vacillant Ă plusieurs mĂštres de lĂ .
Un gĂ©ant imposant de plus de 100 kg a deux fois essayĂ©. Il Ă©tait visiblement perplexe devant la puissance inexplicable de ce petit Chinois. FrustrĂ© dans sa premiĂšre tentative, il a attaquĂ© encore plus violemment. Mais la force l’a encore dĂ©fait. Il chancelait dangereusement vers une grave chute et les spectateurs regardaient avec apprĂ©hension. Avant que quiconque ne sache ce qui se passait, le professeur Cheng s’Ă©tait prĂ©cipitĂ© Ă ses cĂŽtĂ©s pour le stabiliser d’une main douce au coude.
Personne ne le croirait aussi facilement que Robert Smith. AprÚs avoir étudié le tai chi chuan avec le professeur Cheng pendant prÚs de deux ans, il a toujours besoin de cette main offerte et bienveillante pour contrÎler sa chute.
- Tai Chi ChuanâBoxing for the Gentle – Taiwan Today 1963
- Madame Chiang Kai-shek. Un siĂšcle d’histoire de la Chine, de Philippe Paquet : May-ling Soong, Ă©ternelle premiĂšre dame de Chine