La représentation du paysage en Chine

Rouleau de paysage de berge, encre et couleur sur papier, Chen Tianbao (1950-)

Lorsque les peintres chinois travaillent sur la peinture shan shui, ils ne cherchent pas à présenter une image de ce qu’ils ont vu dans la nature, mais ce qu’ils ont pensé de la nature. Il n’est pas important que les couleurs et les formes peintes ressemblent exactement à l’objet réel, l’intention est de capturer, sur le papier, une conscience de la réalité intérieure et de l’intégralité, comme si la peinture coulait directement de l’esprit de l’artiste, à travers le pinceau, sur le papier.

Zhuge Qingjia

La neige se hate quand le temps est clair, Zhuge Qingjia

Les dessins à la plume de Zhuge Qingjia DE bâtiments anciens ont reçu de plus en plus d’attention et de reconnaissance. Ses peintures simples et exquises, apportent un nouveau regard sur les bâtiments anciens du Shanxi.

Zhang Daqian

Paysage, encre éclaboussée et couleur sur papier, Zhang Daqian

L’un des artistes chinois les plus en vue du 20e siècle, Zhang Daqian (1899-1983) a peint presque 30000 œuvres. Il imitait les maîtres traditionnels avec aisance et cependant sa renommée est due à ses brillantes innovations qui ont donné à la peinture chinoise sa sensibilité moderne et ont permis de le comparer à Picasso. Sa calligraphie, sa remise à l’honneur du style à l’encre éclaboussée de la période Tang et sa prédiction pour les couleurs éclatantes font écho à l’avant-garde occidentale des années 1960

L’empreinte du visible

Grand Chêne des trois chemins, 2017, Fusain sur papier, Alexandre Hollan

Né en Hongrie en 1933, Alexandre Hollan s’est installé à Paris en 1956. Il développe depuis plus de cinquante ans une œuvre très profonde qu’il nomme sa « Recherche ». Une recherche de la vibration invisible des arbres et des choses : aller jusqu’aux limites du « visible » pour rejoindre la vraie nature de ce qu’il regarde.

Des soirs, de l’étendue et du silence

Velázquez, après cinquante ans, ne peignait plus jamais une chose définie. Il errait autour des objets avec l’air et le crépuscule, il surprenait dans l’ombre et la transparence des fonds les palpitations colorées dont il faisait le centre invisible de sa symphonie silencieuse. Il ne saisissait plus dans le monde que les échanges mystérieux qui font pénétrer les uns dans les autres les formes et les tons, par un progrès secret et continu dont aucun heurt, aucun sursaut ne dénonce ou n’interrompt la marche. L’espace règne. C’est comme une onde aérienne qui glisse sur les surfaces, s’imprègne de leurs émanations visibles pour les définir et les modeler, et emporter partout ailleurs comme un parfum, comme un écho d’elles qu’elle disperse sur toute l’étendue environnante en poussière impondérable.

Le monde où il vivait était triste. Un roi dégénéré, des infants malades, des idiots, des nains, des infirmes, quelques pitres monstrueux vêtus en princes qui avaient pour fonction de rire d’eux-mêmes et d’en faire rire des êtres hors la loi vivante, étreints par l’étiquette, le complot, le mensonge, liés par la confession et le remords. Aux portes, l’Autodafé, le silence.

Un esprit nostalgique flotte, mais on ne voit ni la laideur, ni la tristesse, ni le sens funèbre et cruel de cette enfance écrasée.

Velázquez est le peintre des soirs, de l’étendue et du silence. Même quand il peint en plein jour, même quand il peint dans une pièce close, même quand la guerre ou la chasse hurlent autour de lui. Comme ils ne sortaient guère aux heures de la journée où l’air est brûlant, où le soleil éteint tout, les peintres espagnols communiaient avec les soirées. »

Elie Faure in Histoire de l’art : l’art moderne

Las Meninas ou La Famille de Felipe IV, détail, huile sur toile, Diego Vélasquez
Las Meninas ou La Famille de Felipe IV, détail, huile sur toile, Diego Vélasquez, Musée du Prado, Madrid

Ballade en montagne

Maisons dans un paysage montagneux, encre et couleur sur papier, Pu Quan

新乐府·行山·岭

Le concert « Nouveau Palais de la musique – Parcours des montagnes » fait de l’esprit des monts et eaux traditionnels chinois un vecteur musical de communication avec le monde, il emprunte subtilement les procédés de représentation de la montagne (山 shān) de la peinture traditionnelle chinoise de paysage (山水画 shān shuǐ huà), évoquant l’ensemble thématique de l’album à travers les éléments versant, cime (岭 lǐng), pic, vallée, colline, arrière-montagne, marche en montagne (行山 xíng shān).

Les cinq musiciens issus d’horizons différents avec entre les mains des instruments confectionnés de matériaux naturels, unité de l’homme et de l’instrument, à travers notes musicales, mélodies, rythmes et timbres sonores spécifiques narrent l’histoire de deux voyageurs issus de contrées différentes au Moyen-Orient qui, d’étrangeté à familiarité avec le peuple montagnard autochtone, de méfiance à confiance, pénètrent en les montagnes luxuriantes à la découverte des pics mystérieux et sommets abrupts.

En Chine, l’œuvre est moins l’expression d’un génie individuel que participation au mouvement du cosmos, à cet ordre qui unit la terre, le ciel et l’homme, le 道 dào. Un même souffle de vie anime tous les êtres, pris dans le dynamisme des transformations (易 yì) incessantes dont le vide (虚 xū) est le lieu. C’est à ressaisir cet influx spirituel, ce rythme, que le peintre doit collaborer. L’inspiration est ce rare moment où la fusion avec la nature a lieu ; dès lors le pinceau va avec aisance se mettre en marche. Aucun labeur. La peinture, disent les Chinois, émane du cœur, 心 xīn.

On verra souvent dans les lavis de la dynastie Song le peintre, assis sur une terrasse promontoire devant un paysage ouvert largement ; au loin des pics montagneux perdus dans la brume ; dans la vallée, inaperçue mais entendue, la rivière, paysage se dit montagne et eaux,  山水 shān shu ; près du peintre un petit serviteur, fournira pinceau, encre et papier, une fois la contemplation du sage achevée.

Surya Narayana

Surya Narayana, Basohli ou Guler, collines du Pendjab, vers 1740-50

Cette représentation rare et fine de Surya, le dieu solaire, assis dans un orbe doré resplendissant combine ses caractéristiques avec celles de Vishnu ou Narayana. Comme Vishnu, Surya porte une plume de paon dans sa couronne et tient une conque et un chakra dans ses mains.

Aux grandes pierres plates

Paysage, Wang Wei

戏题盘石可怜盘石临泉水,
复有垂杨拂酒杯。
若道春风不解意,
何因吹送落花来

Le muguet

Le muguet, huile sur isorel, 1975, Marc Chagall (1887 - 1985)

Marc Chagall 1887 – 1985

J’ouvrais seulement la fenêtre de ma chambre et l’air bleu, l’amour et les fleurs y pénétraient.

Marc Chagall

L’air bleu est celui des vapeurs de ses rêves d’enfant en terre natale russe ; à son arrivée à Paris en 1911, c’est en ces termes que Chagall relate encore ses songes. Prédominant dans sa teinte presque violine et jusque dans des nuances affleurant le turquoise, le bleu est aussi celui de la mer et du ciel de la Côte d’Azur, à Saint-Jean Cap Ferrat puis à Vence où il installe définitivement son atelier en 1966.

Bruissants de clochettes blanches, les brins de muguet ramassés au centre de la composition sont une variation sur le thème du bouquet. Indissociable de l’art de Chagall, souvent associé à la figure du couple ou à celle de la mariée, le bouquet est identifié par André Breton comme « métaphore du plaisir ». Coïncidant avec l’arrivée du printemps et signifiant « retour du bonheur », le muguet s’accorde bel et bien avec cette symbolique. Dans Le Muguet, la place quasi-exclusive et foisonnante du bouquet de muguet fait écho aux œuvres du milieu des années 1920 où le bouquet est traité pour lui-même. Il s’en distingue cependant par sa retenue chromatique. De manière assez exceptionnelle, Chagall fait ici le choix d’une palette restreinte (le vert et le blanc) et nuancée qui contraste avec la franche exubérance habituelle. Il s’en distingue aussi par son ambivalence. Dans Le Muguet, le bouquet exalte le bonheur du couple qui le surplombe, à gauche de la composition. Dans les œuvres de cette époque cependant, ne sont pas rares les accents d’une nostalgie diffuse que Chagall semble avoir héritée de ses origines slaves. A cet instant, les empâtements blancs des fleurs de mai ont aussi la douceur de flocons.

Yuan Yunfu

Jardin de l'humble administrateur de Suzhou, laque, 1990, Yuan-Yunfu

袁运甫 Yuán Yùnfǔ, professeur d’art de l’Université Tsinghua, est depuis longtemps reconnu comme une figure de proue de la scène des arts décoratifs en Chine et est l’un des pères fondateurs de l’art public contemporain chinois. Ses peintures mettent en lumière le talent de Yuan pour faire correspondre les couleurs.

Félix Vallotton

Le Ballon, huile sur toile, 1899, Félix Vallotton

L’aspect lisse et policé des tableaux de Félix Vallotton, leur technique impeccable, leur style distancié, mettent au ralenti les tensions, violences et passions sous-jacentes.

Et nous sommes comme des fruits

Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite , Simone Martini et Lippo Memmi

« Nous sommes suspendus bien haut parmi des branches étrangement entrelacées, et nous sommes livrés à bien des vents. Ce que nous possédons, c’est notre maturité, notre douceur, notre beauté. » – Rainer maria Rilke